autobiographies #09 | dans le silence de la nuit

dans le silence de la nuit…elle dormait… …elle portait des perruques aux cheveux longs et son visage maquillé à outrance sur les tournages (en vrai, sa deuxième maison) dégageait une  odeur envoûtante de fard à la rose sucré faisait souvent ressortir ses yeux et sa bouche de tragédienne ou de sibylle dont les oracles auprès des dieux

étaient fort prisés dans l’antre percée d’ouvertures, de portes – celle de la sibylle de Cumes dans la région de Naples en comptait cent !- accueillant la lumière du jour sur le sol de pierre au milieu des feuilles de laurier mastiquées et des souffles de proches vapeurs volcaniques celles des solfatare au remugle très reconnaissable d’œuf pourri qui auraient libéré sa parole ses visions aussi sa course drapée aérienne Dans un élan peu de temps après, elle, l’actrice, se transformait an déesse maudite poursuivie jusque dans son palais son lit pour être tuée par sa progéniture puis jetée au fond des mers – c’est à ce moment-là qu’elle avait donné l’impression de se réveiller et parce qu’aussi dans le compartiment un monsieur au chapeau mou était entré – La pellicule filmique selon un hyperréalisme confondant -il s’agissait bien d’un métalangage- tremblait au rythme des secousses des tremblements de terre récurrents dans cette partie de l’Italie méridionale (…)

dans le silence de la nuit

elle rentrait aussi avec ses cousins dans ces oratoires palermitains derrière les hautes églises blanches baroques qui sur les places principales longitudinales se découpant contre un ciel bleu  dessinaient de stupéfiants écrins cachés les oratoires aux fosses mortuaires souterraines allégées en surface par les théâtres de vie des saints et les putti de stuc – de Giacomo Serpotta très souvent –  modelés dans un plâtre blanc iridescent reflétant le silence la poussière de marbre et la cire Elle marchait sur ces fosses comme pour la première fois avec l’impression d’habiter un corps liquide – pas comme quand elle avait été là-bas en vrai avant la guerre – qui aurait traversé le sol et ses stratifications ses chambres verticales et ses recoins zigzagants profondeurs sourdes pour rejoindre des parents des amis des visages chers connus aperçus disparus avec qui il aurait été facile de converser et de passer du bon temps même dans une étrangeté quand justement dans ses rêves récents l’effroi de ne plus rendre visite aux vivants en fait aux morts venait souvent la secouer la faire sursauter dans des sueurs froides_ elle venait d’ailleurs de se réveiller… …

et avait pensé assez rapidement en profiter pour descendre du train ; le temps d’un arrêt dans une gare ; dont elle ne savait pas le nom ; elle ne cherchait d’ailleurs pas à savoir ; elle marchait un peu vacillante sous l’effet du sommeil à peine abandonné ; avait heurté un sac posé à terre ; avait failli tomber ; s’était rééquilibrée ; immédiatement saisie par un vent immersif ; chaud ; grillonneur ; presque sifflant ; avait croisé quelques personnes dont une qui lui avait demandé du feu ; le temps pour elle de s’apercevoir que celle-ci avait un œil de verre ;  des cheveux d’un blond luisant étonnant ; une peau cuivrée ; (…)

de retour vers son wagon ; elle avait monté un escalier de fer forgé ; qui l’avait fait assez étrangement surplombé le seul quai existant de la gare ; et son train donc ; qu’ elle voyait (à travers la lunette de sa mémoire ; -celle-ci en partie mangée oublieuse défaillante-) ; comme une de ses vieilles longues voitures ; aux verres fumés ; qui n’était certes pas de loisir ; et qui sillonnait avec d’autres ; au loin ; la plaine déserte sauvage de Damas ; vue de ses collines ; à côté des églises transformées en hôpitaux ; puis transformés en dortoirs ; puis en béances ; rapidement durant la guerre ; ces lieux de culte originels avaient changé d’aspect ; d’utilité ; sous les tirs des armes européennes ; des mortiers ; les échanges de rafales ; entre l’armée et les rebelles ; de plus en plus filamenteux jihadistes ; les projections de  bombes ; dont une -elle se souvenait- ; avait été de longs mois durant arrosée ; pareillement à une plante ; une fleur ; ou une terre sèche à l’extrême ; (ce dont le pays avait longtemps souffert ) ; dans l’espoir qu’elle n’explose pas ; ou le plus tard possible ; tous ces gens qu’elle aurait vu le lendemain ; en bas des escaliers sur le quai ; se seraient en réalité pressés ; le long de cette longue route ardue en montée ; de couleur beige clair ; soit le long d’ un tapis naturel ; à la fois éthéré et figé au sol ; dans un temps sensible spéculaire de millénaires ; de rocailles ; et de sable ; la route du pèlerinage en direction du monastère de Notre- Dame de Saidnaya

A propos de sandrine cuzzucoli

Aime le temps suspendu en contemplant, lisant, dessinant, parlant, regardant le plafond, les visages, peintures, ciels.. Dans mes études passées mais encore présentes!: la littérature américaine, italienne, les beaux-arts, la traduction et d'autres choses depuis... Ecris en revue depuis environ 5 ans, dessine depuis plus, c'est un aller-retour constant un peu comme un Appel de la Forêt, le titre d' un des premiers livres de Jack London- que j'ai aimé!