Immersion

Odeur d’iode et de sel. Une mer couleur émeraude, transparente, la plage de sable grano di riso d’un blanc pur…… Le ciel est bleu, la mer est encore tiède, je m’élance, plonge, fends les vagues, respire. J’en ai besoin. J’ai si rarement la mer à mes pieds. L’eau me calme, me dilue. Je flotte comme une feuille, comme l’écume, mes pensées s’envolent, je ne guide plus, je laisse aller. La volupté. L’oubli de tous les tracas. Une parenthèse.

Elle en a besoin. Elle JE a besoin de cet autre monde, de cette eau accueillante, de ce liquide amical, tiédeur qui l’enceint, la dilue, l’ensorcèle, lui fait oublier son attache terrestre, sa lourdeur. JE a toujours aimé la mer comme sa mère avant elle. C’est peut-être génétique. Et ce n’est pas raisonnable, car l’une et l’autre n’arrivent pas à habiter près de la mer. Ultime refuge lointain pour abandonner soucis et tracas. Pour se ressourcer. L’eau est transparente. Elle plonge, s’enfonce, se laisse envahir. Ouvre les yeux, cille un peu, le sel l’irrite à peine, elle voit le sable à travers le liquide bleu, bleu comme le ciel, bleu comme les fleurs, myosotis, violettes, iris, pensées, bleu comme le bonheur, est-ce que le bonheur est bleu ? Elle émerge, se laisse aller sur l’eau, le ciel en face, le soleil sur le visage, ferme les yeux, flotte sur le dos, une feuille légère, un rameau égaré, une algue anguille, elle est en équilibre, libre, elle est ailleurs. Lâcher prise, laisser s’envoler ses pensées, des pensées toujours bien réfléchies, difficile de les faire partir même dans les essais de méditation laborieuses, difficile de les mettre de côté, ces pensées intruses, importunes, ménagères, organisatrices, planificatrices, toujours utiles qui la rattachent au quotidien. Les Je dois faire, les J’ai oublié, les Je vais faire ma liste de choses à faire, à penser. Maintenant il n’y a plus que la mer, les vagues qui bercent, le sel qui mord, qui emplit la bouche d’une saveur acre, l’odeur iodée qui chatouille les narines, le vent qui souffle dans les cheveux, qui la nettoie du quotidien, les ondes qui soutiennent… et puis le soleil, encore ce soleil, ce bijoux doré, la chaleur de midi, la chaleur du Sud, les rayons qui caressent, câlinent, qui la font chavirer. Son corps ELLE se détend, se liquéfie, plus de bras, plus de jambes, ce corps est un cercle, un point, une concentration de plaisir, de chaleur. Elle se sent pleine, forte, ondulante, une sirène, Ondine du poète, renaissance, ressourcement. Est-ce que le corps IL vit de la même manière cette mer source ou la prend-il avec force, sautant, éclaboussant, fendant les vagues de ses bras vigoureux ? Cette communion entre les éléments et les corps IL ELLE est- elle différente ? Satisfaisante ? Complémentaire ? Son corps JE, heureuse union du IL et du ELLE, elle ondoyant de nonchalance et de laisser vivre, lui plein d’énergie à donner, atteignant ensemble cette harmonie qui lui permet d’émerger, de quitter sa bulle, de rebondir dans la vie. Comme dans la marche, le corps retrouve une unicité, la force terrestre, la légèreté des nuages, la voie est tracée miraculeusement, plus de projets laborieux, plus de limites, les pensées peuvent se libérer, s’envoler, danser, inventer des mots et des phrases, créer une musique nouvelle.

A propos de Monika Espinasse

Originaire de Vienne en Autriche. Vit en Lozère. A réalisé des traductions. Aime la poésie, les nouvelles, les romans, même les romans policiers. Ecrit depuis longtemps dans le cadre des Ateliers du déluge. Est devenue accro aux ateliers de François Bon. A publié quelques nouvelles et poèmes, un manuscrit attend dans un tiroir. Aime jouer avec les mots, leur musique et l'esprit singulier de la langue française. Depuis peu, une envie de peindre, en particulier la technique des pastels. Récits de voyages pour retenir le temps. A découvert les potentiels du net depuis peu et essaie d’approfondir au fur et à mesure.

2 commentaires à propos de “Immersion”

  1. Il suffit de cette feuille légère, qui flotte, pour embarquer le lecteur en même temps que vos Je Il Elle.

    • IL me semble que ça fait parfois du bien de flotter, de se laisser porter…Merci, Chantal.