autobiographies #13 | Purée jambon

C’était… c’est comme quand le matin, tard ; se réveiller, se lever ; encore un peu, au chaud ; c’est l’heure depuis longtemps, faut se lever ; elles sont là, dans l’autre chambre ; là, à côté ; elle lui parle ; il est tard, faut se lever ; « Allez allez, pas d’histoire ! » ; le petit lit en fer qui grince, l’ahanement de la mère Fissou qu’elle relève, et le sien ; « Allez allez… — Eh… » ; mais encore un peu, encore au chaud sous le couvre-pieds ; elle lui parle, c’est sec ce matin ; et elle, elle résiste ; elle résiste avec sa main sèche de vieillarde ; avec ses doigts gourds et crochus, secs, qui s’agrippent à elle, à son bras, à son poignet, l’empêche d’agir comme elle voudrait, comme il faudrait pour la relever correctement, la redresser et l’installer correctement sur les oreillers ; avec ces bras si maigres développant une force étonnante ; comme la force de ceux qui s’accrochent encore un peu à vivre ; la force des vieillards, encore un peu ; la main sèche et les doigts gourds, quand la parole elle peut plus ; depuis longtemps elle en peut plus, de parler, pas avec quelqu’un du moins ; mais elle s’accroche ; et je suis là, à côté ; au chaud encore un peu ; j’entends, je vois bien qu’elle s’énerve ; et le lit en fer qui s’ébranle, et les ressorts qui craquent, qui sautent ; dehors il fait froid ; encore, encore un peu ; à côté ; elle la relève sur le lit, les coussins, mais elle s’accroche, elle s’agrippe, des doigts, des mains, des bras crochus ; ses ergots ; « Eh…. » ; « O l’est l’heure allez allez… », le coup de patte sur la main ; le ton monte d’un cran ; encore un peu, au chaud ; « Allez… », il faut la lever, la relever, c’est l’heure ; la tape, la claque sur les doigts ; sur la main ou le bras ; ça craque ; le nez dehors il fait froid ; la patte, les griffes sur l’ergot : J’ai été réveillé par le mixeur, par la purée qu’elle préparait, les carottes et les patates, peut-être un poireau, bouillis dans le faitout ou la cocotte-minute, l’eau dans la passoire, les légumes fumants dans le récipient, deux ou trois patates, deux ou trois ou quatre carottes dans une petite casserole, peut-être un bout de poireau, et un bout de jambon blanc, elle mixe le tout, pour une purée bien lisse, un morceau de beurre, avalé par le tourbillon de purée orangé, tendant parfois au marron, ocre, le mixeur qui grésille pour la purée lisse, lisse et coulante, avant c’était des écrasés, avec le dos de la fourchette, des écrasés avec quelques morceaux, des petits morceaux de patates et de carottes, des petits bouts de poireaux filandreux, la purée était plus ferme, il y avait plus de mâche, mais maintenant là c’était plus possible, c’était plus possible sur la fin, il fallait qu’elle soit lisse, il fallait qu’elle soit coulante la purée, il fallait qu’elle puisse la boire presque, la purée, cuillerée après cuillerée, alors le mixeur, le vieux mixeur avec son grésillement caractéristique, comme si dans la casserole de petits cailloux passaient sous la lame, les fragments invisibles éjectés contre la paroi de métal, comme si la machine ébranlée se rongeait lui-même, allait sombrer à chaque instant, un bruit de casserole intérieur, que c’est plus possible à la fin : J’ai été réveillé, et ça fait plus longtemps que je crois, c’était peut-être le moulin à café électrique d’abord, les grains de café broyés qui sautent et crépitent contre le capot en plastique, c’était peut-être la porte du couloir, derrière, qu’elle a fait claquer pour aller chercher le paquet de café sur une étagère, avec la casserole accrochée qui cloche contre celle d’à côté, une poêle noire, et la porte claque, c’était peut-être le sifflet de la cocotte, torride par le couloir quand la porte reste grande ouverte, et la télé qui marmonne déjà sous les feux de l’amour, c’est qu’il était tard, il faisait froid, avec la gueule de bois : J’ai été réveillé par une espèce mélopée à côté, elle a des moments, comme ça, plus forts, plus hauts, dans son patois ou dans sa langue à elle, coume çheu asteur, mais pas tout à fait, plus vraiment patoisant, mais juste avant ça, le patois, l’accent, et, peut-être comme les tous petits ont l’air de chanter en babillant, mais pourtant ils parlent, ils parlent comme le font les oiseaux, et elle a comme ça des moments où, ce qu’elle dit, c’est tout en « Eh… », tout en « Ah…, et quelques semi-consonnes mangées pour passer d’une voyelle à l’autre, et quelques consonnes crachées du fond du palais, du voile, il y a des moments comme ça, quand elle se réveille, qu’elle distingue, mal sûrement, comme moi dans la chambre d’à côté, mais je sors pas le bout du nez, mais pas elle, son nez dressé vers le plafond, son grands nez qui a fini par se courber, par replier, crochu à la limite, son bec d’oiseau vers le ciel, noir, elle distingue mal peut-être, mais elle distingue, les poutres, juste les arêtes, à peine éclairées par le jour, et il fait froid ce matin, et pourtant il est tard, tout juste soulignées par la lumière à travers les volets fendus, et l’ombre qu’elle fait naître derrière, des poutres, des barres d’ombre, plus noires que la nuit d’où elle s’éveille, avec ces « Ah… » et ces « Eh… » distendus, indécis, mélopés, en, « Wah… yeah… », et, « Imécouyan… », ou… où elle seule comprend peut-être ce qu’elle veut dire, qu’elle veut dire quelque chose, et quoi, elle veut dire, encore, au chaud, aux barres d’ombre au-dessus, devant, derrière, qui tournent, et pour dire quoi, et pourquoi, « Wah… » et, ou, « Yeah… », OK : J’étais pas bien réveillé, la gueule de bois, le nez froid, dehors c’est gelé, ça se voit par les jours dans les volets, la lumière si blanche, si vive, il est tard, faudrait se lever maintenant, je l’entends qu’il est tard, je l’entends l’heure, la télé matin bientôt KO sous les feux de midi, bientôt, il est vraiment tard, « Eh oh là… pas d’histoire là ! », j’étais pas réveillé et à côté elle la réveillait, c’était l’heure pour elle, l’heure, midi, midi avant l’heure, la purée, fallait se réveiller c’était la purée, et c’était gelé, que même un souffle dans la chambre créait une poche de buée, et la lumière de glace si vivante, vibrante, effervescente, dans les fissures, turbulente, dehors il aura neigé, comme dans ces petits cadres, la campagne, un bois, un chemin, la maison au fond, éclairée d’une feuille dorée, comme la lune, et les lignes, les arêtes, les motifs enneigés, paillettes argentées, grenues, le glacis brillant et irisé sous la lune pleine, comme dans ces cartes postales à fond noir dans la chambre d’à côté où c’était l’heure, et elle la levait, elle, se levait pas, et elle la relevait, elle, s’agrippait, elle la soulevait, elle, s’accrochait, elle ahanait et elle, elle aheuait, crochue, ergotant avec ses doigts, ses mains, ses bras, dure, et alors elle le coup de patte et les griffes, j’étais pas réveillé mais ça a claqué, ça craquait : « Eh… là pas d’histoire hein… ! parce que moi j’peux t’en faire avec hein… ? j’peux t’en faire aussi si t’en veux des histoires… hein ! coume tu m’en as fait toi… hein ? tu m’en as fait hein… ? ah… et des jolies histoires… ! des jolies histoires qu’o l’était… ! hein ! tu m’en as fait dau mau… ? dau mau quand j’étais petite… j’en ai reçu des tapes… ! o l’est qu’tu m’en auras mis hein… ? ah là par exemple… ! çheu asteur… ! tu m’en as mis… ! et papa jamais… ! lui jamais tu m’entends il m’en a mis… ! jamais ! pas une… ! oh mais o l’est qu’tu zou faisais en douce… tu t’en souviens… ? qu’tu zou faisais dans son dos… o l’est qu’tu m’aurais pas mis une tape devant lui… ! ah là ! si tu t’étais avisée… ! t’aurais essayé qu’t’en aurais reçu une aussi sec… ! ah là ! il était pas commode… ! pas coume t’aurais voulu… ! avec lui là tu zou pouvais pas… ! mais t’en ratais pas une hein… ? quand même… dès qu’tu pouvais j’en prenais une hein… ? et que j’savais même pas pourquoi… ! pourquoi… ? pourquoi qu’t’étais coume çheu… ? j’faisais quand même pas d’mau… ! pourquoi toi tu m’en faisais… ? pourquoi… ? et asteur t’es bien servie… t’as l’air maligne là… ! parce que o l’est moi asteur… ! et coume çheu tu zou vois… ! tu zou sais asteur ce qu’o fait… ! que si t’es pas gentille tu t’prends une tape… ! tu zou vois là… ! tu zou sens qu’o réveille hein… ! et qu’o l’est l’heure asteur… ! pas d’histoires faut se lever… faut se lever ! tu dormiras plus tard… ! t’auras tout le temps de dormir après… ! tout le temps… oh ! tout le temps… mais pas asteur… ! asteur là faut se lever… ! et faut manger… ! là o l’est pas asteur que t’as tout le temps… ! qu’tu m’agrippes ou qu’tu m’égrôgnes si tu veux mais tu te lèves et tu manges asteur… ! tu vas te lever et la manger çhète purée… ! faut prendre des forces… ! o l’est peut-être que de la purée… o l’est encore de la purée de patates et de carottes et de jambon… o y a des années qu’o l’est coumme çheu… ! des années que j’zou fais… ! que j’m’en occupe de toi… ! qu’tu m’auras la piâ à fine force que j’m’en occupe de la tienne… ! hein… ? tu vas ben finir par l’avoir ma piâ… ! mais o l’est pas pour aneut… ! ni aneu ni demain… ! tu zou entends… ? parce qu’asteur o l’est l’heure de manger… ! tu vas te lever et la manger çhète purée… ! o l’est l’heure là… ! allez allez pas d’histoires… ! o l’est encore là qu’o l’est ta force ! o l’est là ton courage… ! o l’est ta vie… ! allez encore… encore un peu… pendant qu’o l’est chaud… alors o l’est pas asteur ! o l’est pas asteur qu’on dort tout le temps… ! l’est pas asteur qu’tu vas zou lâcher coume çheu maman… ! sinon j’te zou garantis qu’tu t’prends une tape pour de bon sur le coin dau bec… ! allez encore… encore un peu… o l’est encore chaud… » J’ai été réveillé par la claque. J’ai été réveillé par sa rogne, par sa hargne. Réveillé par la glace à travers les volets. Réveillé par le gel fendu, par le passereau en vol. Réveillé par la poche de buée, comme une petite peau d’âne au-dessus du nez. Réveillé par les barres d’ombre et les feux téléportés par le couloir. Réveillé par la lumière blanche, bleue, du jour qui se faufile sous la porte de la chambre, glisse sur le parquet, sur le voile iridescent ou presque de la cire. Réveillé par les vapeurs, par un souffle de térébenthine. Les volets ont été ouverts à côté. C’est l’heure. C’est l’heure de se lever pour la mère Fissou. L’heure de la faire manger pour mamie Lulu. L’heure de la purée au jambon dans une gamelle en fer émaillée, jaune paille, avec deux petites poignées. Par endroits l’émail a sauté. La purée de plus en plus liquide. Chaque un peu plus peut-être. Chaque jour un peu plus, à la mesure du temps. Ce temps qui passe et qui semble pourtant arrêté. Chaque jour à la même heure, la purée au jambon dans la même gamelle. Juste un peu plus liquide, à peine plus. Je suis réveillé. J’ai la gueule de bois. À quelle heure je suis rentré déjà ? Il me semble que c’est toujours la même chose. J’ai toujours connu ça. La purée jambon à la gamelle jaune, émaillée, écaillée. Ça fait vingt ans que c’est comme ça. Vingt ans que la maladie l’a gagnée, l’a emportée. Depuis que je suis né en somme. Ça vingt ans que je vis avec elle cette maladie. J’ai grandi avec sa maladie. J’ai appris à marcher, à parler, avec la maladie qui grandissait aussi. Appris à lire, écrire et compter avec la maladie et elle, elle en avait pas besoin tout ça, elle, elle en savait bien plus long. Depuis bien longtemps. Et mamie a appris aussi, avec sa mère. Elle a appris la purée jambon, la purée de gamelle en émail. La purée du jour de chaque jour. Elle a appris à la faire couler chaque jour un peu plus. Comme l’urine, comme les selles. Elle a appris les couches. Les couches à sa mère. On apprend pas ça, jamais. D’ailleurs, elle connaissait même pas les couches. Avec ses enfants, c’était des langes. Des langes. Et moi aussi elle m’en aura mis. Mais les couches, c’est avec sa mère qu’elle a appris. De grandes couches et une alèse. Une pour le lit et une pour soi. Une alèse par-dessus la couche, pour le sexe, pour le corps. Une alèse fripée, une espèce de placenta synthétique qui se referme avec des boutons-pression et ça feurlasse. Pour être sûr que ça déborde pas. Mais ça débordait, ça jaillissait. Tout débordait. Le corps. Le corps même était en liquéfaction. Chaque jour un peu plus. Fluide dilué. Le corps et la parole, les gestes et les mots. Tout s’écoulait. Tout s’écroulait. Château de sable sous les vagues de la marée montante. Depuis une vingtaine d’années qu’elle monte. Depuis ma naissance. Un écrasé. Un mixé. Purée jambon. Une énième fois. Et là ça avait claqué, ça craquait. Elles craquaient. Il faisait beau. Ça se voyait à la lumière par les volets et sous la porte. Il faisait froid. Il était tard. Le poêle avait fini par s’éteindre. Le voile de fumée par imprégner insensiblement toute la chambre, jusqu’à la racine de mes cheveux. J’entendais bien la télé par le couloir derrière, la série habituelle, le flux nasillard d’un dialogue insignifiant. Et la grogne à côté. « Encore… ! encore… ! allez allez… ! — Eh… ah… — Ah… pas d’histoires hein ! » Elles craquaient. Quand je me suis levé, ça tournait encore. J’avais mal aux cheveux. Comment j’étais rentré ? Vers quelle heure ? À quelle heure c’était déjà ?

  1. En lisant quelques extraits de La Femme gelée, d’Annie Ernaux, je comprends que le je est anonyme dans la mesure où il renvoie systématiquement à l’autre. Mais l’autre, c’est qui ? C’est la mère, à qui je s’identifie. Mais qu’est-ce qui s’identifie ? La lecture, les romans, de l’écriture en sourdine. « Lire, jouer, rêver. » Quelque chose de l’écrivain, ou de qui veut écrire — mais c’est pareil, non ? — au quotidien. La mère devient comme un personnage transitionnel en quoi s’identifie l’amour que sa petite fille lui porte, le désir d’écrire qui relie l’enfant à l’écrivaine qu’elle va devenir, qu’elle est, l’amour que l’écrivaine porte au roman — « la romance ».
  2. J’entends résonner ce mot de Barthes au sujet des pouvoirs du roman, à un moment où il vient de perdre sa mère : « dire ceux que j’aime (Sade, oui, Sade disait que le roman consiste à peindre ceux qu’on aime) et non pas leur dire que je les aime (ce qui serait un projet proprement lyrique) ; j’espère du roman une transcendance de l’égotisme, dans la mesure où dire ceux qu’on aime, c’est témoigner qu’ils n’ont pas vécu (et bien souvent souffert) “pour rien”. »
  3. Quatre lignes pour commencer.
  4. Un, un seul je devrait suffire. Je viens d’en effacer les premiers. J’en laisse un, un seul. Je traîne. Et puis non, je l’efface aussi. Je peut attendre, et le plus tard possible. Quant à savoir le pourquoi…
  5. Finalement c’est une dizaine, une douzaine de lignes ce soir, et c’est à pleurer.
  6. « … et il faut qu’ici je porte l’attention dont je suis capable sur les textures vivantes, sur le poids de vie qui pèse sur chacun de vous : une vie navrante, exaspérante, brutale, néanmoins belle : qu’à ceci je m’attache dans les termes les plus purs et que je m’apprendrai à distinguer spécialement : c’est bien ceci que je dois entreprendre : une médiation, une tentative de compte rendu, celui de vos vies humaines, de leur étrangeté, et de leur chaleur néanmoins, chacune rapportée à son monde propre… » (James Agee, Louons maintenant les grands hommes).
  7. Avec ces deux elle, avec le monologue de l’une, avec son je à elle, je pourrais recommencer la même opération, d’un je qui en parlant d’elle parle bien sûr de soi-même, comme dans un miroir déformant. — Mais alors : qu’en serait-il du je initial dans le miroir du second je (qu’en serait-il de moi ?) ?
  8. Comment écrit-on mieux qu’ici comment cette femme, qui s’agace, s’énerve après sa mère, malade, s’agace, s’énerve après la maladie, après la mort, qui arrive ? — Est-il besoin de « traduire » : aneut pour aujourd’huiasteur pour maintenantcoume pour comme çheu pour çaçhète pour cettedau pour du égrôgner pour égratignermau pour mal (évidemment, impossible de ne pas penser à mot, mais le jeu s’arrête là, dans le sonore, pas dans le sémantique) – o pour ça, o l’est pour c’estpiâ pour peauzou pour le. — Le patois, ou ce qu’il en reste, en lambeaux dans la langue courante quelque peu déformée, détournée : comme une manière d’agacement, d’énervement, de maladie. — C’est le correcteur qui est content : alerte rouge dans tous les sens !
  9. Est-ce que ça fonctionne le jeu de la ponctuation : la phrase-paragraphe en points-virgules ; puis la série de phrases-paragraphes où règne la virgule, séparées et enchaînées par des deux-points dont je me demande s’ils conservent encore leur valeur explicative — je me demande aussi s’il faut regrouper ces paragraphes, et laisser aux deux-points le soin de mieux distinguer et attacher, quitte à ce qu’ils se retrouvent noyés dans la masse virgulatoire (ça peut se dire ça ? en tout cas c’est fait) —, enfin le monologue dans un français patoisant tordu, tout en suspensions, comme au bord de la rupture : et l’ensemble relèverait d’une montée en puissance d’une poussée, d’un retour à la langue, avec des phrases courantes, classiques, comme on les apprend d’abord, avec majuscule et point, comme le réveil dont il ne cesse d’être question : ça marche ça ?
  10. Parfois, quand je parle de telle ou telle circonstance (un élément, un événement), presque insignifiante, comme ici le froid, le gel et la lumière vive dehors, je me demande s’il s’agit d’un souvenir oublié qui remonte, qui s’accroche, ou de la possibilité d’un îlot de réalité, comme aujourd’hui, ou de l’influence, de la persistance du jour présent, de la présence de ce matin même, égal à lui-même depuis quelques jours, comme sans doute il le fut jadis — et c’est alors une part de présent qui revient ou de passé qui ne passe pas ?
  11. « … pas une qui soit négligeable : et leur mesure ne tient pas seulement aux multitudes contenant le grain d’un seul instant, mais à l’effet de répétition, lequel est aussi par-delà tout décompte, et défie toute conscience qu’en pourrait saisir notre chair ou même notre cerveau : et avec chaque répétition la petite marque se fait un peu plus distincte, un peu plus profonde, un peu plus comme une cicatrice, et prend la forme d’une substance qui aurait pu recevoir une forme autre, et qui à chaque fois qu’elle est enregistrée de nouveau s’éloigne de cette possibilité… » (James Agee).
  12. Je ne sais pas pourquoi : le texte me semble terminé, mais je reste encore là, devant mes notes, comme s’il en fallait une autre, une nouvelle : une façon de ne pas en avoir terminé, de ne pas en rester là ? ou une façon de rester, justement, là, avec elles, encore un peu, encore ?

A propos de Will

Formateur dans une structure associative (en matière de savoirs de base), amateur de bien des choses en vrac (trop, comme tous les grands rêveurs), écrivailleur à mes heures perdues (la plupart dans le labyrinthe Tiers Livre), twitteur du dimanche sur un compte Facebook en berne (Will Book ne respecte pas toujours « les Standards de la communauté »), blogueur éphémère sur un site fantôme (willweb.unblog.fr, comme un vaisseau fantôme).