autobiographies #05 | autobiographie véhiculée de ma voix qui pleure

vu, au matin de ce jour, ne m’en souviens plus, rien enregistré, chanté, ai chanté, vocalisé, quel est le timbre la tessiture pourquoi la grenaille pleure, quitté le mastaba plus tôt, jour encore, passé le porche en sens inverse et au milieu du jour remonter, visiter lucien sans sa simone, s’élever à mille deux cent mètres loin de la mer, lumière de quatorze heures, oh, le ci-mourût du virage après prison, stèle fleurie ce jour de chrysanthèmes jaunes, rien hier, rien descente du matin, matinée, quelqu’un venu déposer chrysanthèmes jaunes, muret de pierres grises, garde-fou côté montagne, garde-mort, marbre sombre buriné d’or, on ne voit pas le nom, on ne voit pas le prénom, ni la date, en passant en voiture comme ça, occupé à négocier le virage, guère le temps de, on retient la brillance charbon noir, l’alignement des lettres d’or illisibles, le graffiti du dessin, un motard couché dans un virage, dans le mauvais sens, c’est-à-dire pas dans le sens qu’il aurait fallu prendre à moto pour réussir le virage, force centrifuge, gravité, genou frôlant le bitume du presque milieu de la route, d’où alors la stèle les chrysanthèmes, ne pas rire de la mort accidentelle et pourtant, aurait suffit d’inverser le calque le poncif avant de buriner, le plot petit cube jaune borne la stèle, les chrysanthèmes jaunes déposés par quelqu’un qui sait aussi que ci-mourût, qui porte quotidiennement en cilice celui celle dont l’âme interrompue se trouve retenue dans les cailloutis chassés du bitume, érosion équation pneus-poids-vitesse, dans les cailloutis ou la pierre du muret ou le buisson de myrte une âme grande comment, goutte, flaque, écaille, cil, non pas sa grandeur d’âme mais son volume, quelqu’un y pense, visite, fleurit, les lits d’hôpitaux d’ehpad où s’empilent les unes sur les autres les âmes interruptées, l’âme de simone par-dessus l’âme de pierre de paul de jacques, de suzanne de juliette de marie, est-ce que les lits d’hôpitaux d’ehpad sont déplacés de quelques millimètres après chaque mort ici dedans, dedans chaque lit, que le cil l’écaille de chaque ci-mourût trouve sa place, sa stèle, pas de stèle dans les hôpitaux les ehpad à l’endroit exact de l’envol de chacun chacune, on efface, on désinfecte, empaquette, et pourtant, suis allée chercher la petite âme d’une bête à moi interruptée au cabinet vétérinaire, ses cendres dans un cylindre en carton mauve, la porte défendue laissée ouverte, faufilée translatée mon âme à moi dans la pièce interdite, ai cueilli la petite âme du petit ci-mourût qui flottait entre les cages-cabines, m’attendait, suis partie avec, l’urne à la main, la petite âme dans le bonnet du sein gauche, l’ai ramenée maison, chaise près du poêle, passerai quasi devant sans m’arrêter, aller voir lucien, où donc est simone,

ne retourne pas, ne me retourne pas, faire des boucles périodiques et ne pas revenir sur, ce qui est dit est dit, pas le temps de, prétexte, prétexte du temps, ne réécrirai pas, écrirai de nouveau, lancée torpille sur trente kilomètres vers la maison dans la montagne, ou celle de lucien quinze kilomètres plus loin encore, ou dans le sens inverse vers le mastaba où m’annihile, ne referai pas la diction de la route dite hier, la route d’hier pas la même que celle de ce jour, que celle de demain, les heures tournent, prétexte, pré-texte, le brouillon automobile d’une biographie quotidienne et mienne, sans cesse incomplète, imprécise, bien à faire avec toutes mes voix véhiculées ou pas, véhiculées de toutes les manières puisque refaisant le soir le trajet de chaque matin, et encore, pas tous, pas toutes, les matins où je chante ma voix qui pleure ne dit pas, quand elle dicte elle ne dit pas tout non plus, les pensées papillons dans les interstices elle ne les attrape pas, ou parfois, lancée dans la descente suis à toc, à fond, corps contraint, actionner les mécaniques mécaniquement, le tapage du moteur accélérations décélérations craque-boîte en écoute subie, l’écran du pare-brise et des vitres en cinéma, les montagnes, les ciels, les nuages, les soleils, les arbres, les mobiliers routiers, panneaux, bornes, plots, les verts, tous les verts, les ors et les roux, tous, faire la liste des verts des ors des roux des jaunes et des gris, des bleus, ils passent si vite derrière l’écran, les papillons encore plus, ma voix du matin tente cette écriture à l’emporte-fenêtre, aurais voulu des électrodes pour les papillons, me contente de ce que la voix dit, mieux disante, elle choisit les mots, aurais voulu que non mais c’est un fait, elle décide des mots qui lui viennent là tout de suite et ils sont pauvres, audition des mots articulés, aurais voulu que non mais c’est un fait, s’en contenter, mieux que rien, au mastaba du rien pour la journée, du silence pour la journée, ma voix mieux disante plutôt que rien, parfois elle déraille quand je ne la conduis plus, tant mieux, tant pis, éviter de ci-mourir, des réflexes, garder confiance à la transcription du soir par et pour la voix du soir, avec oreilles, souvenirs reposés, d’autres mots possibles surviennent adéquats, yeux allant et venant trajet parcouru, les mains font le reste, elles actionnent des stylos des claviers, elles compulsent, complètent, précisent autant que faire se peut, d’autres véhicules mènent et ramènent, les papillons volettent, butinent, se posent se collisionnent, ce que je préfère, ces collisions, ces morts, petits éclats d’âme jaillis, scories, cils, écailles dermes, débris cervelle, macules, presque ça m’amuse, chrysanthèmes jaunes

A propos de Pietra Balsi

Elle s'appelle Pietra, Pietra Balsi. Elle est cilice dans sa propre chaussure. Pierre contre laquelle ils trébuchent. Elle vit dans l'angle d'un carreau de verre soufflé au grand feu mais par qui. Elle est piètre compagne. Rugueuse, elle n'est pas polie. https://pietrabalsi.blogspot.com/

2 commentaires à propos de “autobiographies #05 | autobiographie véhiculée de ma voix qui pleure”

    • procédé qui n’avait pas été mis délibérément en contrainte, merci de le dévoiler. Sans doute induit par le trajet (une trentaine de kilomètres) à effectuer en 40-45 mn (contrainte de la ponctualité). Me donne l’idée de vérifier si la lecture dite (mise en voix) de chaque paragraphe (sic) supporterait une durée de 40 mn maximum et ce que ça induirait alors de réécriture nécessaire. Un chantier de plus à mettre en œuvre, après rattrapage d’un certain retard dans le flux de l’atelier. Merci.
      P.B.