#enfances #03 | accident

ça a eu lieu là

mais il ne faisait pas si beau

obéissant, se taire, ne rien dire, laisser n’en pas parler laisser oublier
obéissant, je me suis caché dans l’armoire, je m’y suis endormi, on m’a cherché partout, on a pensé à un kidnapping, à un accident (me reviennent ici Pauline et Pascale les deux filles des deux égéries de la nouvelle vague, l’une d’elle dans Le charme discret de la bourgeoisie avant hier, oui, la route et le rôle interprété comme par une chaussure) c’est égal, je me suis endormi, j’avais percuté la DS Pallas de l’agent immobilier – elle était bicolore foncée et grise, je m’enfuyais ou je faisais la course à vélo avec un certain Guy, ou contre plutôt contre un peu comme dans la chanson Le frère que je n’ai jamais eu qui faisait sûr qu’on se serait battu/pour peu qu’ensemble on ait connu / et aimé la même première – plus tard j’écouterai Moon Martin et son Bad case of loving you qui faisait doctor doctor give me the news – on commençait à voir pointer quelque chose de la vraie vie mais c’était encore très trouble – innocent peut-être pas tant que ça, naïf certainement – endormi dans l’armoire de ma chambre, le savon, les cris (retrouvé par ses sœurs, l’assurance qui doit payer pour réparer le coffre de la voiture, les regards du père, les cris et les pleurs)les jardins de nos deux maisons étaient adjacents, il possédait aussi une merco blanche hard-top intérieur cuir rouge – il paradait en ville, plus ou moins sentait-on cette envie, comme dans La dolce vita, de paraître sans être tout à fait ce qu’on avait le besoin d’être, des mœurs troubles, un vieux beau (mais il n’était pas vieux, non plus que beau, un peu joufflu, pochette, cheveux bouclés et ripolinés)
obéissant présenter ses excuses, demander qu’on pardonne, qu’on absolve d’un si grand péché
le tour du pâté de maison, le vélo dans le garage, la trop grande honte, la peur des conséquences et des représailles et des punitions, courir se cacher, trop grande émotion, fermer derrière soit la porte, sous les manteaux s’astreindre à ne pas respirer trop fort, se taire, ne rien dire, laisser venir le rêve

non, tu sais j’ai tout oublié

obéissant deuxième classe obéissant à suivre les consignes obéissant à répondre aux questions la politesse le sourire la façade propre sur soi sans agressivité doucement avec empathie obéir à ses sentiments garder le souvenir pourtant ne jamais oublier jamais – dans la discothèque voisinent les seras-tu là et les c’est bon que tu sois là amours inoubliables inconsolables – on l’a retrouvé, il dormait comme un bébé dans l’armoire fermée de sa chambre, on l’a réveillé, le savon certainement mais quelque chose comme la poursuite quand même, quelque chose qui lui apprend à vivre, à ne pas trop en subir ni faire, quelque chose de différent peut-être à cause de l’amour qu’il portait à cette fille qu’il avait peut-être bien annoncé au Guy en question – les choses se percutent se cognent comme moi sur mon vélo rouge alors que je ne regarde pas devant moi mais derrière pour voir combien loin il se trouve, ce type distancé – il habite plus bas dans la rue et le voilà loin qui crie quelque chose pour m’avertir devant soi, droit devant soi le choc – la porte du coffre gris foncé vaguement griffée – l’horreur, la honte la course la fuite parce que ce quelque chose avec les voitures pas la moindre blessure (ou si peu)

A propos de Piero Cohen-Hadria

(c'est plus facile avec les liens) la bio ça peut-être là : https://www.tierslivre.net/revue/spip.php?article625#nb10 et le site plutôt là : https://www.pendantleweekend.net/ les (*) réfèrent à des entrées (ou étiquettes) du blog pendant le week-end

3 commentaires à propos de “#enfances #03 | accident”

  1. J’aime beaucoup comment les deux souvenirs « s’entrechoquent » et comme le vélo rouge sort du placard …