A propos de Liliane Laurent

griffonneuse dans ateliers multiples. Steph, l'éditeur du Hanneton m'a fabriqué deux jolis livrets, les Effilures (les Certains jours que je publie sur FB depuis plus de 10 ans de façon aléatoire) et Rockaway (hommage à Patti Smith) pour la série Poètes & Songs. on me retrouve aussi sur mon profil Lily Briscoe Lighthouse. Existe aussi sur blogspot Les effilures de lil.

#voyages #08 | reconstruction

— 3eme voyage: ne dispose plus du viatique nécessaire. Étymologie du mot voyage = viatique. Les aléas la laissent sans marge de manœuvre. Exil intérieur. Un renoncement comme un vol. Un rêve envolé — voyage: une entrée où une sortie? La question du chez-soi, celle de la frontière — avant la marche, les démarches : passeport, visa, cartes. Les choses Continuer la lecture#voyages #08 | reconstruction

#voyages #07 | #7 un tout petit voyage

De la Juva noire je ne me souviens pas. De la verte oui, un vert doux, avec un gros museau. On la voyait à travers la vitre du magasin, garée sur le petit triangle qui formait la place du Centenaire, à la jonction de deux rues pavées. Elle sentait le caoutchouc, le plastique et le tabac gris. Le grand-père entrouvrait Continuer la lecture#voyages #07 | #7 un tout petit voyage

# voyages # 6 Calvino & Castiglione

Le repas terminé, l’hôtesse Elizabetta proposa à ses invités un nouveau jeu pour passer agréablement la soirée. On apporta le légendaire tiramisu aux biscuits roses et une autre carafe de vin doré. « Mes amis, profitons que nous soyons rassemblés pour échanger nos aventures, nos découvertes, nos passions, en laissant de côté pour ce soir les passions tristes et nos chagrins. Continuer la lecture# voyages # 6 Calvino & Castiglione

#voyages | 2 mais à quel titre

#1 Voilà parfois ce que j’imagine. Partir comme autrefois. Les photos veillent sur mon immobilité. Elles ouvrent des fenêtres sur les murs qui m’entourent. Les nuits d’insomnie je refais en pensée les gestes des préparatifs. Je choisis un point sur la carte du monde, un point où vivent des inconnus, des inconnus que j’imagine, qui ressemblent aux inconnus que j’ai Continuer la lecture#voyages | 2 mais à quel titre

# voyage 1 | 5. Mékong

TAXIS le vert pomme des taxis vietnamiens rassemblés sur la place de My Tho semblent rafraîchir l’air chargé d’humidité du delta du Mékong. PONT ses deux triangles en filet sautent par-dessus une eau ocre et puissante divisée par un large îlot couvert de bâtisses cachées sous des arbres penchés au-dessus de routes parcourues d’essaims de motos. RIVE il aurait fallu Continuer la lecture# voyage 1 | 5. Mékong

#voyages | 1 | 1. 2. 3. 4.

  1. J’ai ouvert les dossiers dont j’ai hérité et j’ai étalé tous les calques des cartes sur lesquelles tu te brûlais les yeux à force de traits minutieux. Je voulais retrouver celle qui nous avait menés en Italie, ta carte du Quattrocento à cause de laquelle nous nous étions perdus dans la banlieue de Turin. Ironiquement le voyage a commencé par un contretemps. Le chat avait disparu. Les chats devinent les départs et ils se vengent. Comme s’il fallait signifier le sentiment d’abandon en partant le premier. Puis ils reviennent constater avec désinvolture le trou béant qu’ils ont laissé. Je connais cela. La soirée s’est étirée dans un silence tendu à peine ponctué de mots feutrés. Puis la nuit. La porte-fenêtre entrouverte grinçait sur ses gonds. De rares voitures faisaient glisser un faisceau lumineux à travers les rideaux, réveillant les ombres. Tu dormais à poings fermés comme si toi aussi tu t’étais évadé dans une contrée lointaine, me laissant tendue, aux aguets, aux prises avec des visions de fourrure sanguinolente dans un fossé. Je me souviens être sortie dans le quartier, prononçant son nom devant chaque buisson, chaque tronc d’arbre, chaque trou d’ombre, revenant sur mes pas, levant les yeux sur chaque branche, me hâtant en apercevant une silhouette qui aurait pu juger mon comportement incongru. J’imaginais la route que nous aurions dû prendre depuis des heures, son tracé précisément dessiné sur ta carte, avec les noms italiens qui étaient associés pour toi à tous ces personnages que tu faisais revivre: les Sforza, la dame de Forli, Federico de Montefeltre duc d’Urbino. Je suis rentrée. J’ai dû m’endormir sur le canapé. Au matin, le chat dormait à tes côtés

  2. Nous n’avons pas trouvé Moncalieri. Nous l’avons cru avalé par la banlieue ouvrière de Turin. Pourtant je suis allée à Moncalieri il y a quelques années, sous un doux soleil d’avril. Moncalieri est traversé par le Pô mais je n’ai rien trouvé qui aurait pu expliquer pourquoi nous devions aller à Moncalieri, en tout cas rien sur le Quattrocento. Et tu n’es plus là. Nous nous sommes approchés de Turin par la route qui vient de Susa. La montagne était derrière nous, nous avions roulé des heures, insouciants. Nous sommes entrés dans la nuit, dans un quadrillage d’avenues et de rues à angle droit, a destra, a sinistra, nous n’avons rien vu des avenues de Lingotto, peut-être nous sommes nous perdus dans Mirafiori ou dans Nichelino ou bien nous sommes nous retrouvés au nord vers Pozzo Strada ou Parella. Nous n’avons rien vu de Torino. Ni Torino ni Moncalieri, ni le Torino d’aujourd’hui ni le Moncalieri du Quattrocento. Peut-être étions-nous entrés par erreur dans un temps hors du temps où les noms s’étaient perdus. Mais à ce moment-là en suivant les faisceaux des phares de la voiture, un sentiment d’irréalité nous a envahis, comme si nous nagions entre deux eaux; deux scaphandriers, le regard protégé par leurs visières transparentes. Le Quattrocento avait sombré sous les algues du temps, nous ne faisions que passer, côte à côte dans le silence de la nuit.

  3. C’était comme une longue chevauchée. Des ombres glissaient sous les voûtes enténébrées. On longeait le fleuve nappé d’une brume plus dense, des fumées flottaient sur des espaces à découvert. Notre capsule de verre allait d’elle-même poussée par son propre élan. Les rubans des rues se tordaient en cercles concentriques dont les rayons menaient à d’autres murs qui s’échafaudaient devant nous et que nous contournions au dernier moment. Le silence était impossible à briser. Il nous enserrait chacun dans les méandres d’un rêve qui n’en finissait pas. Nous avions abandonné toute velléité de décision. La ville nous digérait lentement.

  4. Est-ce -ce qu’on peut imaginer le souvenir de l’autre compagnon de voyage? Trente-cinq and après tu as évoqué cette halte dans un village du Piémont. Comme dans toutes nos premières escapades, nous nous étions arrêtés quelque part. Tu as dit: on était dans le Piémont. Comme à chaque étape, nous nous étions arrêtés un peu par hasard, quand la lassitude nous prenait ou que l’après-midi était déjà bien avancée, ou qu’un village nous conviait pour une raison où une autre. Tu m’as rappelé ce bord de route ou était-ce juste une petite place devant l’albergo où nous avions dîné. Comme à chaque étape nous avions dormi dans notre chambre improvisée à l’arrière du break dont j’occultais les vitres par des tissus indiens. C’était peut-être entre Aoste et Ivrea. On a pris cette route tant de fois. Mais toi, tu te souvenais de cette après-midi particulière où nous nous étions arrêtés dans un village où plutôt sur le bord d’une route, devant cet albergo tenue par un couple un peu âgé, on dit d’âge mûr. Casalinga. On avait dormi là, la matinée était écoulée, tu dormais encore. Des heures plus tard nous étions toujours là. Repus de soleil, alourdis par le long trajet à travers les Alpes, aux portes de voyage qui nous mènerait à Urbino par des détours que nous ignorions encore. Ce dont tu me demandais de me rappeler c’était de cette aubergiste. Elle était venue bavarder avec moi. Mais je ne parlais pas italien a cette époque-là. Que disait-elle? Tu as dit qu’elle nous avait vu jouer nos parties de go toute l’après-midi, là devant chez elle. Et elle était venue voir ce jeune couple, la porte arrière du break ouvert, installé de chaque côté du go-ban avec ses pierres noires et blanches. Ce jeu qu’elle ne connaissait pas. Ce couple qui n’avait pas l’air de touristes, qui s’était arrêté par hasard, là devant chez elle. Devant son auberge qui ne recevait d’habitude que quelques travailleurs le temps du déjeuner, et rarement plus car on sait que les vacanciers s’arrêtent dans les villes, à Aoste ou à Ivrea où mieux à Cremone. Je me souviens du matin à Cremone. Je me souviens de toutes ces parties de go tout au long du parcours. Elles sont au dos du goban. Entre le 22 juillet et le 29 août 1980 j’en ai compté 54. J’ai réussi à passer de 7 à 5 handicaps. J’ai l’impression de voir un carré d’herbe ensoleillé. Mais je ne me souviens pas de cette femme que tu avais vue venir me parler si gentiment. Ce souvenir si précis que tu l’avais gardé précieusement.


lily-pad | liliane laurent

Fragments: « ces calmes blocs ici-bas chus » Barbara Cassin #19/01 échues dans un futur antérieur: il aura fallu tout ce temps mais n’est-ce pas l’oeuvre de l’oubli pour ramener ici ça qui aura été #28/12 récupéré de mes carnets Souvenirs d’avenir: les avant qui n’ont pas eu lieu. Ce qui s’est passé / ce qui est passé / dépassé / ce Continuer la lecturelily-pad | liliane laurent

#voyages #prologue | Cartographie éclatée| prologue

Vous dirai-je les escales de mes itinéraires erratiques, en vrac:Honfleur où Michaud y mit un chameau. Inishmore où le vent décide des directions. Nicosie où nous sommes arrivés trop tard pour le mariage, mais la ville était déjà divisée.À Waalpi sur la first mesa j’ai senti les ailes de l’aigle derrière moi.Les touffes de laine sentaient le suint sur le Continuer la lecture#voyages #prologue | Cartographie éclatée| prologue

#carnets #prologue | Déballe ta malle

Déballe ta malle, décoffre tes carnets, notebooks , Composition Mead, Ohio, made in China, (tiens donc!) Shakespeare & Co, Dodo Pad, Spinnrad, Letterbox; les offerts, les glanés, les convoités ; les sans marges, les sans lignes, les espacées, les resserrées, mais jamais, jamais de lignage Seyes ( les jambages caracolent hors des rails). Carnets pour mémoire, pour plus tard: les Continuer la lecture#carnets #prologue | Déballe ta malle

sol

1 Pas à pas sur la plante, passer le pas du sol froid à la pierre bleue le talon sur le pavé rond le talon qui saigne sur l’arête du silex sur la rampe de la digue sur l’épine le grincement du bois sous tes pas qui s’approchent ou s’éloignent qui s’en vont le galet rond sous la voûte plantaire Continuer la lecturesol