vers un écrire/film #01 | écriture sous perçeuse et ravissement pâtissier

Prendre de la hauteur

14h25 | Comment écrire sous  la perçeuse| juste au-dessus de ma tête | plafond décalotté | image imaginée à la  Maurits Cornelis Escher | des travaux te poursuivent depuis avant-hier ça te réveille en sursaut et ça te crispe le cerveau… | charme contractuel et perpétuel de la copropriété…

 14h26 |  Petit ronronnement – hésitation ? Espoir ?… | oreille en  pavillon de gramophone mais si mais non… |ToKtoKtoK coups d’ marteau | on enfonce quelque chose et ZzZzZiiiiicrrcrr eee…flop…Reprise perçage (brève) presque timide puis Pokpokpok on enfonce encore quelque chose

14h28 | ça reprend …. Rotation lente et poussive… Rrreuh rreuh rreuh rreuh rreuh re… rreuh rreuh Ploc… puis accélère nerveuse PzziiiiiiiÏÏÏÏÏÏRGcccrrreuh…  puis 4 petits coups secs …    SILENCE !… soulage [ mais ] ment …

14H29 | et Ron &ron petit tape en rond …|Tu voudrais sortir  t’enfuir mais | Tu hibernes là ! Tabernacle ! Tan Tan Tan sentencieux même espacés | Laisse passer !... ça réitère ton tintamarre  à | bout d’ pfffffffffeeeeeuHicelles comme toi  qui ne percent quasiment jamais se retrouvent dans un état avancé de bagnole décarcassée |   Le  moteur de l’ordi  ramène sa fraise, il souffle de jalousie | Tu le considères soudain plus bruyant que l’ouvrier frappeur |  le reléguant au comble absolu de l’iniquité officielle entre les nuisances, parmi les décibels ! 

14 H 33 |Tu lâches l’affaire  Tu penses à l’après-midi d’hier

Dans la cuisine  avec l’enfant Grosse rigolade et galéjades Longue séance de pâtisserie Mercredi projet gros gras Cœur moëlleux en chocolat Pour la merveilleuse nounou iranienne c’est son anniversaire Tu supervises et tu commentes Tuto ! Serge … en « présentiel » mesdames z’et messieurs C’est lui  la vedette le môme qui  fait tambouille se débrouille et bidouille dans la mélasse des ingrédients Tu t’improvises cheffe chiourme de chantier Plutôt  relax un peu comique Tu emploies des mots très comme il faut Tu t’appliques il réplique  des tournures de phrases comme il a vu dans les livres toutes ces bonnes manières sur papier glacé. Tu es la grand-mère hightech cooking  qui éduque sa jeunesse au bien parler et aux saveurs sucrées L’avenir qui viendra doit  avaler tes usages usagés et les transformer C’est le deal du mercredi et il t’apprend les siens. Parenté équitable. Ça dérape forcément Lui se roule dans la farine Et comme la célèbre marmotte il dépiaute en riant  l’alu du chocolat Puis désosse la tablette mé – tho-di- que – ment ça fait clac clac clac Se fait au passage un goûter de petit roi  pain chocolat J’ai le droit dit il c’est quatre heures !

 Il écrabouille les  cinq coquilles puis patauge « grave » dans le blanc d’œuf |cueille| « genre »  un jeune  jaune orphelin  tout comme on sauve un oisillon qui vient de tomber du nid Puis mesure rasades en sucre incorpore jolie levure sachet chimique pose son nez chocolaté sur sachet sucre vanillé glousse et confirme  que Oui ! … hummmh… ça sent bon…Mamie…Oh hé hein Bon ! On fait vite steuplè | On a pris du retard t’as vu ? le chocolat s’indigne et redevient solide | il faut speeder mon lapin comme chez Alice l’enfant qui rétrécit à la demande | Ensuite  ça tourne en chantier de travaux publics | Le petit Prince touille tarambouille des esquisses de tunnels | on se retrouve en Allemagne non pas çà plutôt aux Pays Bas il faut créer des avancées de terre | gagner sur l’eau parce que c’est plat là-bas mamie | c’est Jamy qui l’a dit | et puis on pense à l’Afrique… c’est là où pousse le chocolat | mais la croûte de glace est trop fine alors on est au Groênland… Ne nous demandez pas pourquoi… ça se termine par un tremblement de terre orchestré par le robot mixeur. C’est la caméra de surveillance qui en atteste. On s’en sert pour les enquêtes de séries policières. Mais à ce moment-là ça devient presque un pugilat. Personne ne paniquera | on est des pros | on se contentera de lécher les plats et les cuillères abandonniques. La pâte s’enkyste et devient dure à tourner | On a la solution | Dans la «  jatte » je vous prie veuillez verser le lait | le  nouveau mot du jour est lancé | comment tu l’écris ? Deux T emballé c’est pesé | on peut continuer |  Alea jacta est  jatte est adoptée | jatte  est un joli nom  désuet pour désigner le récipient  accessoire « genre » Tupperwouare. C’est cool. La suite de la préparation  durera environ  30 minutes, quasi chrono. Passé dans le présent. Sur la photo du pitch on voit le gâteau cœur de rocker bien cuit , même pas cramé, on l’a fait les doigts dans le nez , puis orné de pralines, de pépites à épis et de sucre concassé comme sur les brioches … ça fait classe…

14H57 |Tu accueilles le silence à pleines mains comme un enfant prodigue. Tu as oublié la perceuse qui s’est carapatée et tu as imaginé les quelques petits trous tout neufs tous chevillés, plantés dans la peau épaisse de l’immeuble où tu vis | façade patiemment mitée qui te donne l’ impression de vivre dans du gruyère sec décoré par des inconnu.e.s familier.e.s, ou dans une termitière inventée | 40 ans de voisinage et des enterrements | Bonjour bonsoir je vous en prie | prenez donc l’ascenseur je prends les escaliers| trois étages sur quatre |quatre seuils par étage |12 paillassons différents| Oui, ça va et vous ? Je suis pressé.e, on vieillit c’est pas de chance | elle  vous l’a dit la concierge ?  Le paysagiste  va passer il faut déplacer l’automobile pour accéder au mûrier| les branches sont malades et meurent elles -aussi  va essayer de les booster | c’est à cause de la pente et de l’été | il faudrait arroser les arbres | ça ne t’est pas venu à l’idée | jusqu’ici  mais pourquoi pas ? C’est le climat | C’est comme le pain pour les zouazzos d’hiver… faut aider Dame Nature ta Mère dépensière | Autrefois, auprès de ton arbre on vivait heureux | on l’a vu grossir s’éclater aux racines | taquiner le goudron juste par l’en dessous | ne sois pas étonné on l’a bien laissé faire | car il cherchait  souvent ses radicelles d’ eau | ses vitamines |et peut-être aussi ses frères| dispersés involontaires | innocents suppliciés sous le regard  finaud de beaux chats de gouttière| affalés indolents embusqués par principe| sous  les châssis  à l’ombre refuges authentifiés| inatteignables en leurs recès sauf à ramper comme des garagistes | silhouettes agiles et coubaturées. Félins guettant à cran  le moindre geste brusque et les agacements des conducteurs du jour.

15H20 Aïe ! Une crampe musculaire à l’arrière d’épaule gauche, fruit mûr de l’écriture trop longue au clavier |Ta position assise le regard contracté |Tu lâches la ficelle et renonce au filon, recule dans ton siège réfléchis et souris Tu penses solitude et grand ravissement | dans ce temps libéré, cette heure intentionnelle | l’oubli de toutes les images et des  mauvais présages | recherche du mot juste et des lignées rieuses  Pour vous bien raconter cette heure in-sou-ci-an-te | ordinaire allégée par l’enfant qui s’amuse, sauvée du pire ennui, venu des circonstances . On a filmé la vie avec toutes ses occurrences avec un portable enfariné et des paroles au chocolat ( noir)

Chronologiquement votre

pour l’éternité,découpée en rushes sélectionnés…

15h25 Elle se sert  une tasse de thé méritée ( La narratrice) – Elle se rend compte dans cette histoire vraie revisitée qu’elle aime bien se tutoyer.

  • Codicille :  UNE HEURE DE MA VIE | Je vous ai fait un petit bloc façon cake, comme vous semblez les aimer sur le Site.  Ce texte est écrit en 1 heure pour 1 h d’atelier pâtisserie avec un enfant de 7 ans, racontée avec gourmandise le lendemain, sous un bruit  inattendu et inexpugnable de perceuse et juste après sa disparition … Exercice pseudo Pérecquien de transcription d’écriture d’immeuble en coupe sagittale, sur le même temps à peu près, sans compter les pauses pour la (vraie) crampe. Vous ne direz pas je l’espère  que je rechigne à l’effort  pour emballer la consigne dans du texte rêvé. Et oublions… je vous prie, pour l’instant… Kafka, c’est assez dur le cinéma !

A propos de Marie-Thérèse Peyrin

L'entame des jours, est un chantier d'écriture que je mène depuis de nombreuses années. Je n'avais au départ aucune idée préconçue de la forme littéraire que je souhaitais lui donner : poésie ou prose, journal, récit ou roman... Je me suis mise à écrire au fil des mois sur plusieurs supports numériques ou papier. J'ai inclus, dans mes travaux la mise en place du blog de La Cause des Causeuses dès 2007, mais j'ai fréquenté internet et ses premiers forums de discussion en ligne dès fin 2004. J'avais l'intuition que le numérique et l 'écriture sur clavier allaient m'encourager à perfectionner ma pratique et m'ouvrir à des rencontres décisives. Je n'ai pas été déçue, et si je suis plus sélective avec les années, je garde le goût des découvertes inattendues et des promesses qu'elles recèlent encore. J'ai commencé à écrire alors que j'exerçais encore mon activité professionnelle à l'hôpital psy. dans une fonction d'encadrement infirmier, qui me pesait mais me passionnait autant que la lecture et la fréquentation d'oeuvres dont celle de Charles JULIET qui a sans doute déterminé le déclic de ma persévérance. Persévérance sans ambition aucune, mon sentiment étant qu'il ne faut pas "vouloir", le "vouloir pour pouvoir"... Ecrire pour se faire une place au soleil ou sous les projecteurs n'est pas mon propos. J'ai l'humilité d'affirmer que ne pas consacrer tout son temps à l'écriture, et seulement au moment de la retraite, est la marque d'une trajectoire d'écrivain.e ou de poète(sse) passablement tronquée. Je ne regrette rien. Ecrire est un métier, un "artisanat" disent certains, et j'aime observer autour de moi ceux et celles qui s'y consacrent, même à retardement. Ecrire c'est libérer du sentiment et des pensées embusqués, c'est permettre au corps de trouver ses mots et sa voix singulière. On ne le fait pas uniquement pour soi, on laisse venir les autres pour donner la réplique, à la manière des tremblements de "taire"... Soulever l'écorce ne me fait pas peur dans ce contexte. Ecrire ,c'est chercher comment le faire encore mieux... L'entame des jours, c'est le sentiment profond que ce qui est entamé ne peut pas être recommencé, il faut aller au bout du festin avec gourmandise et modération. Savourer le jour présent est un vieil adage, et il n'est pas sans fondement.

6 commentaires à propos de “vers un écrire/film #01 | écriture sous perçeuse et ravissement pâtissier”

  1. Beaucoup aimé ce texte, inventif, où affleurent différents idiomes (chansons, adages, paroles de l’enfance, morceaux de conversation, voix de la narratrice, bruit des outils…) en fragments eux-mêmes scandés d’une barre verticale (que pour ma part j’affectionne dans le projet en cours), jubilatoire !

  2. Mais quel joli méli-mélo entre énervement causé par des bruits de chantier, douceur du chocolat, partage avec l’enfant, cuisine et mots entremêlés…
    ça part dans tous les sens mais ça tient la route…
    j’ai trouvé aussi ce texte très créatif

    merci Marie Thérèse (ça me touche parce que c’est aussi le prénom de ma maman… et je l’aime tellement)

    • Merci pour vos gentillesses verbales et pour m’avoir adoptée grâce à mon prénom qui a une histoire lui aussi – je la raconterai peut-être un jour dans une fiction. Votre « ça part dans tous les sens » m’a fait éclater de rire, à l’intérieur de moi. C’est juste fait exprès , j’écris comme dans un rêve éveillé, je laisse venir toutes les images, toutes les phrases qui s’invitent et je les remets un peu d’aplomb , les déplace, les supprime ou les corrige jusqu’à ce qu’elles me plaisent.Je suis assez impitoyable avec elles. C’est Louis Scutenaire – de mémoire collée sur post it – qui disait : Je devrais toujours avoir un bout de papier et un crayon en poche. Et une gomme. Je suis son conseil à la lettre pour mes carnets de brouillon, innombrables et cafouillis… Mais sur l’ordinateur c’est royal ! La touche Suppr est commme une baguette magique. Après, c’est une question de temps et de projet. J’aime de plus en plus l’impro. en écriture. Partir d’un thème et enfourcher Pégase. Mon défaut est d’écrire trop facilement et trop vite, je ne suis pas tellement formatée et ne souhaite pas l’être davantage, je n’ai plus l’âge… Comme pour les bébés, vient un temps où il faut procréer par procuration ou s’abstenir. Le choix est simple finalement. J’aime m’adresser à quelqu’un lorsque j’écris, même si c’est à la cantonade. C’est comme lancer une poignée de chamallows en l’air ou de rouleaux de réglisse aves le bonbon au milieu ( mais je suis consciente que ça peut agacer ou blesser, parce que c’est plus lourd). La créativité est une source de bonheur , elle se trouve et se « sanctuarise » (le mot est à la mode) dans les endroits où les gens se rencontrent sincèrement, comme ici, même s’ils ne se connaissent pas. Place à l’inattendu , à la confiance et au vivant. J’ajoute que ce texte a été écrit à partir d’une vidéo en temps réel que je ne peux pas évidemment diffuser pour des raisons évidentes de confidentialité privée, et de droit à l’image . Mais c’est grâce à ce temps d’immersion dans une scène du mercredi-chez -papymamie que j’ai trouvé de quoi partager avec l’enfant , des mots, des gestes, des rires et des résultats concrets. A l’heure où je vous écris le gâteau est mangé. Vous n’en aurez que l’image et presque la recette. On divulgue volontiers. A vous lire.