Grenadologie

Celle qui a tant craint de toucher la peau noire, celle-qui évitait le quartier du Procureur de la République dont la bonne à vraiment tout faire venait du Soudan, celle qui avait gardé au clou du plus grand mur de son grenier l’épée d’un gendarme à Cheval en Afrique, celle qui a tant de fois entendu l’histoire du premier chocolat offert par les tirailleurs sénégalais au petit garçon évadé de l’hôpital, celle qui a applaudi à la première récolte d’arachides, celle qui a ri aux éclats à la seconde récolte d’arachides, celle qui n’était plus là pour la troisième, celui qui connaissait pour cela la nécessité du sol léger,

Après éclatement, on recompose…

Celle qui aimait le chanteur aux lèvres épaisses, celle qui faisait toujours sa cuisine dehors comme au pays des grosses gouttes de sueur salée, celle qui parlait déjà de soum-soum comme d’une liqueur forte, celle qui faisait avec sa gorge des bruits qui n’étaient pas des paroles, celle qui connaissait les secrets de réanimation du feu, celle qui connaissait des histoires de charrettes qui parfois ont mal fini, celle qui a été la deuxième épouse de celui qui a peut-être côtoyé de près des tirailleurs sénégalais,

Celle qui avait presque le même nom que celui qu’elle a épousé comme au temps des campements de peuls, celle qui a connu longtemps le noir de l’âtre à l’époque où ce n’était pas raisonnable de durer si longtemps dans la vie, celle qui a vu revenir les lettres au fils chéri, possible camarade de Demba, après le 20 août 1917, celle qui a peut-être découvert que les promeneurs de la ville appelaient aussi les siens des indigènes quand ils arrivaient dans la première auto sur la petite place de l’église,

ceux-là sont les fibres d’écorce du tronc d’un arbre aux mille racines qui ne sont que signatures et dont je me prétends feuille…

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