#été2023 #06 | parlons argent (et Emmanuelle Pireyre)

« -What do you think about his social class…? How do you think it may have affected his writings?

-The money you mean…?…without it, WE wouldn’t have had any trace left about his writings.”

Ille exultait. Tout son grand corps se réjouissait sans retenue d’avoir eu un témoin innocent pour cette réponse, ma réponse. J’ai eu la sensation d’avoir donné un sachet entier de bonbon à un enfant. Et le deuxième prof de me regarder sans rien comprendre.

-Je vous ai sauvé. Je vous ai emmené loin de tout ça pour vous sauver.

Et sa tête de reprendre cette posture « haltière » héritée dont ne savait où puisqu’elle nous en avait sauvé. Et le silence qui suivait nous indiquait qu’aucune question ne serait tolérée. Il fallait respecter la mise en scène.

Mes sœurs étaient moins obéissantes que moi. A mon grand désarroi, cela lui plaisait en fait. Peut être n’attendait-elle finalement que cela, qu’on lui résiste, enfant, enfin. Ou l’inverse, ou l’opposé, ou le contraire, ou les trois.

-Mais enfin…nous n’avons jamais été pauvre !!! Tout juste (mais futain de bordel de ferde, quelle est cette expression de ferde qu’elle a utilisé !!!!) …[ une petite déconvenue ? période de latence entre deux fortunes ? ENFANCE ????? ].

REVERS DE FORTUNE !!! Voilà, c’est ça…c’est comme ça qu’elle appelait notre enfance…un revers de fortune.

On se baladait à Rochefort ? à la Rochelle ? Un des deux mon capitaine. Il y avait une belle place avec des arcades. On était toutes les quatre, la mère et les trois filles. Mon frère ? Loin…très loin déjà.

« Alors là, c’était le café où j’allais prendre une grenadine après les cours avec mes amies… » son bras se levait comme par magie lourde pour nous désigner LE café sous arcade, aux belles décorations dorées, aux murs peints de fresques des années 1920. « Je posais ma mobylette près d’ici et j’avais une chambre là-bas. » Son visage, je ne l’avais jamais vu comme ça. Fraîche, reposée, amusée. On était venue pour la dernière visite à son père, notre grand-père, à l’hôpital. On n’y était pas encore allé. Ou alors était-ce pour son enterrement ? Je confonds toujours tout…cette mémoire.

Avec mes sœurs on s’est échangé des regards…zinterrogatifs. Je crois que chacune d’entre nous sentait le goût des boites de raviolis réchauffées de l’enfance dans « la banlieue du revers de fortune ». Ou du « sauvetage ».

L’argent…

A propos de Alexia

Chercheuse par diplôme (Master 2, 2018) en littérature anglaise du 20ème siècle à Tours, indépendante car pas rattachée à une université pour l'heure, je fais des mousses au chocolat, des îles flottantes, du pain perdu caramel, des meringues, des crèmes brûlées...un jour, j'arriverais au niveau de la tarte au citron de Blanche!!! je l'aurais un jour!!! je l'aurais!!! En attendant, j'épluche aussi des pommes...

4 commentaires à propos de “#été2023 #06 | parlons argent (et Emmanuelle Pireyre)”

  1. J’aime beaucoup la tension du texte, et votre art des répliques qui donnent quelques clefs.

  2. Oui c’est bien ce ton faussement nonchalant, et ces expressions d’un idiolecte familial…