A propos de Isabelle B.

Autrice de nouvelles, animatrice et comédienne

#enfances #02 | la salle à manger

La salle à manger de ma mère était mon terrain de jeu les jours de pluie. Du chêne lourd, lisse, qui sentait la cire deux fois par an pendant une semaine. Aujourd’hui encore, cette odeur m’écœure et me rappelle les rares journées où les meubles m’étaient interdits. Nous n’étions pas riches. L’ensemble de bois noble était revendiqué comme un témoin Continuer la lecture#enfances #02 | la salle à manger

enfances #01 | Tante Paula et les deux anonymes

Tante Paula J’ai toujours eu l’impression que Tante Paula ne sortait pas de chez elle, ne bougeait pas de son fauteuil. Donna Corleone de la famille, la sœur de mon grand-père contrôlait le monde de son intérieur d’un simple regard. Je ne l’ai jamais vu sourire. Quand on passait lui souhaiter la bonne année, elle donnait des étrennes minutieusement équitables Continuer la lectureenfances #01 | Tante Paula et les deux anonymes

#enfances #00 | prologue, le jour des courses

Abandonnée sur une pile de livres, elle ouvre le plus coloré, le plus épais, le plus lisse. Un doigt sur chaque page, elle invente les dialogues, s’étonne, module des surprises et des révélations, se plaint, rit ou pleurniche devant l’aventure. Elle ne sait pas lire mais elle imagine tout, comprend les profondeurs de la psychologie gauloise. Au rayon BD du Continuer la lecture#enfances #00 | prologue, le jour des courses

été2023 #16 | Demande de résidence

Chaque année, je m’offre une retraite d’écriture. Une semaine complète en solitude et variation géographique. Une chambre dans un château ou face à la mer, un gîte dans le Jura ou sur les hauteurs de Namur. Une bulle nécessaire pour suite d’accouchements qui me permet de couper avec les contingences du quotidien. Vingt-huit textes existent, épars, disparates autour de deux Continuer la lectureété2023 #16 | Demande de résidence

#été2023 #13 | perdre le nord

Nando joue avec son jumeau devant la maison. Ils ont sept ans, c’est l’été, tout est possible. S’échapper de la poussière et des stries de chaleur, affronter les ombres, tout est possible. Être un chien, un cheval, un roi, un soldat, tout est possible. Deux fois. A sept ans, nés de la même poche, les frères s’inventent des mondes en Continuer la lecture#été2023 #13 | perdre le nord

#été2023 #12 | terres d’enfance

Nous avons la même terre d’enfance à une génération d’intervalle, à quelques pas du temps. Ma mère, au creux du village entre deux places, la grande et la Saint-Pierre. Elle y est née un soir d’été. Charbon, lendemain de guerre, glorieuses trop lointaines, bassine commune. La pauvreté se reconnait. On n’est pas dans la misère qui s’ignore sourire au lèvres Continuer la lecture#été2023 #12 | terres d’enfance

#été2023 #11bis | boulimie

C’est à ce moment-là que commence sa vie parmi les livres. Elle a 60 ans. Elle avale tout ce qu’elle trouve à la cave. Les génies de la littérature, une collection par correspondance que sa fille a laissée en quittant la maison : Zola, Balzac, Rimbaud, La princesse de Clèves, Manon Lescaut. Les titres et les noms se mélangent. Elle n’en Continuer la lecture#été2023 #11bis | boulimie

#été2023 #11 | marches dans le temps

Avant de vous dire ce qui s’est passé en avril 62, il faut savoir qu’elle n’a aucune idée de ce qui se joue en Algérie. 132 années de colonisation, 7 ans et 5 mois de guerre, des morts dans les deux camps, trop de morts algériens pour une indépendance arrachée par le sang, trop peu de lignes pour résumer des Continuer la lecture#été2023 #11 | marches dans le temps

#été2023 #10 | les circonstances

Je n’appartiens à personne. On me triture, on me fouille, on m’étire, on me grandit. J’attends sans consentement. Si ça ne tenait qu’à moi, j’effacerais tout, en tout cas cette partie de ma vie qui l’intéresse tant. Tout revivre comme ça, de l’intérieur, avec la « part de fiction distillée entre les lignes », non vraiment, qu’est-ce que j’en ai à foutre ? Continuer la lecture#été2023 #10 | les circonstances

#été2023 #09 | secret de glace

Si on lui demande ce qui évoque le mieux son enfance, elle dira toujours Le marchand de glaces. La musique qui éclot lentement dans le silence des rues, comme un bec fragile casse sa coquille, qui sillonne les murs, la route, les places, habille lentement les trottoirs et s’enroule autour des chevilles des gamins qui jouent dehors. Le bout de Continuer la lecture#été2023 #09 | secret de glace