Brigitte, Nathalie, Valérie et les autres

Marseille, 1928

A l’école de la rue Vendôme Brigitte A – quai Victor Augagneur – a toujours été la première de la liste de la 11ème à la 7ème, Valérie F – rue Servient – était toute petite, sa maman n’était déjà pas grande, Nathalie F – rue du Pensionnat, devenue la rue d’Arménie, il y avait une église arménienne pas loin – a recousu ses oreilles décollées et faisait du cheval, Nathalie B sa maman était blanchisseuse, Jérôme P en vrai on se marierait et on tiendrait le Bon Lait de la rue de Bonnel, Olivier C avait la même tête carrée que sa mère, Bruno V son papa était fourreur, William T – quai Victor Augagneur – avait un petit frère dont on avait plâtré les deux jambes, Philippe G – quai Victor Augagneur – avait mis sa langue dans la prise et bégayait, Bertrand S et Didier R habitaient dans le même immeuble – rue Servient – l’immeuble du dentiste en face de la préfecture, j’aurais aimé chanter dans la chorale A cœur joie avec Marie-Françoise D, Maria n’écrivait pas sur les lignes, Antonio R venait du Portugal, David était juif, Pascal – rue Paul Bert – a été le seul garçon noir de ma classe, Christine d’une timidité maladive avait deux ans de plus que nous et ses règles en CM2, Violaine M aimait les petits pois lardons en sucre, Juliette G – avenue de saxe – a été ma meilleure amie jusqu’en 3ème, Hervé B avait les yeux bleus et me draguait, je préférais Jean C d’origine italienne qui avait une crinière de lion et la peau mate, Jean-Pierre C – cours de la Liberté – avait tenu le rôle de Napoléon à la fête de l’école, Roland P avait un chien, Bertrand V – rue de Créqui – et Cyril G étaient cousins, ils appelaient leurs crottes de nez des mickeys, Gilles B fut celui par qui caca boudin entra dans mon vocabulaire, Bénédicte J – avenue de Saxe – son frère était dans la classe de ma sœur, Christian V – avenue de saxe – sa sœur était aussi dans la classe de ma sœur, Vincent G plus tard est entré dans les ordres, Marc D – rue de Bonnel – son père portait toujours un nœud papillon et sa mère très brune un rouge à lèvres très rouge, Sigolène – rue Mazenod – avaient deux sœurs, Flore et Marine, leur maman était d’origine russe, Agnès G – rue d’Arménie – sa maman était encore plus vieille que la mienne, Pierrick T portait toujours la marque des lunettes sur son visage au retour des vacances d’hiver ; au collège Chaponnay, Laurent B avait un long cou, il aurait pu être le type du bus dans les Exercices de style de Queneau, Frédéric F était sur ressort, Didier S n’était pas bien grand, Marc S était gymnaste, daltonien et d’origine arménienne, il me roula une pelle parce qu’on nous avait décrété copain/copine après quoi nous ne nous adressâmes plus la parole, Salim A était barbu et intégriste avant qu’on en parle dans les journaux, Soraya Z sa mère avait les mains dessinées au henné et un point bleu sur le front, Cécile et Marie-Pierre D étaient inséparables, Cyril C je n’ai jamais su si c’était vrai que son père travaillait à la télévision, Ingrid B – rue de la Barre – sa maman était veuve, Sandrine I son père vendait des jeans dans une minuscule boutique, Frédéric P avait 15 ans, il suçait son pouce en classe de 5ème et habitait à Laurent Bonnevay, Magali R était moche, chez Martine S la sonnette jouait la « Lettre à Elise », Sylviane habitait à Bron, Raphaël J – avenue de Saxe – Sophie DT – avenue de Saxe – on se faisait coucou par la fenêtre, Roman P avait une tête à s’appeler Nadège, Jean J est arrivé en milieu d’année scolaire de Yougoslavie, Laurence P avait des airs de garçon manqué, Florence B sa mère travaillait chez Voisin quand la chocolaterie était encore rue de Bonnel, Annick G chaussait du 46, Marie-Ange R était une vraie garce, Nicolas traînait des pieds en marchant, Guillaume avait une chaussure avec une semelle compensée mais pas l’autre, Laurent F se branlait sous son pupitre, Jean-Luc C n’avait plus de père ; au lycée Ampère Bourse, Claire B habitait à Vaulx-en-Velin-Village, Frédérique L à Beynost, Christiane B avait de beaux yeux verts et sortait avec Didier L, Isabelle allait à pied comme moi, avec Marianne C on courait au parc, Jean-Marc Z exhibait chevalière en or et grosse gourmette, David C avait le regard de Christophe Lambert, Nadine dansait, Marie-Pierre dite Ma-Pie était langue de vipère, Isabelle M venait de loin, Valérie V était déléguée de classe, Valérie G était baba cool, Didier T dessinait des bandes dessinées, Régis GV redoublait, Anne-Claire aussi ; à l’université Lumière Lyon 2 sur les quais ou à Bron, Anne F s’assit à côté de moi le jour de la rentrée, Laurette avait les yeux verts et le poil noir, j’empruntai plus tard son prénom à Flavie G pour ma fille, Jean-François R était jurassien de Lons-le-Saunier, Fanny V grecque de Thessalonique. Quand elle repartit en Grèce, je lui rachetai ses meubles. Je me sers encore de son plat à gratin.

A propos de Cécile Marmonnier

Elle s’appelle Sotta, Cécile Sotta. Elle a surtout vécu à Lyon. Elle a été ou aurait voulu être marchande de bonbons, pompier, dame-pipi, archéologue, cantinière, professeure de lettres certifiée. Maintenant elle est mouette et fermière. En vrai elle n’est pas ici elle est là-bas. Elle s’entoure de beaucoup de livres et les transporte avec elle dans un sac. Parfois dans un carton quand il ne pleut pas. Elle n’a pas assez d’oreilles pour les langues étrangères ni de mémoire sur son disque dur. Alors elle écrit. Sur des cahiers sur des carnets sur des bouts de papier en nombre. Et elle anime des ateliers d’écriture pour ne pas oublier de vivre ni d'écrire.

10 commentaires à propos de “Brigitte, Nathalie, Valérie et les autres”

  1. Et le gratin doit être fameux! s’il est comme le texte, je me suis régalée de cette accumulation!

    • C’est exactement ce que l’écriture a provoqué. Merci pour votre expérience de lecture !

  2. J’adore, j’avais eu cette idée mais j’aime beaucoup comment vous l’avez développée. Un régal, oui!

    • Merci à vous ! J’aimerais lire cette même thématique déclinée par quelqu’un d’autre. J’irais vous lire prochainement 😉

  3. quel plaisir à voir surgir en écho des souvenirs lointains, j’ai ressenti beaucoup de joie dans ce texte et le temps qui passe aussi merci

    • Merci Marie ! Le temps qui passe et semble se raccourcir – moins de noms en tête…