#enfances #07 | et prends la mienne

C’est sillonné de traînées vertes, c’est moucheté de jaune et puis de bleu, et puis tout grignoté aussi par les insectes et par les vers. Parfois on ne voit plus que ça, les petits vers blancs. La lumière tombe de la lucarne. Elle, elle est tranchée nette à l’extrémité. Les jours passent et elle s’assèche. Les fibres se dessinent, les ongles, l’ossature, les articulations emboîtées. On croirait l’ouvrage d’une dentelière, c’est comme une cathédrale parmi les toiles d’araignée. Dans le grenier persistent l’odeur de ragoût rance et aussi l’amour. Je ne trouve pas la tête.

C’est un matin, ou bien le crépuscule et puis le jour d’après, celui d’après encore, ce sont les doigts effilés et les ongles d’ivoire. Au bas de la malle en osier, elle est rose, elle rêve de longues touches blanches, de longues touches noires, des vibrations, de la gorge ou du ventre. Dans le grenier l’odeur de lys persiste et de jasmin et le plaisir. L’école est finie.

Je montre à la mère. Je dis s’il te plaît, elle dit c’est sale, ça suinte, je dis s’il te plaît, les jolis doigts roses se replient sur mon auriculaire, elle dit alors tu t’en occupes, je ne veux rien savoir, si elle salit tout, tu t’en sépares, je dis oui, je viens la voir le matin et le soir, elle me fait fête, elle change de couleur, un soir je glisse auprès d’elle un clavier, elle a peur au début, elle reste immobile, la nuit j’entends au-dessus du plafond de ma chambre les notes de musique, je la vois le matin, endormie qui ronronne. Alors je suis content.

A propos de Marion T.

Après tout : et pourquoi pas ?

3 commentaires à propos de “#enfances #07 | et prends la mienne”

  1. Weird !

    On cherche à se raccrocher à quelque chose dans ce texte, qui fuit en permanence et nous égare. Le dernier paragraphe installe une atmosphère quotidienne et accueille cela (qu’on n’arrive pas à nommer). Ne pas nommer, ce qui ronronne pourtant, mais ne peut-être un chat, une naissance monstrueuse, le fruit d’un amour putride, un être qui suinte et produit de la musique, qui change de couleur, un « la » qui est aussi un « ça ».

    Weird !

    Dans le sens de New Weird : https://fr.wikipedia.org/wiki/Weird_fiction

    Et j’ai pensé à cet auteur: Jeff VanderMeer, Trilogie des Remparts du Sud + Borne (où ce qui est lu ne crée aucune image de ce qui est donné à lire, imposant au lecteur de construire lui-même de nouvelles représentations sans lui offrir aucune stabilité).

    Je ne suis moins convaincu par les longues phrases qui, cette fois (au contraire de « Levain »), éparpille la tension narrative au lieu de la concentrer me semble-t-il. Surtout dans le premier paragraphe.

    Il me semble qu’il y a quelque chose de nouveau dans ce texte, ou qui s’exprime plus spontanément. Je serais curieux de vous le voir explorer.

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