#été2023 #06bis | 70066

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Vous vouliez des chiffres ? C’est ainsi, vous vouliez des chiffres pour minimiser et hiérarchiser les dégâts, pour dédouaner les responsables de l’époque, les lâches et les veules qui ont organisé les massacres sous la férule de tous ces ordres iniques. Vous vouliez des chiffres pour identifier et trier les victimes, pour trouver des héros posthumes ou des survivants à décorer ? Vous vouliez des chiffres pour vos paperasses historiques truffées de tampons officiels et de pattes de mouche. Vous vouliez des chiffres pour remplir jusqu’à la nausée,les musées de commémoration et mettre sous vitrine le prix du pain en temps de guerre.

Vous vouliez des chiffres et moi je les vomis… vos chiffres…Vos chiffres de mobilisation sur plusieurs générations sont monstrueux, ils ont fait des fils et des filles sans père, des fils sans descendance, des femmes et des familles sans ressource.  Vous avez incendié les blés avant la moisson, vous avez empoisonné les rivières avec vos métaux, vos explosifs et vos cadavres. Vous avez fait de nous des héritier.e.s  empli.e.s de honte et de crainte. Je ne vous pardonne rien. Comprenez-moi bien. Je ne vous pardonne rien. Vous n’êtes que des statisticiens, des robots sans cervelle, des belliqueux perpétuels qui font les malins et des voltiges sur les claviers boursiers. Vous êtes des monstres qui s’ignorent. Je vous plains … vous sciez sans le savoir la branche sur laquelle vos postérieurs sont posés

Les premiers qui me parlent de pourcentages et de prévisions, je leur mords le plexus avec un griffoir de jardin et j’y plante un semis de mémoire à la Opalka, un décompte perpétuel ad vitam aeternam pour qu’ils s’y noient. Vous vouliez des chiffres ?

Et puis quoi ? Qu’est ce que ça change au désastre…

Vos chiffres sont des gifles pour les survivant.e.s.

. –La roue tourne disait ma mère…

70068V.AndréM07/
07/
1921
Fareins (01)FDaDC*
(Avant le rapatriement )*
09.
05.
1945
Dachau
Document général victimes de la deuxième guerre mondiale

La loi du 16 février 1943 portant création d’un service du travail obligatoire et la création du Commissariat général au Service du Travail Obligatoire (C.G.S.T.O.)

Un nouveau seuil est franchi avec la loi du 16 février 1943 portant création d’un service du travail obligatoire pour tous les jeunes gens nés entre le 1er janvier 1920 et le 31 décembre 1922. Deux décrets d’application, publiés les 16 et 24 février complètent le texte. L’article 1er du décret du 16 février, précise que les classes 20 à 22 sont réquisitionnées tout en limitant l’astreinte à un service du travail d’une durée de deux ans. L’article 2, renseigne sur le degré d’urgence des réquisitions, en précisant que « les préfets convoqueront par voie d’affiches les hommes […] à se présenter entre la date de publication du présent décret et le 28 février 1943. » La loi prévoit par ailleurs de nombreuses exemptions, l’article 4 du décret du 16 février 1943 précisant que « les affectations à un emploi utile aux besoins du pays seront notifiées aux intéressés. »

Les préfets sont chargés de la conduite des opérations de prélèvement, sous la surveillance d’un Commissariat général au Service du Travail Obligatoire (C.G.S.T.O.) créé pour l’occasion par la loi du 24 février 1943, loi jugée si urgente qu’elle fut publiée au JO du 25 février 1943, avant d’avoir été contresignée par les ministres, qui furent simplement saisis le 1er mars pour régularisation (AN, F/60/89, cité par Baruch, p.422).

Le C.G.S.T.O. est placé directement sous l’autorité de Pierre LAVAL, chef du gouvernement. Les deux décrets du 29 mars 1943, créent à l’échelon régional, une commission d’orientation de la main-d’œuvre (présidée par le préfet régional et assisté du directeur régional du STO) et à l’échelon départemental, un comité d’affectation de la main-d’œuvre, ce dernier comité étant assisté de commissions consultatives tripartites (Guyotjeannin, p.7, cf. biblio infra).

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Après tout, à quoi servirait de raconter une autre histoire que la sienne, dont des bribes nous sont parvenues sur des papiers usés, ou le souvenir flou de paroles maternelles percutantes.

Un jour, dit Mathilde, j’ai eu envie de rouvrir la boîte de Pandore, la boîte à Archives. Je l’ai fait non par tristesse, mais par amour posthume, par respect, par colère aussi, en des temps où reviennent les violences du mal-vivre ensemble et l’essor des tentatives de distinction entre les droits humains et les prérogatives selon l’origine, le rang social, et le lieu de naissance. Un temps où l’exil et l’exode sont dictés par l’incapacité criminelle à partager équitablement les ressources, une époque dangereuse et inique ou le fait simple de naître et grandir est devenu un défi, presque une provocation… L’idéologie fasciste n’est toujours pas éteinte et la planète est en péril.

J’ai voulu tirer un matricule de l’oubli, en publiant les lettres à propos de mon oncle maternel André V., l’unique frère broyé par la folie de la deuxième guerre mondiale, même pas un héros, même pas mobilisé dans l’armée et fait prisonnier comme son père à la première,  juste un jeune homme fiancé à Aimée, qui voulait convoler en justes noces, rester menuisier ébéniste à Fleurie et vivre en Beaujolais non loin de son père veuf remarié, un jardinier, et de sa petite sœur Monette qu’il aurait bien aimé protéger des saloperies de la vie sous l’occupation. Son destin a été tout autre et il bouleverse intimement. Déporté et mort à Dachau. Aucune tombe…

Le patron, un chic type, a essayé de rassurer le père d’André, comme sa soeur, il pensait le voir revenir et il l’attendait…

A propos de Marie-Thérèse Peyrin

L'entame des jours, est un chantier d'écriture que je mène depuis de nombreuses années. Je n'avais au départ aucune idée préconçue de la forme littéraire que je souhaitais lui donner : poésie ou prose, journal, récit ou roman... Je me suis mise à écrire au fil des mois sur plusieurs supports numériques ou papier. J'ai inclus, dans mes travaux la mise en place du blog de La Cause des Causeuses dès 2007, mais j'ai fréquenté internet et ses premiers forums de discussion en ligne dès fin 2004. J'avais l'intuition que le numérique et l 'écriture sur clavier allaient m'encourager à perfectionner ma pratique et m'ouvrir à des rencontres décisives. Je n'ai pas été déçue, et si je suis plus sélective avec les années, je garde le goût des découvertes inattendues et des promesses qu'elles recèlent encore. J'ai commencé à écrire alors que j'exerçais encore mon activité professionnelle à l'hôpital psy. dans une fonction d'encadrement infirmier, qui me pesait mais me passionnait autant que la lecture et la fréquentation d'oeuvres dont celle de Charles JULIET qui a sans doute déterminé le déclic de ma persévérance. Persévérance sans ambition aucune, mon sentiment étant qu'il ne faut pas "vouloir", le "vouloir pour pouvoir"... Ecrire pour se faire une place au soleil ou sous les projecteurs n'est pas mon propos. J'ai l'humilité d'affirmer que ne pas consacrer tout son temps à l'écriture, et seulement au moment de la retraite, est la marque d'une trajectoire d'écrivain.e ou de poète(sse) passablement tronquée. Je ne regrette rien. Ecrire est un métier, un "artisanat" disent certains, et j'aime observer autour de moi ceux et celles qui s'y consacrent, même à retardement. Ecrire c'est libérer du sentiment et des pensées embusqués, c'est permettre au corps de trouver ses mots et sa voix singulière. On ne le fait pas uniquement pour soi, on laisse venir les autres pour donner la réplique, à la manière des tremblements de "taire"... Soulever l'écorce ne me fait pas peur dans ce contexte. Ecrire ,c'est chercher comment le faire encore mieux... L'entame des jours, c'est le sentiment profond que ce qui est entamé ne peut pas être recommencé, il faut aller au bout du festin avec gourmandise et modération. Savourer le jour présent est un vieil adage, et il n'est pas sans fondement.

9 commentaires à propos de “#été2023 #06bis | 70066”

  1. Merci Marie-Thérèse, pour cette proposition contre les chiffres… intolérables dans ce cas!!!

    La guerre s’est assoupie, un œil toujours ouvert.
    […]
    Neuf millions de morts hantent ce paysage.
    Qui de nous veille de cet étrange observatoire pour nous avertir de la
    venue des nouveaux bourreaux ? Ont-ils vraiment un autre visage que le
    nôtre ?
    Extrait des commentaires, Jean Cayrol, Nuit et Brouillard, 1956

    • Oui, Jean CAYROL… On archive si vite… Merci pour votre passage et pour cette référence déjà lointaine pour nos contemporain.e.s. Des lanceurs et des lanceuses d’alerte, il n’y en a jamais assez…

  2. Destin tragique, révoltant. L’écrire est nécessaire et semble aussi très éprouvant (forcément). Merci Marie-Thérèse.

    • Oui, c’est éprouvant de ne pas pouvoir changer la donne en écrivant. En faire des personnages n’est pas facile non plus. Mais je garde le cap de l’authenticité malgré les effets involontaires et le risque de saturation chez des lecteurs ou des lectrices qui cherchent de leur côté ou chez les autres, la « performance » d’écriture et l’amusement, là où je cherche une relecture vigoureuse du « passé dans le présent ». Ma vieille rengaine… Ce cycle tortueux mène à plus de ténacité encore dans le propos. Je rejette la fiction car la fiction ne m’apporte rien d’autre que de la déception et de l’encombrement pour rien. Maquiller le réel prend du temps. Le temps me manque pour bien exprimer ce qui doit l’être.