#compiles #01/40 | de l’imprévu

cycle «le grand carnet », proposition #01 sur 40

L’imprévu. Le coin de la rue passée, une sorte d’araignée géante à trois pattes métalliques. Une nacelle quelques centimètres au-dessus au sol, le visage contrit de l’ouvrier, les deux mains en appui, une jambe par-dessus bord, tentant de se hisser. Malhabile. Pris sur le fait, le cul un peu trop lourd peut-être, la jambe d’appui en extension, les joues rougeaudes, le regard mi coupable mi ahuri. HG.

tout d’un coup dans les phares sur le côté, un surgissement, silhouette noire dans le noir, invisible jusque-là, révélée au dernier moment, où les roues presque à la toucher, la renverser, impossible de noter, mains sur le volant, la nuit la pluie, garder l’image en soi, la peur rétrospective, j’ai failli le foutre en l’air, l’ai vu au dernier moment, apparition de la silhouette de l’homme en noir là où pas de piéton d’habitude pas de trottoir PhL

Ils arrivent cette nuit, ma fille et son compagnon. je ne l’ai jamais vu. Ils sont ensemble depuis 4 ans et je ne l’ai jamais vu qu’en photo ou vidéo. Il devait passer par Berlin pour voir un ami et faire une marche en Finlande, mais il est malade. Il rentre de Delhi. Covid peut-être ? J’ai préparé leur chambre, les auto-tests et les masques. Ils arrivent ce soir, très tard. je l’ai appris hier dans la nuit. Je n’irai pas les chercher à la gare, ils viendront en taxi. DGL.

Matin : coucher 1h30. Meilleur pâtissier, trop long (soupir/bâillement). Lever : 5h30. Nuit ? trop courte (soupir/bâillement). Petit-déjeuner-infos-web, douche, fringues. 7h. Caresser/nourrir le chien, ne pas oublier l’alarme, encore caresser le chien (tu gardes la maison !). 7h15. Voiture, START, 1ère, 2nde, première à gauche, dangereux croisement (à gauche, frappé d’alignement, le labo d’analyses médicales). Tête à gauche, voie libre, coup d’œil à droite – toujours un crétin pour débouler et tourner sans attendre que – un feu ? Ce feu n’était pas là hier. ChG.

Lecture des dernières pages de L’homme qui tua Roland Barthes de Thomas Clerc. Et toi, si tu devais écrire ton « homme qui tua… », qui pour assassin ? qui pour victime ? JC.

… un mensonge suffit à ne plus pouvoir se dépêtrer à ne plus jamais être cru de rien… XGu

Quatre heures du mat. Réveil nocturne, habituel. En sursaut. Je l’ai, je la tiens. C’est pas la première fois que l’idée, la belle idée, passe au-dessus de moi au moment où je me réveille au milieu de la nuit. Et que je l’attrape. J’allume la lumière, cherche mes lunettes, mon carnet sur la table de nuit, un crayon. Tombé, sous le lit. Je note l’idée lumineuse. Je souris, je suis heureux de l’avoir attrapée, celle-là. Le lendemain, quelques traits gribouillés illisibles. JLC.

un steak haché saignant avec des pommes de terre coupées en petits carrés, cuites avec des oignons (sa recette) et avec des épinards à la crème parfumés d’une pincée de muscade (ma recette). CB.

Après tant de chaleur inattendue, nous ne savons plus si le retour du froid est normal, s’il est temporaire, s’il est rassurant. Nous ne savons plus garder notre chaleur corporelle, ni garder la tête froide face à la crise climatique. L’avenir est flou. Le climat devient préoccupant. Je m’inquiète et je suis frigorifié. Le vent porte des idées lugubres. La lumière du jour s’estompe. Nous n’irons pas danser sous les lampadaires. YSO.

9 novembre chute du mur c’est l’anniversaire de mon frère, infirmier à l’hôpital d’Angers. Lui envoyer un mot en musique, sa guitare lui manque blues new orleans (il est allé là-bas), à cause de l’hôpital il trouve pas le temps de jouer, faudrait vraiment qu’on s’y remette ensemble. Un musicos de Magma a créé un studio près d’A. Demain, je vais tenter de faire chanter mes élèves : improviser un opéra déjanté sur «le dernier sursaut» de Vinaver, ils pourraient même (oh l’idée) être filmés, juste une capsule, garder une trace de l’avancée du spectacle… FB.

Je l’ai bousculé, une petite silhouette d’homme usé, il est défini par son odeur, crasse, tabac, alcool. Dix-huit heures dans un bar-tabac, je ne le vois pas, je m’excuse, je laisse le naufragé. LS.

L’imprévu ? J’ai posé ma main gauche sur le coté de mon ordinateur, pour passer à autre chose, et ne l’ai pas reconnue. Une main d’homme mûr, presque de vieillard. Des veines qui ressortent, un flasque dans la peau des doigts. Une taille, surtout, inhabituelle, trop grande, comme d’une marionnette. La main d’un autre. Saisissement. Palpitations. Souffle accéléré. Qu’en faire ? TD.

Il avançait dans ma direction, protégeant de sa main quelque chose qu’il tenait à l’abri dans sa parka, boutonnée jusqu’à la poitrine. Un bébé, un animal ? Je ne pouvais apercevoir qu’un bonnet de laine beige, donc, j’ai opté pour le bébé. J’eus quelques secondes pour décider si, au moment où nous allions nous croiser sur le trottoir étroit, je jetterais un regard rapide vers la parka pour confirmer ma supposition. J’ai pris la décision de regarder droit devant moi. L’imprévu est arrivé après. Une intuition comme une flèche. Il était impossible que cet homme n’ait pas pensé, ne serait-ce qu’un instant, que ce qu’il avait là, la chaleur de cet être contre son corps, c’était la sensation la plus proche possible de ce que ressentait une femme portant son enfant dans son ventre. H.B.

S’extraire d’une journée de grève programmée, des piquets atones, des slogans entonnés au-delà même du concept de poussière, des odeurs de café refroidi et des espoirs jamais réchauffés. Prendre la route jusqu’à ce que la forêt succède au béton. Rochefort et ses pierres plusieurs fois centenaires. Wagner, Rachmaninov et les Fantasiestücken de Robert Schumann dans la radio. Aujourd’hui, le moins de voix humaines, le moins de murmures du monde. Et au bout de la route, sourire. JT.

le pire c’est certainement le bruit (un jour, elle m’a averti « votre invocant c’est l’oreille » je me souviens mais en rêve, je n’en entends pas) à moitié allongé, un bras sur l’accoudoir, le gauche, de l’autre côté le long du corps – devant les yeux des gants blancs et la lumière elle a un nom particulier, les outils sont d’acier chromé, et on entend « attendez un peu comment ça va » – à gauche la jeune fille porte des lunettes grosses transparentes – le pire c’est le bruit PCH

« Faut faire avec! Y a rien à faire, eh oui, faut faire avec » Avec quoi? Ils parlaient de la pluie, la pluie incessante, celle qui mouille et qui fait déserter les terrasses. Ah non! Il y avait quelques tables occupées sous le plastique, au coin de la Grande Rue. Le Bastille restait occupé par des réfractaires, la fraction qui ne se laisse pas faire par la pluie, celle qui mouille, incessante, tout aussi persistante que ces tablées d’amis bavards qui avaient décidé de ne pas se laisser faire par cette pluie imprévue sur l’appli météo de ce matin. LL.

Quand on l’a su on s’est demandé ce qu’on allait bien pouvoir dire. Pas ce qu’on allait pouvoir dire non mais comment on allait le dire. Alors on a dit on continue. CM.

Au coin de la rue, elle pose sa main sur mon avant-bras, comme sur un levier. PhS.

Il le touche du doigt, une deux trois fois, tremble devant. Le bouton ne bouge pas, porte fermée immobile. Les autres piaffent dans son dos, passagers enfermés dans son mouvement. Il tente le majeur, ses lèvres se serrent comme pour accompagner la main. Le bras droit s’accroche à la canne qui aide à marcher. Tout de lui se crispe et frémit au rythme des doigts qui caressent, croyant pousser. La porte s’ouvre, fracas métallique. De son bâton, il pointe l’extérieur où s’évadent déjà ces corps qui ont trop attendu. GB.

Nous sommes huit. 
L’imprévu en ce mercredi soir.
19.32. Nous sommes à l’abri.
Nous devisons, nous sourions, nous partageons. 
Des éclairs vrillent le ciel.
Le tonnerre gronde.
Un orage soudain.
Un vrai déluge tombe sur la yourte.
Soudain huis-clos pour huit personnes.
Silence !
L’une craint.
Elle tremble.
Soudain elle se détend.
Nous sommes huit. 
DM

Le jour décline et j’observe, allongé sur le bain de soleil de la terrasse de la gare TGV d’Aix, les nuages filandreux qui s’agglutinent, s’épaississent noirs au-dessus du massif montagneux et qui, soudain trop pleins, crèvent et dégoulinent en gouttes épaisses sur la pergola et le bitume du parking. S’élève alors du sol rafraîchi le parfum caractéristique de la route mouillée par l’averse et celui-ci se mêle à la chaleur douceâtre d’un mois de novembre devenu tropical.  XW.

Vous ne pouvez pas imaginer le repos qu’on trouve en sortant de chez moi. Vous ne pouvez pas imaginer le repos qui règne en sortant de chez moi. Vous ne pouvez pas imaginer le repos juste là. Vous n’avez pas idée du repos qui se trouve là. À la porte de chez moi. Vous n’avez pas idée du repos qui me prend là. Me prenant là. Vous ne pouvez pas imaginer le repos dans ma rue. Vous ne pouvez pas passer la porte de chez moi. Passant dehors je me suis tu. Dans ma tête pas un bruit. CT.

Il y a un bruit de talons dans le passage. C’est juste sous ma fenêtre et ça marche. On entend bien le bruit des talons. C’est le bruit des talons contre le pavé. C’est très net. Et puis il n’y a plus le bruit des talons. C’est curieux, je n’ai pas entendu arriver les talons. Je ne les ai pas entendus repartir. Il n’y a personne dans le passage. Ça n’a pas de sens d’apparaître, de piétiner ainsi sous la fenêtre puis de disparaître. Mais c’est peut-être fréquent me dis-je aussi. Comment savoir ? Si les apparitions mettent des chaussons, elles peuvent apparaitre ainsi, piétiner et disparaître. Je ne le saurai pas. Après tout oui, c’est peut-être fréquent. Peut-être qu’ils sont très nombreux à piétiner ainsi, en chausson, sous ma fenêtre. MT.

Amtrack to Baltimore. Le contrôleur scanne le QRcode, sort un carton de sa poche, le déchire verticalement, le plie consciencieusement, le coince dans une rainure opportune au-dessus du fauteuil. Avant chaque arrêt (Newark, Philadelphia, …) il passe dans le couloir, jette un œil aux cartons, en reprend certains. Curieux je regarde le mien, le bord supérieur du repli tombe pile sur BAL. Chapeau l’artiste. Avant Baltimore, il le reprendra, m’oubliera, saura qui est monté là, qui contrôler. Modernité et pragmatisme, deux jambes d’un serein contrôle. BD.

Ce soir, Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait : Albinoni sur le baiser final dans le train, le Requiem en puissance, les jeux de cordes tendues qui s’embrassent, m’arrachant une larme. — Je ne pensais pas voir le film. J’ai raté le début, je me suis posé comme ça devant l’écran, à regarder sans voir, avec l’idée de me remettre au Domaine des Fossés. Et puis, des mains, des corps, les vêtements, la peau, les bouches, la voix off pour dire la distance paradoxale. Et elle, avant, dans le contrejour de la lampe. La lumière est douce, la voix aussi. Et c’est une ombre qui parle. WL.

Au bord de la route m’accompagnent des noms de villages : Laféline, Fleuriel, Deux Chaises, La plume. Et puis la poésie s’est envolée avec le vent de la terre. Préparatifs intenses hier journée. Les nuages sont blancs d’océan. Avons loué un loft. Nous n’irons pas dormir là où je suis née. Tout est devenu compliqué. Il faudra choisir, ramener juste ce qu’il faut pour ne pas oublier. Ne pas s’encombrer. Léonard Cohen chante Suzanne. Mélodie bouleversante. MM.

Imprévu son coup de téléphone, imprévu ce que je lui apprends, imprévue sa réaction et pourtant tellement sienne. Imprévu ce rire qui me monte. Mon bon garçon, mon ingénu. Sa candeur c’est sa force. Garçon droit. Et je ris de le reconnaître tout entier dans cette simpiclité. Au soir de la journée, il y a ce rire  qui est monté, pas un rire de gorge, pas un rire moqueur. Un rire des lèvres, des joues, des yeux. Un rire de joie. BG.

Imprévu, sans être étonnant, après la pluie de la journée, obstinée, lourde, froide, rallier le nord à l’est de la ville prend un temps fou, un temps ralenti sous la pluie qui continue de tomber drue. CS.

9/11 – Après des semaines d’infidélité, je suis de retour sur les chemins de Saint Lumine. Sensation inhabituelle, donc imprévue, d’intense satisfaction. Les fortes averses de la nuit passée ont lavé les petites routes vers la Berderie d’où je rejoins Malsaine. Nous sommes le 9 novembre et l’air est intensément doux. J’écoute d’une oreille inattentive les propos de qui marche à mes côtés. Seulement présent aux marais, aux chênes et au vert intense des prairies. Trop élémentaire pour ne plus entendre la rumeur de la grande ville et le fracas du Monde ? AB.

Pression artérielle / oxygène sanguin / pesée; de retour dans la salle d’attente, l’imprévu : je m’évanouis – 40 secondes ? J’ouvre les yeux / reprends conscience; à l’intérieur de mon masque, je saigne abondamment du nez [ou de la bouche]; dans ma chute, j’ai heurté un objet; accroupi / tête vers le sol / vue partiellement bloquée, je ne vois que des pieds et des mains et des voix : je décline sans erreur le jour, la date et le lieu où je me trouve. EL.

Son avant-bras nu effleure ta main. Elle s’excuse. Pardon. Elle a empiété. Passé une frontière. Tu as deviné sa chaleur, une finesse inattendue, un très léger duvet. Le contact est imprévu, devenu rare avec qui l’on n’est pas intime. On ne s’embrasse plus, et à peine si l’on s’approche lorsqu’on se salue. Un effleurement. Le mot est joli. Comme on caresse une fleur sans l’abimer, et la texture du pétale. La texture de la peau. Les mots te touchent : effleurer, texture. Le texte. Ce qui reste à écrire. SB.

Imprévu à 17 heures ce ciel en noir et blanc – l’orage ailleurs – noté sur une vidéo d’une seconde – chaque jour une seconde – pourtant son pull est vert son jean est bleu – à la radio Kind of Blue dans la Dolce Vita – inquiétante la douceur de la température – associée à une fatigue post-vin-rouge – à la radio Cry me a River dans la Dolce Vita – pleurer un fleuve à quoi ça sert – demain on ne sait de rien – demain on ne cède rien. JMG.

Radio stimuli. Colère. Non. Je refuse d’être une personne en colère. Je m’interdis la colère. Je sais trop ce qu’elle défigure. RBV.

L’imprévu. Incipit. J’écris ça et après. Qu’est-ce qui vient après ? Jeudi matin, 6h16. Tout le monde dort encore, tout est sous contrôle. Le chat à ma gauche fait sa toilette. Je répète : la belle Pompon écaille de tortue, sur le tapis de mon bureau, fait sa toilette. Je pose mon regard longuement. Cela n’arrive pas d’habitude, que je m’intéresse à Pompon plus que cela. 6h30. Le réveil sonne. Notes de Chopin. Sublime. Opus oublié. CLG.

Repousser l’écriture du prologue, peut-être un peu superstitieusement: combien de #00TL pour aucun cycle mené au bout? Choisir le carnet sans l’écrire, le prologue se fera postface ou émergera à mi-parcours. Tâter, feuilleter, effleurer mais ne pas dévoiler celui qui semble parfaitement convenir, s’impose même : lui laisser l’interstice d’un amont. Pluie diluvienne sur le velux et pile de corrections chancelante, s’autoriser pauses musiques et lecture , finir « sa préférée » de Sarah Jollien-Fardel. SG.

Il y aurait eu les odeurs. À présent je vois davantage les corps qui bougent. Il y en a peu ici. On prend le temps de les voir se former, marcher à côté des pierres énormes d’église. Une femme promène son chien – je dis femme mais c’est son corps qui me suspend à lui, l’impossible tourment des jambes et la lutte contre ce qui ne tient plus, comment se porter quand même, se porter encore, là, pour le chien au bout de la laisse. MR.

On n’avait pas pensé que ça se passerait comme ça. Ce n’est pas ce qu’on voulait. Parce que tu crois que cela te servirait, un père? Parce que tu ne veux pas de père. Parce que les pères sont inconsistants. Un jour ils sont là et puis le jour d’après, ils ont disparu. Être père, ce serait comme un manteau qu’on enfile et qu’on retire quand on n’en veut plus. Est-ce qu’on peut s’en débarrasser quand on a trop chaud ? Être père et suspendu à la patère. Être père et retourner sa veste. Cent hommes: et pourquoi pas un père dans tout ça ? IG.

L’imprévu, c’est justement recevoir au réveil l’invitation à écrire. Avant l’appel venait du dedans, seul. Mais longtemps que plus rien ne surprend, ne pousse à noter. Depuis que l’écriture est partie, la ville s’est vidée des fictions qu’elle portait à son insu. Du banc en marbre blanc, chercher à me sentir vivant, tenter d’être parmi les choses : un bruit de pas invisibles derrière moi dont j’imagine la silhouette, un chantier qui gronde au loin comme le ventre vide gargouille, et le lac, laid, enfermé dans sa cage, dont l’eau verte frémit au moindre soupir…j’y tourne en rond sur ma barque, repêche à l’épuisette les mots qui l’un après l’autre refont surface…AnM.

‌devant le supermarché, un couple, bientôt la trentaine, assis jambes allongées, des bières posées près d’eux, le sourire de la jeune femme avec qui son compagnon partage de la nourriture, une cuiller pour deux, jusqu’où l’intention ou l’illusion du bonheur peut aller se nicher mb

Est ce qu’on peut revenir à l’origine ? Est-ce que l’origine a un début ? Est-ce que l’origine c’est le commencement ? On dit remonter à l’origine, est ce que l’origine est en haut d’une montagne ? Novembre le 10. Jeudi le matin. Le ciel bleu fin de nuit. Les tours, les toits, les angles des maisons nets. La dernière étoile brille. Un avion passe. Un oiseau chante. Un temps sans commencement ni fin. Et Let’s begin again. LT.

Huitième étage de la cité administrative. 17h30. Lever la tête de l’ordinateur. Par la fenêtre la ville en contre plongée. Les boulevards puis la ville intramuros. Suivre des yeux la rue qui descend vers l’église St-Seurin. Au loin la place des Quinconces, en toile de fonds les coteaux de Garonne. Le soleil décline, le ciel s’empourpre. Au-dessus de la ville un immense nuage rouge orangé, de plus petits gris noirs. Vision cauchemardesque, écho aux images apocalyptiques des grands incendies de l’été. Iva.

liste des choses à faire dressée pour le jour — rien à redire je serai bien occupée — errer un peu avant sur le net — voir passer le démarrage d’un colloque — aller voir le zoom juste un moment — y rester un long temps — à écouter des mots que j’aime — dans l’ici qui me tient — en un va-et-vient entre la poésie qui se dit — et l’au-delà de la vitre où se glisse le regard — des petits mots d’Emaz notés sur un carnet — à creuser le dedans et le dehors — SV.

Dans mon dos. Ce qui se passait. Ce qu’elle avait en tête. Comment elle s’y prenait. Tout en gestes lents. Ce qu’il fallait qu’elle voûte de son corps. D’abord baisser la tête. Faire le dos rond. Ramasser le corps. Réduire l’écart entre l’avant et l’arrière. Sortir de l’emprisonnement par l’effacement. C’était l’étape première, celle qui permettrait de mettre son plan à exécution. Le temps qu’il lui avait fallu pour en arriver là. Déjà elle avait une patte sortie du harnais et tout cela sans même tendre le mou de la longe. AD.

08:10, le RER en rade gare de Lyon, passagers sur les quais. La 14 jusqu’à Madeleine, la 12 jusqu’à Porte de la Chapelle. Là, un bus, le 252, pour un chemin inconnu. Ce matin je serai en retard et je déteste ça. Le 252 file sur l’A1 et sort à Stains, lentement longe les Cités-Jardins. Potagers, pavillons en briques jaunes, beautés utopiques préservées – on voudrait se reposer sur cette île au milieu de la ville abîmée. Il faudra y revenir, absolument. XG.

le vent a transporté ce balcon sur celui du voisin | il plisse les yeux devant la file d’attente | seul un conseiller gaz peut récupérer la bonbonne | le serveur apprécie qu’on l’appelle jeune homme | un corps osseux | ils connaissent la recette de la meilleure bouillabaisse | les yeux bleus du coach regardent le ciel et tombent | elles sont russes | l’enfant ne porte d’intérêt qu’au football | rue Juramy quel nom étrange | Monsieur Rivière a une carte de fidélité. LD

9 novembre 2022 : 400 kilomètres d’autoroute entre la Bretagne et la Beauce. 110 ou 130 km/h. Camions, voitures, travaux, accidents. Le chat qui miaule sur une bonne partie du trajet. Total qui accueille, Esso qui reçoit, consommation de carburant raisonnable. Voiture pleine, coffre plein. L’ordinateur est bien calé dans sa pochette. Concentration pendant quatre heures, arrêt obligatoire à mi-parcours et reprise du volant jusqu’au bout. Pas de fatigue, c’est étonnant et imprévu. EV.

L’imprévu de 14h45 : Alarme d’un Iphone dans l’atelier d’écriture. Crayon levé, joues rouges, yeux baissés, Michel avoue être branché bluetooth car « l’émotion ça consomme du sucre ». Je pense écureuil, je pense noix : il me reste un biscuit dans la poche.  C.G-H

le réveil en pleine nuit la gorge en feu les cordes vocales douloureuses et alors toutes ces choses à dire – Colette, Sénèque – et les mots qui manquent déjà. OS

Bus matutinal (mot plutôt de ma mère) et sens inverse on dit de la marche : toute la lune dans la vitre arrière. À l’avant, les places réservées en priorité 1) aux mutilés de guerre 2) aux aveugles civils. J’envoie la lune, ma mère répond oui hier elle était extraordinairement brillante. Et, mon petit frère,  que la lune l’a empêché de dormir. MiT

Je la vois. Un mot gronde entre ses … Si jeune et déjà sans dents. Une voix d’ailleurs, voix éraillée, du métal qu’on déchire, la découpe. Sur fond de nuit elle se détache. Clac ! La boite s’ouvre. Elle a goût de rat crevé. Je m’éloigne. Elle rejoint l’homme à qui elle demande l’heure. Leurs têtes se penchent sur le cadran bleu nuit.  Ils tombent dans le couloir du temps des choses et des êtres. On dirait deux lampadaires qui se donnent du feu.  « Merci mon père » elle dit avant de s’engouffrer en sillonnant vers sa nuit en déhanchant ses hanches maigres. Un bruit vient me chercher. Ça tinte à mon oreille comme des os qui chantent. Ce sont des troncs creux que réveillent des mains sombres de l’autre côté des peaux tendues.  Une étincelle allume mon regard. Eclaire-t- elle son chemin ? Un tramway la frôle, enragé. Chacun sa trajectoire. CaB

Retour vers 22h30. Tout est éteint dans le village. C’est nouveau cette obscurité ici, le décor terne et sombre serré autour des phares. Arrivée plus loin devant la maison. Pleine lune. Un bleu silencieux et très profond vibre loin derrière le noir entre les rares nuages. Grande sensation de fraîcheur sur le visage. J’aimerais installer mon appareil photo sur un trépied au milieu de la rue. Avaler tout ce métal.  JdeT.

L’imprévu mercredi, après le long soir des paroles camarades, des colères que faute de mieux on lançait sur les murs sous les affiches rouges, c’est quand il faut rejoindre la voiture garée n’importe comment sous le pont où dorment ceux qui me regarderont passer, c’est le voyant moteur allumé soudain, et c’est rouler ainsi dans la ville la nuit presque au ralenti tout warning ouvert : c’est cette image du monde alors qui s’imposait pour dire le tout des choses qui m’emportait comme malgré moi lentement vers chez moi. ArM.

Un sms de ma petite fille, accompagné d’une photo, un champignon, un mot : la main du diable, il pue. Je lui réponds : il est horrible, et je m’empresse de l’oublier. 
Là écrivant, je le recherche sur google. Nom scientifique, Clathrus Archeri. Il n’ est pas toxique. Ne peut être consommé vu son odeur nauséabonde. On l’appelle aussi doigts du diable ou de la mort, coeur de sorcière, lanterne du diable. C’est dans l’après coup que je m’intéresse à lui qui m’a si fort déconcertée hier.
ChD.

Juste la rue à traverser pour le voir, Jean-Pierre. Il vient d’ouvrir son garage archi plein, il n’a pas de voiture mais une moto. Il bricole «Je ne roule pas, je ne peux pas» : Il attend de pouvoir changer son pneu avant. SW.

une place je vous prie, ce je vous prie fallacieux, ce je vous prie connoté d’un je vous (mé)prie, autant dire je vous somme ou je vous (as)somme, ou je vous mande ou je vous (com)mande;  je vous surpris dans vos tâches subalternes de travailleur précaire, du latin precarius obtenu par la prière. MS

J’ai retrouvé un billet de 100 francs dans une petite bourse noire brodée de perles. Rappel de la difficulté que j’ai eue à convertir les francs en euros. Et cette bourse oubliée du temps des anciens francs. Va falloir l’écrire. SyB.

Seule ce matin, en chemin pour animer, gravir la rue le cœur léger dans l’attente de la rencontre imminente prévue. Prévue la surprise, prévu l’inattendu, prévu l’imprévu dans la feuille de route de l’atelier philo. Des enfants, des bancs, des tableaux, des colles par terre, des plumiers qui tombent, des pipis irrésistibles et au milieu du chaos, une petite voix : « chaque objet a une histoire ». IsB.

L’imprévu est entré en début de répétition en même temps que le dernier comédien faisait son apparition. Accompagné d’un jeune inconnu, t-shirt ensanglanté, crâne ouvert, sans chaussures, demandant assistance, balbutiant qu’il venait d’être agressé par deux hommes armés. Attendu un temps certain l’arrivée de la police et de l’ambulance. Saisissante intrusion du réel sur une scène de théâtre alors que nous répétons un texte qui parle de confusion entre réel et fiction. ClE.

C’est à l’église, l’imprévu désir de noter.  
Je suis là, assise parmi les autres en peine, gens recueillis pour l’au revoir final, incapable de saisir crayon et carnet, décence et retenue, respect des âmes éplorées.
Elle est là, au milieu des prières adressées à nulle part, vers les volutes des piliers ancestraux, tendues avec regards noyés vers les visages saints, cette envie de se fondre en dedans pour amalgamer les mots, les phrases et l’émotion en un geste d’écrire. 
Il étreint, entre homélie et offertoire, embaumé de paroles, de chants et de bouquets déposés pour l’absente, cet empêchement de dire, à l’instant, brutalement, sans retenue ni fard, les frissons et les doutes, les souvenirs, le deuil d’un rire ou d’un avenir.
C’est fini, glissant avec larmes et soupirs sur les larges dalles, louvoyant entre bancs vermoulus et promesses de purgatoire, ce besoin de noter s’échappe vers le jour qui n’en finit pas de pleuvoir, triste aussi sur le parvis de l’église.
G. A-S

Hier soir, à la lecture, il était là. Inattendu et immense. L’air soudain d’été. Les jambes un peu tremblantes. CdeC.

Je garde le silence. Le moment est trop précieux pour le souiller avec des paroles en l’air. La bière n’est pas très fraîche mais elle a quelque chose de savoureux. Le goût de l’interdit, non, le goût de l’étrange. On joue un spectacle de cirque à côté. Je n’en ai aucune preuve, les portes coupe-feu font leur travail. Je n’ai rien à faire dans un hall de théâtre en tenue de sport. Je partirai avant la fin, personne ne saura que je suis venu. La dame du bar m’a déjà oublié. Tout est si facile. Je n’ai pas eu grand-chose à faire pour me retrouver là. Il m’a fallu dévier de quelques mètres seulement. Dévier de quelques mètres. En faire un principe, au quotidien. Faire que ma journée ne se termine plus jamais. JH.

10/11/22
Réveil à 2h30.
Toute la nuit, micro-réveils et tenir « 17 34 » en mémoire. Réussi.
Levée, exercices puis recherches.
1734 : dans tout l’ordi une seule occurrence : Daniel Boone, date de  naissance. Explorateur « anglais » en Amérique, quaker. Kentucky, a  ouvert les voies, MAIS calendrier grégorien adopté en 1752, d’où  plusieurs « jours » de naissance (22 octobre ou 2 nov (grég.)).
Mouais.
« 17 34 » mozilla : Luc, 17 :34. Je vous le dis, en cette nuit-là, de  deux personnes qui seront dans un même lit, l’une sera prise et l’autre laissée.
A(H)M

Imprévue, la note elle-même dans ce qu’elle appelle. La nuit quand elle se présente. Au bord du sommeil. Lancinante. Une douleur qui lance ? Ou résonne. Elle a deux équivalents : son grave de la corde tendue ( la de la harpe) et voix de Denez dans la gwerz Kiev. Se relever pour l’écrire. ChE.

Il y a ce moment où, d’un coup, je me rends compte que j’écarquille les yeux, et que je fixe quelque chose, qui n’est pas là. Un demi demi entamé devant moi, une place derrière, la nuit autour, quelques couleurs qui se répondent en passant. Je n’ai pas envie de bouger, de saisir ni mon téléphone, ni mon carnet – j’écarquille un peu plus, ça n’est pas la beauté que déverse Milène, pas non plus un personnage qui se colore un peu plus – autre chose – un pas là, qui advient et qui monte, va peut-être s’envoler. AF.

Le bras se tend sans que la conscience le guide, tâtonne, trouve le bouton de la lampe, redresse le réveil qu’il a fait tomber, les yeux décollent la nuit, enregistrent huit heures vingt cinq, les épaules commencent à se soulever avec la petite douleur rituelle des matins, le corps entreprend de basculer et le crâne déchiffre soudain avec un début de panique qui tarde à monter pendant que le premier pied tâte le sol… la chasse en s’appliquant à l’urgent, se lever. BC.

«Il fait beau et je marche vers la Place. Devant moi, une maman tire un minuscule tricycle sur lequel vrombit un enfant : il est dans une course, il est dans sa tête et il va gagner ! Ils traversent calmement la rue lorsque tout se transforme en cris : une voiture ne les a pas vu, cale et klaxonne en faisant rugir son moteur. La peur s’est invitée. Même si donner la vie rend la mort inévitable, tout ne tient jamais qu’à un fil. Noter pour exorciser.» SL.

Ch’pouvais pas l’voir arriver… Maintenant qu’y zéteignent les lampadaires… Ben évidemment qu’j’avais mes phares allumés… Seulement quand j’l’ai vu c’était trop tard…y courait comme un lapin !  C’est après que j’l’ai reconnu. Mon ancien patron, dit’donc! Moi j’savais pas qu’y v’nait faire son jogging dans l’coin. Le destin quoi. On peut pas prévoir et quand ça arrive on y croit pas !  CC.

Juste ça : tenir le regard une minute. C’est un groupe impair, je participe aussi. Des fous rires et des pitreries pour exutoire bien entendu. Pas mon partenaire. Un mastodonte. Présence difficile à déplacer. Bras croisés, regard droit, fait ce qu’il faut faire dans une posture de guerrier. Mais finalement cet aveu : j’étouffais. Je voulais partir mais c’était interdit. Interdit ? Pourquoi ne pas quitter le cercle s’il étouffe ? À cause de la peur, dit-il. FL.

Concentration intense, souffle lent et profond, conscience du corps, un cours de yoga sans surprise. C’est juste à l’occasion d’une torsion vers la droite que le pied nu de ma voisine rencontre mon regard, sa forme me dérange, ses orteils sont recroquevillés comme s’ils ne pouvaient se déplier, se poser et un sentiment de dégoût mêlé à ma honte de le ressentir ne me quitte pas jusqu’à la fin de la séance consacrée exclusivement désormais à éviter de regarder ce pied qui m’attire pourtant. IsC.

L’imprévu se loge dans le choix du gilet que j’enfile ce matin. Tu es sûr ? Le rose ? Je pensais au gris. Je fais confiance, je l’enfile, je succombe à la chaleur qui se répand à la base de mon cou et consens à cette vague de douceur, dire que je doute encore de sa puissance. Ne pas me retourner sur l’image d’un bonbon acidulé prêt à être croqué qui s’évanouit dans l’effort du trajet en vélo, c’est le jour de l’annonce. MTu.

Lundi, c’est une simple patate saisie au hasard et vite fait dans le filet de « Talentines » acheté la veille chez Leclerc. Pas trouvé d’« Amandines », mais à défaut ça fait l’affaire, une bonne purée vite fait bien fait en un tournemain, à la fourchette écrasée, et qui régalera sa vielle Mère à l’EHPAD. Pioché au hasard un bon gros cœur bi-ventriculaire avec taches de rousseur, étonnamment vivant. Pas partie en purée celle-ci, mais  regardée  observée et, joyeusement déposée au pied d’un pot de « Piléa Peperomioides- arbre  à monnaie chinoise » auquel  elle venait d’arracher une tige.  Le lendemain, c’est un feu de positionnement à l’arrière d’une Hyundai compacte qui l’arrache à la grisaille, au cœur serré  d’une violence  familiale larvée  qui fleurit, enfle, explose   – mails et contre mails – le cortex orbitofrontal  se cabre et se dérègle impulsif, glisse, cogne sans plus  savoir où est sa cible, ni ce qui s’écrit.  Sur le chemin du travail, le conducteur  de la mini-Hyundai  freine et re- freine et c’est un petit cœur rouge, troisième feu STOP qui s’allume devant elle et pour elle.
Deux fois en deux jours, un cœur qui cogne à la vitre de ses yeux  et fait   larmes verser.
SMR

Le temps est à la pluie. Il est 07h30, j’ouvre la porte qui donne à l’extérieur. L’air est humide et froid. Je  suis propulsé, d’un coup, dans l’automne qui souffle à grand vent. Je recule puis ressort, écharpe au cou, bonnet sur les oreilles. Dans la voiture, les essuie glace balaient en vitesse maximum, il ne fait pas encore jour, je mets les pleins phares pour sortir du chemin, puis je tourne sur la petite départementale et rejoins la nationale où je réduis la puissance de mon éclairage. Les centaines de phares qui défilent dans un sens et dans l’autre prennent le relai. Ici disparait le calme, l’éveil de la campagne. Là , tout est en tension, précipitation, comme poussé par le vent, flot de voitures,camions, motos et les flots d’eau qu’ils soulèvent. On est dans l’arrachement, au sommeil, à la vie privée, à l’intime. Tous ces véhicules  précipitent leurs passagers vers la tache, la mission, la fonction qui les tiendra jusqu’au coucher du soleil qui commence doucement, à l’horizon, à se lever. J’emprunte ce flux jusqu’à l’aiguille qui prendra le flux de mon sang. Il sera placé dans une boite chargée dans une voiture qui rejoindra le flux routier jusqu’au labo. Quelqu’un s’est levé, ce matin, avec pour tache, mission, fonction, d’analyser mon sang et celui de milliers d’autres.  De retour chez moi, j’attendrai quelques heures le mail qui me dira si tout va bien. LP.

Rue en sens interdit de 17 à 18h, pas vue, l’heure. Tu crois que j’ai le temps de lire l’heure sous les sens interdits intermittents ? Espèce de connasse tu connais pas le code de la route. Il se prend pour qui avec son bus, lui ! Substitut de virilité, l’engin ? L’insulte fait effraction dans la coquille protectrice de l’habitacle. Une petite douleur passagère, imprévue, celle des  mots qui coupent gratuitement et sans qu’on s’y attende. MCG.

… interrompre le flux de ses pensées … faire silence intérieur… ce décalage… dans l’intonation, ce regard … aussi , une alerte infime , une dissonance qui interroge, sans bien en saisir le motif … c’est le corps qui signale, un léger raidissement … puis se repasser comme un film cette micro interaction, ce presque rien à ce moment- là… ne pas y accorder d’importance, c’est prendre le risque de voir tourner en boucle ce décalage, une journée où l’attention serait captée ailleurs… une dissonance perturbante, pas encore irritante … rejouer mentalement cette fugacité, en décalé … et développer ultérieurement, peut-être, des pistes incertaines… jeter sur le papier , comme un corps étranger, l’affectation d’un présent éphémère… laisser des traces qui pourront persister…. uis reprendre le cours des choses pour l’instant… A.N.

Compte-rendu de ce qui s’est dit lors de mon rendez-vous en ligne tout en effectuant d’autres tâches. Fenêtre de temps imparti. Apparition inattendue d’un ami qui sort de chez le dentiste. Signe amical en passant. Fou rire. Étonnés de se voir dans ces conditions inattendues. Dans l’impossibilité de parler. Au moment de quitter l’accueil de la bibliothèque, distrait, j’oublie d’enregistrer le texte en cours d’écriture. Les mots peinent à refaire surface. La mémoire convoque le passé au présent. Dehors, l’air frais me surprend d’une caresse vivifiante sur le visage. PM.

Le flux de la radio traverse le plafond. Caisse de résonance entre leurs murs, vibrations de l’enceinte dans les pieds du meuble — de la table ? —, entre les lames du parquet jusqu’à mes os. Onde. Scansion des mots. Une voix plus aigüe me chatouille le crâne, la plus grave fourmille dans mes côtes. Quelques coups étouffés, ils rient. Le son s’immisce comme de l’eau. S’il ne touchait que mes oreilles. AR.

Il est tard quand je reçois son message. Il dîne seul, totalement seul, dans le restaurant d’un hôtel cinq étoiles à Ankara. Il est tard aussi à Ankara.
Je le vois au milieu des tables montées et intactes. Toutes les lumières de la grande salle allumées. Elles tapent les verres alignés par trois devant les assiettes doublées — et aucune n’est celle où l’on mange : la plus petite, on la remplacera par celle qu’on aura préparée en cuisine, qui sort du four et qui brûle la main empressée qui apporte l’entrée. La plus grande demeure, elle n’est là que pour éviter le contact trop brutal avec la nappe. Elle est là pour les tâches, les miettes, les coulures, les arrêtes… — et les nappes aussi qui s’empilent, — le Bulgomme, qui amortit les bruits, qui amortit le bois sous son coude, et puis une sorte d’alèse, un petit linge qu’il ne ferait pas beau voir, la nappe en damassé et puis encore une autre, en losange par-dessus — écrasées de blancheur.
Nous avons créé un hôtel ensemble. Je fais ça tout le temps, il faut dire, je (re) crée des hôtels dans des spectacles, dans des textes. L’hôtel du Lys d’or. Il était peuplé de fantômes, qui gardaient visibles l’impact de leur mort (le collier rouge des guillotinées, le trou noir à la tempe des joueurs de roulette…) 
la mort est un processus rectiligne
Voilà qu’il y est. « Méfie-toi des glaces sans tain de la salle de bains ».
Plombières, Ankara, quelle différence à partir d’une certaine heure ? D’un certain train ?
Je le vois assis là-bas, mais tout de suite, je vois Osmin. Je l’installerai là-bas, à sa place. Je ne garderai rien de l’ami, que son sentiment de décalage, d’absurdité, d’une forme de solitude accompagnée de très loin… J’ouvre un chapitre.
Je revois aussi la salle de restaurant à l’étage de l’Arbatskaia. 1990. Des mange-debout malgré le chic, à cause du chic ? Trop de lumière, là aussi.
Et la salle de restaurant à l’hôtel de Londres d’une station balnéaire bulgare. En étage, également, déserte. Nos cuillères lourdes comme nos langues après cette interminable journée de répétitions en cinq langues. La veille, il y avait eu une tempête…
Je rêve qu’on me maintient la tête dans les toilettes. Tu pointes : « Dans les étoiles ? Dans l’étoilette ? »
EC.

Laisser votre voiture peut vous sauver la vie. Il a fallu s’approcher pour comprendre. C’est en cas d’inondations et c’est étrange car le gars sur l’affiche sirote tranquillement son café. Peut-être que le message c’est de garder son calme ? Peut-être qu’il n’y a rien à faire d’autre que regarder les voitures flotter, qu’attendre que ça passe. Ne pas prendre la voiture, oui, ne rien faire, pas moyen quand on est envahi, mais évacuer, écoper, essorer. PV.

La chaleur est revenue. Ciel bleu, le peu de neige tombé fond. Dans la combe en face, c’est sombre du côté exposé à l’ouest, sombre du côté exposé à l’est, encore clair dans le creux resté bien calé au nord. La neige comme un ruisseau qui dévalerait jusqu’en bas. Un ruisseau immobile. Ce motif-là, à cet endroit et en cette saison, encore jamais vu. Les arbres encore verts sur le versant d’en face, par plaques. L’automne n’avait pas prévu ça. Un imprévu à prévoir pour les années qui viennent ? JD.

Des mots dit par une autre «je me suis réduite». Sensation imprévue, émotion vive. Comprendre soudain pourquoi l’air te manque parfois, tes bras ne s’ouvrent plus si grand, ton sourire est figé, tes yeux perdent la lumière. Pourquoi cette porte te semble si lourde, la fuite si difficile à prendre. ES.

Vers 14h, l’impression d’un coup d’un silence et que personne autour. La chaussée vide, on peut quitter le trottoir et marcher à même la rue. On s’aperçoit alors du long lacet courbé qu’elle déroule amplement entre les pare-brises de ses bords.
Il faut marcher là où on ne fait pas pour bien voir, et je me dis ça — que c’est un : pas de côté vers le milieu. 
Sûrement que c’est rien.
VB


Hier soir, vingt-deux heures, il fait nuit et elle est froide la nuit. 
Je sors de la boxe, je tremble un peu sur mon vélo, j’ai hâte de rentrer.
Soudain, une image, un flash, la sensation d’un rêve,
A l’abri bus de l’hôpital, le long du grand boulevard qui longe la forêt, je vois, un corps allongé, à même le bitume, qui dort, du moins, je l’ai espéré.
Un corps de femme, il m’a semblé, avec une béquille à ses côtés, comme jetée ou tombée.
Là, sous les néons blanchâtres et je ne me suis pas arrêtée.
J’ai continué à rouler et j’ai pensé, il faut appeler la police, peut-être a-t-elle eu un malaise, peut-être a-t-elle trop bu, peut-être… il y en a eu des peut-être dans ma tête, mais j’ai continué à rouler.
ClM

Vadrouille pour photographier des animaux en ville mais, dans la brume piquante, d’animal aucun. Sinon dans cette rue en pente douce, un gros chien noir. Sa grosse bonne tête, sa truffe humant le bas de mon imper. Pas de photo, on a parlé. JK.

Imprévu : tous les musiciens de l’album Manafon par David Sylvian sont issus du milieu de l’improvisation libre. (Je connais la plupart d’entre eux.) (Appris par Wikipédia tout en écoutant.) Personne ne me l’avait jamais dit. PhB.

Dans le silence du matin, sur la chaussée, avancent trois ou quatre policiers, accompagnés de deux infirmiers me semble-t-il. En tous les cas il y a aussi deux hommes en blanc portant des gants en plastique bleu myosotis. Au centre de ce petit groupe, un homme en tee-shirt, malgré le brouillard. Un homme plutôt jeune, escorté de près, il descend la rue. De mon côté, derrière la fenêtre, seulement le temps d’entrevoir le geste de celui qui me paraît être arrêté. Une main en l’air. Un au revoir ? Un signe de provocation ? PS.

Le profil du chauffeur d’autocar (très grand) dans le pare-brise et cette fenêtre qui s’allume dans la ville éteinte. Les lettres défilantes dans la nuit du pare-brise et le visage tout petit dans le rétroviseur de l’angle. NH. 

Arthur Rimbaud passe les portes automatiques de la médiathèque Duras. Il pousse la capuche de son sweatshirt en arrière, des pics hirsutes cassent sa mèche de cheveux sur le front. Il a l’air soucieux. Son écran de smartphone affiche 06 37 27 02 49. Il saisit son oreillette de la main gauche pour la ranger dans sa poche puis baisser le volume. Il écoute une chanson diffusée à répétition à la radio « C’est fou j’travaille tout le temps mais c’est les vacances dans ma tête… »  N.E.

Ce matin, coup de fil inattendu d’une amie chère et lointaine. Des nouvelles de six mois passés trop vite, dans une phrase, dans un souffle, ça va, pas trop mal, on s’accroche. Les temps sont durs, même en Autriche. Émotions et sourires perceptibles à travers les airs, à travers les écrans du portable. La distance abolie par la technique bienveillante et par l’amitié qui résiste à l’usure du temps. MEs.

Sur le mur rouge, derrière le comptoir et les serveurs qui s’activent sur les tireuses, une marelle dessinée sur toute la surface. Terre. Ciel. Et six cases pour y arriver. Attendre le ciel en quelques enjambées. Je termine ma bière et j’essaie de retrouver en mémoire cette sensation de l’enfance, le saut et la brûlure de l’air froid de l’hiver. Combien de cases pour s’extraire du noir froid de la nuit ? CélB.

Visite imprévue d’un ami. Surprise de découvrir un curieux personnage à tête de plante verte luxuriante, son vrai visage étant caché par le feuillage abondant de la plante tropicale offerte, un draecena monstera aux grandes feuilles lobées perforées et aux tiges parcourues de racines aériennes. Après son départ, opération nettoyage des traces de terre sur les feuilles à l’aide d’un coton imbibé de bière. Quelques instants après l’avoir posée sur l’angle gauche de mon bureau son feuillage tremblait et bruissait en se penchant vers moi. HA.

la rue du faubourg Saint-Martin en descente, en face marée montante de camions, de voitures, de motos, de piétons, de cyclistes. la ville agacée par la grève, prendre le trottoir, serrer les dents et le guidon — l’enfance cavalière ressurgit toujours. sourire. ralentir. la tente Quechua se dresse jaune vif sur le trottoir, juste devant les arcades de la Maison de l’Architecture. CD.

Elle a demandé que ce soit lui qui la porte et l’attache dans le siège auto. Je me penche vers elle en lui tendant sa peluche singe, immense. Un frémissement la parcourt. Elle dit : on se revoit.
Je suis troublée, incapable de ponctuer sa phrase. Ces trois mots sont trop grands pour elle. C’est un monde qui surgit, une faille, un désir, une épaisseur de temps, et elle est si petite. Je caresse sa joue jusqu’au menton et réponds : oui, on se revoit, mercredi. Elle se détend, rassurée par la présence du mot mercredi, déjà nommé, même si elle est incapable de se situer dans le temps, mercredi existe, elle l’a entendu. D’accord. On se revoit mercredi. Son regard s’envole, la voiture démarre, elle est passée à autre chose.
FG.

Ces bruits de la ville, tous, aussi ceux de l’autoroute… Penser à revoir ce documentaire sur John Cage ou il en parle, ou il parle aussi du silence,,, S.C.

Toujours là sur la place, à leur place à l’heure du déjeuner, aux aguets d’une nourriture à saisir, omnivores et opportunistes. Au moment où je veux saisir leur image, l’un d’eux raille et son cri semble dire ton nom. Comme si tous les Larus argentatus du monde avaient en tête cette image de toi qui toujours me trouble, toujours m’emporte et ce matin encore. UP.

Je pense à ces notes prises dans un petit carnet vert à spirale
lors d’un voyage à moto dans le désert mauritanien. Elles sont 
illisibles
et indéchiffrables comme si le vent de sable
avait voulu jusqu’à éliminer jusqu’aux traces de mon passage.
JCB.

Cette après midi j’ai rendez-vous. Le rendez-vous le plus important de ma journée. Je l’ai attendu la matinée entière. Sur mon agenda à spirales, il est surligné de rose. Dans la marge, j’ai tracé un triangle rouge avec un point d’exclamation. Je n’ai rien écrit de plus. Pourtant, le reste de la page est entièrement couverte de mots. Il y a des heures, des  lieux, des noms. Pas de phrases, mais tout un tas de tirets bien alignés suivis de verbes que je n’ai pas pris le temps de conjuguer : faire, aller, rendre, ne pas oublier, appeler, terminer … Et puis il y a ce petit interstice, vide, surligné de rose avec le triangle et le point d’exclamation dans la marge. Je ne veux surtout pas l’oublier ce rendez-vous, c’est le plus important de ma journée. À l’heure dite je ferme mon agenda, coupe mon téléphone, éteins la lumière du bureau. Ma main sur la poignée de la porte d’entrée tremble d’excitation. Je ne sais pas où je vais, je ne sais pas qui je rencontrerais, ni même quand ou combien de temps… ce rendez-vous n’appartient qu’à moi. Cette après-midi,  j’ai  rendez-vous avec l’imprévu. GQ.

L. et moi revenons du cours de chant en voiture. Mon amie me parle d’une nouvelle qu’elle écrit : une jeune femme travaille dans une entreprise de livraison de repas. Le personnage ressemble à sa fille. L’histoire prend corps dans l’habitacle et peu à peu quelque chose d’autre s’invite qui ne trouve pas tout de suite ses mots. Route peu éclairée.  Présence subite de la nuit. Froid. Finalement il y aurait encore de l’automne et ce serait bien. RC.

L’imprévu du calme fondant en toi : quelque chose finit, ouvrant un espace vide et apaisé, quelque chose a été fini, inutile et rien ne brule par elle, mais il y du oui, un long oui, vaste comme un lac, tu pourras vivre sur ton erre quelques heures. Avant (tu dis toujours avant, disait Athéna), cela creusait le vide. L’achèvement était une petite mort redoutée. Le succès – rare – me poussait dans le précipice. Age : donner place aussi aux émotions convenues, ici l’apaisement – pause sans hâte après l’expire – et bonheur sans objet. TM.

Cherche une idée. Cherche un carnet. Trouve un rescapé. CC.

nous sortons lui et moi. La fraîcheur prend nos joues. Dire lui ne m’est pas naturel. Je me trompe trop souvent. Nous allons, lui et moi, chercher un cadeau pour M. La boutique est fermée. À l’angle de la rue, un homme un peu voûté, cheveux gris, véhément face à une femme assez forte, vêtue d’un imperméable Si on doit choisir entre Daech et la dictature, parce que c’est ça le choix, je suis très triste de dire ça mais – mb

Le temps migration venu      d’abord l’élégance aller-retour posés branche un coup de vent et spectacle bruyant       ils se préparent répètent le voyage long        piaillent ronde élaborée        le son cueille tripes        devenir oiseau capturer la chaleur       l’automne là        pas assez frais selon l’expérience siècle       le monde fond       je voudrais être hirondelle poussée par le vent et m’assoupir de soleil – JH

D’imprévu, il y aura l’écriture et seulement l’écriture. Il faudrait pouvoir prévoir ce temps de faire. Ce dont je manque cruellement avec la vie de famille, deux bébés en bas âge c’est de temps justement. Je suis entré dans « la fatigue longue, la corde du corps, la râpe des jours. » (Antoine Emaz). Aujourd’hui dix novembre deux mille vingt-deux, ai tenté d’écrire la scène du fusil de chasse pour l’atlas de fb. Le sang chaud du chien. Les larmes du grand-père. La froideur, le sang-froid de la “vieille-peau” restent à creuser. En profondeur. Puis le père devant la maison. Des années plus tard. Dans un même mouvement. Comment le raconter ? Du point de vue du fils ? Du père ? Quel point de vue utiliser ? Oui le problème de la méthode, de la focalisation est réellement fondamental. Je ne peux véritablement écrire que dans l”intensité. Il me faut de l’endurance et de la détermination. CamB.

16h, carrefour de l’Odéon, à l’arrêt du 96, tous alignés, un pied au bord du trottoir, cou tendu vers le bus qui arrive. Le dernier de la file, de dos, se baisse— il est âgé, engoncé— met la main sur une feuille morte que le vent emportait—l’a-t-il glissée dans sa poche, son sac ? la suite m’a échappé— se redresse, tourne son visage vers moi qui le regarde, et c’est comme s’il s’était senti pris en flagrant délit. AMr.

saisir la personnalité d’un.e inconnu.e à l’intonation de son « bonjour ». FT

Hop ! Je vous en mets un peu plus ? Non ? Juste une livre ? Hop ! Autre chose ? Ça vient d’Ardèche… presque local ! Un kilo ? Hop ! Je vous le mets dans votre sac… hop ! Parce que là, avec un bras dans le plâtre, c’est pas commode, hein ? Et voilà ! Hop ! Ça fera 7,50 ; oui, oui, je prends les cartes. Juste là … hop ! Un bip et hop ! On est quittes. À la semaine prochaine. B.F

Il glisse vers le haut de la baie vitrée. L’escargot part en escapade sous les tuiles, millimètre après millimètre. Il va seul vers le repère des araignées. Que pense-t-il y trouver ? FbS.

ça tombe d’un coup après la mise à jour des dossiers ma boîte à courrier, un décès, brutal, ça tombe d’un coup, je ne m’y attendais pas, oui elle était à son chevet depuis plusieurs semaines, dans l’abondance des nouvelles et des mouvements du jour qui passe ça revient en boucle, fort par instants comme des accès de fièvre. FR.

Ne pas passer la nuit chez soi, laisser dans le séjour le sac indispensable, l’agenda plus que jamais nécessaire, les notes dont on aura besoin. Le matin, dans un demi-sommeil, en prendre conscience, se lever plus tôt, faire couler l’eau plus tôt, s’agacer des titres du journal de 7 heures, à peine apprécier le café qu’on n’a pas le temps de boire et filer, alors que la nuit est encore épaisse. ESM.

Les gens n’arrivaient pas. On évoquait la grève, on se comptait, on attendait. On respirait le silence, l’odeur des croissants chauds. On en profitait, de l’oisiveté, pour regarder les petits écrans et goûter les rayons d’un froid soleil d’octobre. J’avais envie de commencer, un peu mal au ventre. L’occasion d’écrire, au carnet bleu. JCo.

L’imprévu, il s’invite chez moi chaque mercredi avec le contenu du panier. Soyons honnêtes : tous les légumes ne sont pas des plus râgoutants. Alors cette semaine, en déballant ce chou chinois du calibre d’un ballon de rugby, je réalise que je vais en ingurgiter à chaque repas avant d’en voir le bout, et ça me plombe presque autant qu’une soirée thema sur Arte. ASD.

Depuis cette reprise finalement attendue, me dire comment j’ai pu aller sur place tous les jours « avant », tous les jours cette agitation des préparatifs matinaux, tous les jours ces trajets vers le centre-ville, cette agitation de la « société en mouvement ». Dehors, tu as envie d’en être, dedans tu voudrais la fuir. Paradoxe. CK .

Fraicheur du carrelage sous le pied nu au petit matin le corps encore tout chaud des plis déplis et replis de la nuit. Dans l’encadrement de la porte, la découpe sombre des monts. La nuit s’accroche encore dans la pâleur de six heures. EM.

J’ai voulu scriber la trace, mais aucun stylet n’était disponible. Et puis je n’avais pas de mains non plus. Ce que j’aurais voulu c’est engrammer les sensations d’être sur ce balcon minuscule, un ergot fiché dans le flanc de l’immeuble, observant la lumière changeant en accéléré sur la ville, picotant du vertige de l’en-bas. Mais je n’avais pas plus de mots. Regret latent au réveil, de tout ce matériau cauchemardé, si vite dissipé. PhP.

C’est ici, un arrêt
Le carnet
Au milieu de la course

Le vélo posé
House of the rising sun, The Animals dans le café
Un écho un spectacle d’Angelica Lidell sur la tuerie d’Utoya
Un imprévu, la vie des autres. AL.

Le train roule dans le gris, brumes et nuages sombres. Un instant, le sommet acéré du mont Granier apparaît. Isolé de sa base il flotte, flotte dans un espace bleu intense. AC.

Ouvrir mon agenda et y planifier l’imprévu pour les 24h à venir. RA. 

Pulsion et flux, les fruits dans la coupe entassés, la couleurs des fruits devant moi pendant que je suis penchée sur le clavier, pas organisés, le flux parce que le regard se détourne tout de suite parce qu’il faut faire autre chose, flux musical à 8h – occupée –  flux de paroles, des recettes de choses qui font du bien avec ces fruits, un peu plus tard à 10h, des détails des choses – toujours – s’arrêter ou pas à ces petites choses, ou bien attente d’une heure bien précise pour faire, défaire,  partir, conduire. IdeM.

Je ne vois que le passé/ Ce n’est pas non plus ce miroir où je ne me reflète pas/ Ce que j’écris est ma seule perception du futur. TH

20h Irigny Maison de la Tour, sorti fumer une cigarette. Un moment à contempler l’olivier dans le grand pot près de l’entrée. La pluie qui avait duré toute la journée s’est arrêtée. Pas pris mon IPhone sinon j’aurais photographié quelques feuilles et une partie du tronc en gros plan. Les petites gouttelettes résiduelles, les verts sombres, l’aspect humide de l’écorce. Une émotion tranquille. Le calme au beau milieu de l’agitation.
Autoroute la nuit, beaucoup de buée sur les vitres. Visibilité difficile. Problème d’aération, il faudrait soulever le capot demain et nettoyer les feuilles qui sont probablement collées aux filtres. En attendant j’ouvre la vitre côté conducteur, pas vraiment froid, de petites bourrasques s’engouffrent dans l’habitacle, la fraîcheur me tient éveillé. Nouvelle élève demain à 9h. Prévoir une chaise en plus.
PaB.

Ce départ en Mauritanie, au printemps dernier, ce n’était pas prévu. Depuis, tous les matins, l’odeur discrète de la crème que j’étale sur mon visage me le rappelle. De même, l’odeur de l’arbre à thé est pour moi celle de l’Afrique, à cause d’un complexe d’huiles essentielles destiné à protéger mes entrailles, que j’avais pris lors de mes deux précédents séjours sur le continent. Nous emportons avec nous nos impressions de voyage. LH.

nuit quand tout dort, bruit de la rue. où tu ne sais plus où tu es. où tu aimerais te réveiller à Rome,courir sous la chaleur palpable implacable via Labicana, rejoindre le Colisée avant que la chaleur te figes absorbant toutes tes forces comme Méduse. La joue sur l’oreiller douceur du silence frisson de novembre encore au chaud et soulever la couverture de laine. Boire l’eau fraîche de la nuit l’odeur vibrante du café et ah le goût de la première gorgée tu fermes les yeux respires et habilles l’aube sur le parquet. TdeP.

Brasserie. Soudain baissement des lumières comme une accolade imprévue. Crépuscule intérieur. APP.

Ce matin, étonnamment, la plage est propre, ratissée, lavée, débarrassée de tout objet. Hier, au même instant, elle était immonde : la haute marée avait charrié des détritus de multiples sortes,  bouteilles en plastiques, bouchons, lambeaux de tissus, chaussures dépareillées, planches aux clous rouillés, brisures de béton. Les paillotes et petites cantines semblaient détruites. Mais voilà qu’aujourd’hui elle est tout autre , comme si rien n’avait eu lieu la veille, aucune houle catastrophique, aucun spectacle de désolation, et de surcroît, l’eau des vagues est claire… VP.

Cette femme, dans le train, capuchon sans visage. VF.

Froid dehors, froid dedans, froid froid froid. Froide la mort du jeune homme orphelin, froid le vol à la tire, froid le cimetière. Raide comme statue sous ma couverture. J’espère demain. CP.

Yeux toujours fermés, épaule douloureuse, une position allongée rallongée par la nuit, et une odeur imprévue, une odeur d’oignon qui envahit la chambre, pourtant tout le monde dort encore, une odeur d’oignon de bon matin, le nez est saturé, le sommeil ne reviendra pas, les paupières s’ouvrent : il est 6 heures. LG.

Fermer les volets accordéon. Être happée par la lune solitaire au-dessus des maisons. 
Ronde, brillante. 
Penser sabbat, penser Sorcières, titre d’une revue des années quatre-vingt. 
Entendre enfantements, cris. 
Se sentir mouvante, flux, reflux. 
Espérer bien dormir quand même en accrochant le loquet du volet.
CG

VERSION COMPLÈTE JEUDI 10 À 20H53 – ENVOIS CLOS.

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21 commentaires à propos de “#compiles #01/40 | de l’imprévu”

  1. J’adore l’espace qu’il y a entre chaque texte, on y fait quelques fois des voyages vertigineux et d’autres, juste des sauts de puce. J’en sors sonné.

  2. Magnifique ! J’adore ce fourmillement.
    Toutes ces présences. On entend les grains de voix, les rythmes…Merci pour cette invitation et ce travaille de mise en lecture commune.

  3. Dingue! Les liens qui se tissent d’un paragraphe à l’autre, les lieux qui s’enchaînent, les regards, les mots. Un beau partage. Merci.

  4. En m’inscrivant, je savais que je venais pour « travailler »…je m’y mets, je m’y mets…mais là, c’est de l’entraînement pour forces spéciales pour moi…je tiens bon, mais faudra que je pense à changer la bouteille d’oxygène de temps zen temps. En plus j’ai encore trouvé zune ôtre plateforme pour thézards…mais c’est que je vais y arriver, dit le bas du corps de tortue à la tête de lièvre…

  5. vus exagérez amis et découverts, pas un d’indifférent à lire en diagonale ‘merveilleux ce que donne la concision – mais en ai sauté trois pour leur taille parce que deux heures et demi, en tout, plaisir) et maintenant go

  6. étrange et merveulleuse sensation de lecture. Un jour de grèvé en France qui ressort ici et là, un film que j’ai vu moi aussi à la télévision au même moment, des échos de morceaux de musique… Et des voix chorales que la proposition harmonise, résonnance souple. Immense richesse. Pas pu tout lire. Je commencerai parfois par le début, parfois par la fin, parfois par le milieu. Passée aussi lire des formats de carnets individuels. Une première vague qui déménage !