JEU-BAUDELAIRE

Correspondance

« La Nature est un temple familier où de vivants piliers

Laissent parfois sortir de confuses paroles

L’Homme y passe à travers des forêts de symboles

Qui l’observent avec des regards familiers… »

Voici « mon » Baudelaire, ceci et Paris (voir plan).  Laisser voler Baudelaire, comme on lance un cerf-volant. Écouter sa musique, se laisser emporter au gré des signes, du hasard, dans une déambulation…, voilà la petite règle du jeu : établir la liste des domiciles (Claude Pichois et Jean-Claude Avice), les illustrer, faire remonter ses souvenirs ou perdre dans l’infinie correspondance des échos et des signes. Et à chaque adresse : s’arrêter, ouvrir au hasard les œuvres complètes et noter la page ouverte aléatoirement, relire le texte devant la photo, devant la façade, revoir la façade si on peut, si on la connait, écouter les correspondances, les signes : inventer une autre chronologie des moments-Baudelaire par exemple : devant le quai d’Anjou : Levanna et Notre-Dame-Tristesse dans le Mangeur d’Opium : « Souvent à Oxford, j’ai vu Levanna dans mes rêves. Je la connaissais par ses symboles romains mais qu’est-ce que Levanna ? C’était la déesse romaine qui présidait aux premières heures de l’enfant…Ou bien, Rue Vanneau : « Le couvercle » (Les nouvelles fleurs du mal) :

« En quelque lieu qu’il aille, ou sur mer ou sur terre

Sous un climat de flamme ou sous un soleil blanc,

Serviteur de Jésus, courtisan de Cythère,

Mendiant ténébreux ou Crésus rutilant… »

Voilà donc Paris transformée en Nature…voilà notre rêve de Paris-Baudelaire, ensemble d’un bloc, pour une visite aléatoire… le plan métro parisien complètement revu où les stations auraient un autre nom… je vois Baudelaire s’engouffrer rue de Babylone. Et distiller «Poison» :

« Le vin sait revêtir le plus sordide bouge

D’un luxe miraculeux

Et fait surgir plus d’un portique fabuleux

Dans l’or de sa vapeur rouge,

Comme un soleil couchant sur un ciel nébuleux. »

Et voilà mon Baudelaire rêvé, décalé ou trop en avance ou peut-être en retard, qu’importe. Me voici 17 rue du Bac et devant la façade, voilà ce que j’entends :

« Fraternité, un chant plein de joie, de lumière, d’espérance. Je ne suis point ingrat, je sais que je te dois la vie. Je sais ce qu’il t’en a couté de labeur et de soleil sur les épaules… »

Illuminations Baudelaire. Correspondance. Ou bien, 22 rue du vieux Colombier :

« Hé ! quoi ! vous ici, mon cher ? Vous, dans un mauvais lieu ! vous, le buveur de quintessences ! vous, le mangeur d’ambroisie ! En vérité, il y a de quoi me surprendre » ! Au détour d’un regard, je frôle Baudelaire. Je le laisse s’échapper, continuer son trajet parisien, plus tard je le retrouve, dans un mangeur d’opium, quoi ? comme lui, je suis fugitive ? Comme lui, l’horreur du domicile me tourmente ? Correspondance, une autre station m’appelle, je vais continuer de me promener, à peine ici, il faut repartir, déjà, ailleurs.