#P1 – A mes nuits oubliées

Mille nuits aux quatre murs quelconques, composez le 9, estampillés Maison du Monde ou presque, et toujours ce flacon, avec soi emporté, là déposé, respire, quelques gouttes d’un possible chez soi

Ce lit de quelques années, poing serré, index gonflé, écoute la nuit, entends ce qui sourd, saisis l’air autour figé, il faut pourtant dormir

Sommeils électriques, hier ou là-bas, comme la peau nue comme le ciel ; il y a toujours une fenêtre à ouvrir en grand, s’allonger devant, bercée, le vent respire dans les rideaux d’orages gonflés

Deux nuits pas une de plus ; murs rayés, temps haché, lumières blanches en ricochet, 20 secondes recroquevillées, transpirées, contractées

Une pierre large et plate, plus bas une rivière assoiffée, il est encore frais le long du dos ce bout de monde, léger, humide le sommeil étoilé dévalant prudent les falaises

Je ne voulais pas dormir car il y avait ces pages et cette lampe cassée à côté, paupières livrées dans un combat contre leur propre pesanteur

Ce lit occupant tout l’espace et ce casque vissé sur les oreilles de cette nuit, trop forte la musique vissée dans les entrailles de ce sommeil

Langue anisée, je souris encore, anisé aussi le matelas, seul un cafard passe

Il y a tant ici à regarder, tout est reconnu, le moindre objet aimé et pourtant, rien ne compte plus que la couverture sur soi refermée, seule gravité au corps imposée

La chambre résonne, le ventilateur souffle, la peau transpire, chaque bruit se glisse sous les draps : qui dedans, quoi dehors, et cette voix, et ce pas, ha cette nuit-là !

Notice : « ici, j’ai dormi », « partout ailleurs, j’ai dormi », « là-bas je n’ai pas réussi », « l’endroit compte-t-il vraiment ? » le sommeil est venu avant la réponse.

A propos de Rebecca Armstrong

J'aime la voix alors j'ai fait de la radio (associative), je produis des podcasts et mon métier c'est de faire lien avec ma voix. J'ai écrit, vraiment pour la première fois, récemment. Un manuscrit instinctif est né: des flashs d'un temps passé disons. Il s'appelle "1.2.3". Je souhaite désormais explorer l'écrire avec la profondeur que je sens ici, avec tout l'enthousiasme de la novice. (Et au fait, j'aime les tatouages, les apéros, les lecture à voix haute, mon potager minuscule, courir le matin et lire)

17 commentaires à propos de “#P1 – A mes nuits oubliées”

  1. Très beau textes. Sentiment que même si cela parle de nuits, il fait jour, il y’a du soleil.
    L’oubli ( ou bien c’est volontaire ) du passage « casque vissé sur les oreilles » dans la version sonore a déplacé mon point de vue. L’effet est assez surprenant. Merci.

    • J’adore ce mot « chouette ». Si un jour je « fais un livre », il devra y être. Merci pour l’écoute 🙂

  2. Plein d’images et de sensations poétiques que j’aime.
    J’aime aussi ta voix. Récemment j’ai animé un atelier d’écriture sur les souvenirs de voix, ce qui résonne dans sa propre voix. La voix donne la vie au texte. Du coup je vais me lancer aussi, essayer. Merci pour cet élan.

    • Merci pour ton écoute! Je trouve aussi qu’il y a de la magie dans une voix qui révèle un texte. Et j’ai vraiment envie d’entendre des voix d’ici 🙂 Alors hâte!

  3. J’aurais envie d’accélérer le sommeil dévalant les falaises (belle image). Si l’on déplace une pierre, cela changerait-il le texte ? la voix ? le rythme ?

  4. Merci, j’adore. J’ai écouté le texte en le suivant à l’écran. Je me suis vraiment senti dans les sensations. C’est poétique évidemment mais sans tomber dans les écueils habituels.

    • Merci Aurélien, pour ton écoute et ta lecture. J’y suis allée à tâtons, doutant beaucoup sur ce principe de capter la sensation mais sans rien dire ou presque. Heureuse que la sensation poétique réunisse le tout à tes yeux 🙂