#P12 – DIAPOSITIVES

1 – Une porte de garage pour la première fois ouverte donnant vue sur une limousine blanche, pas abandonnée, mais laissée à l’abandon, en ces temps d’épidémie – Une limousine pour les mariages, fêtes et anniversaires, pour le clinquant et le bonheur, les bulles et les promesses, mais qui ne bouge plus et qui attend. Souvenirs, rires, joies et voyages dans cet intérieur de cuir, fauteuils et bar de ce petit appartement sur roues, derrière une porte de garage, vieille et sans couleur. Un garage, sans âme, en désordre, une porte sur le côté, un chien, un malinois, qui aboie et que l’on ne sort pas. 2 – Au coin d’un café de l’angle d’une rue, une famille marche. En premier, le père, clope au bec, ventre ressorti, un peu voûté, en short, la mère derrière avec ses trois enfants. Le plus âgé, 17 ans peut-être, maigre, décharné, fût lui tombant sur le cul, silhouette qui n’arrive pas à cacher sa mère, la fille, au début de l’adolescence, petit tee-shirt montrant son ventre, un jean collé aux cuisses et le petit dernier, grassouillet, tête chauve ou presque. Tête baissée, tous marchent. Le petit dernier râle, la mère, lui demande de se taire, le petit continue, le père se retourne et lui fout une baffe, fort. Personne ne bronche, cris du petit, la mère se tait, l’attrape par la main et le tire. 3 – Elle court dans les champs, pas rapides au lever du jour, le soleil est à peine levé, traits encore endormis, premiers souffles, premières transpirations, aucun bruit, la campagne dort encore. Au détour d’un virage, un cri, un bruissement, quelque chose qui jaillit, elle sursaute, manque de trébucher, crie, de frayeur et se ressaisit, un faisan, ce n’est qu’un faisan, surgissant des herbes cachées. Elle poursuit, de quelques pas, sa course, lorsque soudain, PAN, un coup de fusil, tout près d’elle, elle agite les bras, tente de montrer qu’elle est là, mais les tirs se succèdent…4 – Arrivée à l’endroit indiqué  » Au bois dormant « , non pas un hôtel comme elle se l’était imaginé mais des chambres d’hôtes. « Non pas de chambres d’hôtes » se dit elle aussitôt, elle n’aime pas cela, non, elle aime l’anonymat, sa clef individuelle, ses couloirs à suivre, sa salle de bains à découvrir et son café dans la chambre. N’aime pas partager le petit déjeuner avec des inconnus, ne veut pas avoir à devoir manger les dernière spécialités de l’hôtesse et raconter le pourquoi du comment. « Non pas de chambres d’hôtes !  » se dit-elle en reculant déjà devant la porte d’entrée après avoir sonné mais celle ci, s’ouvre et une jolie femme se montre, grand sourire, la guidant à l’intérieur. Le jardin et un verre à boire, elle, ne dit plus rien et se laisse emmener, obnubilée.5 – Ils s’assoient à une terrasse de bistrot et demandent deux cocas citrons. L’homme revient avec les verres, les pose, se fait payer et s’en va. Ils regardent les verres et se demandent où est le citron, la tranche de citron, la rondelle jaune, celle qui fait tout le goût du coca, toute la fraicheur de la boisson. Ben dedans, qu’on leur répond, à l’intérieur. Au fond du verre, un jus jaunâtre, misérable, se mélange à la noirceur des bulles. Mais ce n’est pas un coca citron ça monsieur dit-il en se levant. Ben comment ça ? lui répond l’autre en s’avançant. 6 – A la laverie de la rue principale, le linge dans la machine, un livre à la main, elle lit en attendant que le tambour tourne. Une femme entre, s’acharne à ne pas comprendre le fonctionnement, elle lui explique. La femme reste, là, toute transpirante, au bord de la conversation mais, elle, ne veut pas parler et se replonge dans sa lecture.. Un homme, gare son vélo pour laver ses habits d’ouvrier, lui demande des pièces, la monnaie, qu’elle n’a pas, va lui en chercher à la boulangerie d’à côté et lui offre les bonbons qu’elle a choisi. 7 – Arpentage le long des rues, tout est à vendre ! 8 – Des boutiques fermées, des pancartes écrites sur les portes, bourrées de fautes d’orthographes. 9 – Le petit bar à vins à l’angle de la rue avec un grand tableau noir sur lequel est indiqué  » LA VIE EST TROP COURTE POUR BOIRE DU MAUVAIS VIN  » – Elles ont ri en lisant et tout de suite, se sont assise en déclarant haut et fort que cet endroit allait devenir leur cantine et lorsque un jeune homme, un géant, est venu pour les servir, elles l’ont de suite aimé et ont décidé de ne plus le quitter. 10 – Sur le bord d’un mur en briques rouges, une roue de voiture s’est égarée. Elle se tient, ronde, dans le creux, entre l’ombre et la lumière, à attendre, mais attendre qui, quoi ? 11 – Elle croise une jeune adolescente vue dans une classe de collège où elle a travaillé, sur le trottoir, a envie de lui sourire, de la saluer. A ses côtés, ses parents, miséreux, cheveux effilochés, tenues quelque peu délabrés, la bière à la main, elle n’ose pas, tourne la tête et s’en va, sans se retourner. Fragments de tristesse et de honte qui la traverse. 12 – A l’aube, le village semble désert. On devine, derrière les rideaux, les regards curieux qui ne se montrent pas, on perçoit les pensées de ceux qui regardent mais ne se dévoilent pas. La grille est haute, la sonnerie trop forte, les chiens hurlent, un homme les frappe, vont-elles oser entrer ? 13 – Ils sont arrivés dans le foyer pour personnes en situation d’handicap mais à peine ont- ils fait quelques pas qu’elle s’est tournée vers le mur, gênée, prise d’un fou rire irrépressible, devant les silhouettes déambulantes, les corps tendus vers eux, et l’envie de partir, de fuir, s’est emparée d’elle, instinctivement. Elle n’a pas bougé. Elle se devait d’y aller – 14 – La voiture roule à travers les départementales et routes de campagnes au milieu des champs et sous le ciel chargé d’orages du petit matin. La pluie surgit, drue et violente – Les pares brises, pas bien neufs, peinent à percer les giclées, lorsque brusquement, le klaxonnement brutal d’un camion cogne contre la vitre arrière et manque de foncer dans le véhicule. La voiture accélère sans succès mais derrière, le poids lourd continue de menacer – Puis, dépasse la voiture et au passage, lui fait un gros doigt d’honneur à travers la vitre embrumée. Il est 7 heures, c’est le début de la journée…15 – Les élèves montent sur les tables pour accrocher leurs dessins, poèmes sur la structure construite avec fils de laines et bout de bois, afin d’accueillir les oeuvres. Joyeux brouhaha de rires et de joies, ça se bouscule, ça se taquine, ça s’entraide. L’institutrice se met à crier et tout doit s’arrêter. C’était pourtant un jour de fête, un jour pour se cultiver, un jour pour inventer et tout chambouler, c’était un jour artistique. 16 – La pièce n’est pas très grande et séparée du couloir par une fenêtre vitrée. L’odeur y est désagréable, ce particulier mélange de parfum synthétique et de ranci règne, les murs blanc crème sont éclairés par les néons car le jour grisâtre et sans lumière peine par la seule fenêtre existante. Certaines personnes sont en fauteuil roulant, d’autres non. Ils ont été installés contre les murs formant une sorte de rectangle entourant la table sur laquelle repose nos affaires. Un micro, des photos, des feutres et du plexiglass. Les gens attendent. Ils les regardent et se demandent qui elles sont et ce qu’elles viennent faire. On a dû leur dire qu’il y avait des artistes qui allaient être là et qu’il faudrait rapporter des souvenirs, une parole. Ils ne savent pas trop. Elles non plus. Le moment est difficile, la parole n’est pas encore fluide. Tout le monde se regarde et ne comprend pas encore bien ce qui se passe. Bruit de fond un peu crispant, comme une sonnerie incessante. Dehors, il pleut et ici, c’est un hôpital, des gens malades, un univers un peu caché où certains terminent leurs jours comme ils disent – Elle allume son enregistreur et s’approche.17 – Le bistrot du coin, pas de cacahuètes, faut les acheter mais là, c’est en rupture de stock, et autre chose ? Non, rien d’autre. Ah, c’est embêtant, pour boire le vin, l’accompagner, c’est bien. Les voitures passent, empêchent la conversation, le vent entre en courant, difficile pour une première rencontre, non ? 18 – A travers le mur, elle entend les cris. C’est dimanche. Elle entend les cris. Les cris de la femme, pareille à ceux d’une petite fille dénotant avec son corps imposant, débordant de partout, faisant face à ses cris à lui, petit bonhomme malingre, à la gifle facile, qu’elle peut entendre malgré la porte fermée mais par la fenêtre entrebâillée. Elle voudrait s’interposer, l’en empêcher mais ne le fait pas. Et si ils avaient envie de se parler ainsi ? Elle ne sait pas trop. Le lendemain, elle les croise et on se parle, on se salue, ils ont l’air gentils, surtout lui. 19 – Lavage de voitures cassée, bagnoles défoncées, toits tombants en ruine, murs en trous, maison brûlée, vieille usine désaffectée, nature entrelacée à travers les barres de fer et de métal d’un camion abandonné, jardin défraichi, etc. etc. 20 – Petit restaurant chic, table blanche, verres de champagne et de vins délicats, mets raffinés, délices, surprises de la découverte, lumières tamisées, voluptés d’une soirée – 21 – Le petit chat errant, par la fenêtre, a envie d’entrer, il miaule. On lui a interdit de le laisser entrer. En plein confinement, elle se laisse attendrir et ouvre la porte. Il vient se lover dans le lit et ne le quittera plus. 22 – Dans les petites rues, les chiens se jettent contre les grilles en fer,  » laissez nous sortir ! » semblent-ils rugir,  » montrant leurs crocs acérés et leurs corps maltraités. Les chiens se jettent contre les grilles en fer au passage des gens, n’ont ils donc pas été sages pour être si enfermés tout le temps ? 23 – Arc en ciel lumineux au dessus des betteraves. 24 – Vous savez le Covid ne touche pas tout le monde. Les jeunes par exemple, ils ne sont pas vraiment atteints, ce sont surtout des gens âgés ou en situation d’obésité alors pourquoi vont-ils fermer les écoles ? Oui mais des jeunes gens obèses, on en a beaucoup par chez nous, vous comprenez ? Ah… d’accord. 25 – Invitation à diner à 19h00 apéro, à 19h30 apéro, à 20h00 apéro, à 20h30 apéro, à 21h diner, à 22h30 digestif, à 24h00, brouillard pour rentrer. On a pas encore bien l’habitude hein ma petite dame, ça va venir, vous inquiétez pas ! 26 – Invitation à diner à 19h00 apéro, à 19h30 apéro, à 20h00 apéro, à 20h30 apéro, à 21h diner, à 22h30 digestif, à 24h00, rires à n’en plus finir ! Nuit sur le canapé et petit déjeuner chaleureux avec des amis pour la vie. 27 – La voiture roule dans la nuit, longtemps, cela lui semble bizarre, c’est quand même pas si loin pour rentrer, regard vers le GPS, 8 heures de route, direction le sud ! Merde, même nom de ville mais pas la même région, demi-tour en râlant. 29 – Comment ça pas de livres à la maison ? Tout le monde chez MC DO, cinquante Reine des neiges par classe, elles n’iront jamais voir le film. 30 – Tout le monde se balade dans la campagne, le soleil luit, le lin pousse, les éoliennes se tiennent tranquilles, et puis, en marchant, un chant jaillit de la bouche de chacun, un chant au milieu des champs, un chant imprévu et qui fait du bien. 31 – Un rosaire, une église, une statue de la vierge Marie, une petite chapelle, un monument aux morts, une croix et Jésus dessus et dans les rues, personne ou presque, mais où sont passés les vivants ? 32 – Il parle, conte, se raconte, lui montre les photos, dit la guerre en face de chez lui et partage une histoire qui a subi les conséquences de la guerre de 14  » Ici, au milieu de la pâture, il y avait la ligne Hindenburg donc ici des anglais et les australiens de l’autre côté – et de l’autre côté, les troupes allemandes, c’étaient les réservés d’élites allemandes – et ils avaient fait un hôpital chez Maurice. A ce moment-là, il y avait des trous dans la terre – Et ma grand-mère et ses vaches étaient là dans la pâture. Un soir, ils rentrent les vaches avec le vacher Victor et Victor dit :« Eul dame » – Eul dame, il nous manque an vache. Ils font le tour de la pâture et là, un trou – Et victor dit « eul vache elle est au fond, elle est dans l’eau » et la grand-mère dit « on va la laisser elle a qu’à mourir là » puis Victor dit « ah non eul dame » « on va remonter la vache ». « Mais Victor comment veux- tu remonter la vache ? Mais Victor vous avez une famille, vous avez 6 ou 7 enfants ». Mais il répondu : « Ce n’est rien Madame » « Mais je ne veux pas Victor ! ». «Ce n’est rien Madame, je vais le faire ». Ils sont allés chercher un tombereau, un petit chariot à deux roues, ils les ont mis comme ça, timon à timon, c’est comme quand on mettait le cheval à l’intérieur de chaque côté pour tirer. Ils sont allés chercher des personnes dans le village pour venir monter la vache et on a sanglé Victor pour aller mettre des combles à la vache dans l’eau dans la cave où elle était tombée. Tous sont venus et tous ont remontés la vache. Il n’y avait pas de vétérinaire dans ce temps-là, et la vache, quelques jours après, elle est morte. Mais pas au fond du trou – parce qu’ils l’avaient remonté, ils l’avaient remonté – tous ensemble. Elle le remercie, le quitte et pleure dans sa voiture, devant la pâture. 33 – Il est fan de foot et de Ginola mais ne peux pas jouer car il a la maladie de verre, la maladie des os, il est pourtant si jeune…34 – Mais, brusquement, une femme, d’une voix forte et imposante, l’interpelle, lui disant qu’elle n’a pas apporté de photos car c’est celle de son enfant mort qu’elle a perdue, que remuer les souvenirs à son âge est trop sensible et qu’elle préfère les oublier. Tandis qu’elle parle, sa main frappe son cœur et sa voix s’intensifie sous la colère. 35 – Ils lui prêtent toute la sono pour sa soirée littéraire contre quelques bières, elle court au supermarché et prend la meilleure et la plus chère – 36 – Photos prises : un mot dans un arbre, un banc dans un vieux jardin public, un feu rouge, un tracteur jaune, un silo à grains en mouvements, une baraque à frites, les vieux au PMU, des jeunes qui dansent, la télé par une fenêtre, une pancarte à moitié effacée, une pelleteuse, l’horizon, une route à monter, une maison cachée, un enfant accroupi à jouer, un lièvre qui court, une éolienne qui danse, le sourire d’une dame, un âne, les vaches magnifiques, sa solitude, etc. etc. 37 – Dans un petit café, la porte est entrouverte, entrez vite normalement je suis fermé et on pas le droit, entrez vite, vous voulez un café ? Oh oui, un café au comptoir, le rêve, depuis tellement longtemps ! L’homme referme la porte, fait couler le petit crème, il est tôt, il est heureux de voir quelqu’un. Un sentiment de faire quelque chose d’interdit, un je ne sais quoi de clandestin, c’est bien. 38 – 19h00 dans la voiture, au-delà du couvre feu, attestation dans la poche, rebelle sur les bords mais pas trop, les rues vides, juste pour soi, quel bonheur ! 39 – La femme et son enfant regardent la traite des vaches. les machines en fer qui attrape les tétons, le bruit de la succion mécanique, le lait qui coule dans les bidons, les bêtes parquées, les unes à côté des autres, qui attendent la libération dans le couloir qui mène à un autre endroit pour dormir. L’enfant regarde sa mère, sont-elles heureuses demande t’il ? je ne sais pas lui répond-elle, je ne sais pas. Repartir tous les deux, dubitatifs.40 – Ils arrêtent la voiture, lui demande ses papiers, son attestation, ils sont jeunes, très jeunes, font minutieusement le tour de la voiture, regarde la plaque d’immatriculation, lui demande ce qu’elle fait là, elle montre son contrat. Refont le tour de la voiture, comme pas certain de ce qu’il faut faire, tout est calme, personne dans les environs, chacun est chez soi, confiné, elle a envie de sourire mais se retient. Puis ils lui tendent le permis et la laisse repartir. Premier contrôle, dimanche matin, pleine campagne.41 – Les chichis sont arrivés, à côté de la baraque à frites, pommes d’amour, barbes à papa, sucettes multicolores, gaufres sucrées ou Nutella, tout le monde fait la queue ! 42 – Envie d’un hamburger du camion posté là en bord de route, avec une petite frite, l’assiette déborde, ketchup, mayonnaise, oignons, salades, tout est trop, trop bon, trop gras, trop pleins les doigts, trop, trop, assiette pas complètement terminée pendant que filent les voitures à toute allure 43 – Un soir, on a décidé d’aller boire un dernier verre au PMU du coin. Il est sympa ce PMU, la patronne est une copine, son fils aime leur fille et vice et versa. On commande à boire, les verres arrivent. Autour de nous, quelques couples avec des enfants en bas âge, ça boit, ça rit, les enfants courent dans la nuit, les bébés roupillent dans les bras. Une jeune femme se lève, avec ses petits, son copain les accompagne jusqu’à la voiture puis revient. La jeune femme reste dans la voiture. Elle attend à la place du passager, c’est donc lui qui conduit. Elle l’attend. Il est au comptoir avec les autres, et se ressert à boire. Elle l’attend. Le temps s’écoule, elle l’attend. Il revient à la voiture, lui demande d’ouvrir la fenêtre, lui dit quelques mots, retourne au bar et se ressert à boire. Elle l’attends. Une larme coule le long de sa joue, fatiguée. Une heure plus tard, il monte dans la voiture, elle se tourne vers lui pour parler, il l’envoie balader, elle se tait et la voiture s’en va. Les enfants dorment. 44 – Courses à l’Intermarché du coin, dans la queue, elle se dit qu’elle s’est trop bien habillée. 45 – Est ce que je peux aller le promener votre chien ? Vous êtes sûre, elle est folle la chienne. Oui ! Ils sont heureux de la trouver. Derrière son enclos de fer, la chienne les regarde, couchée, soumise, que font-ils ? Il revient avec une corde pour l’attacher. La chienne a compris, elle se met à bondir, de grands sauts en l’air. Vous êtes sûre, elle est bien folle notre chienne. Oui mais un oui un peu hésitant, c’est vrai qu’elle est grande cette chienne et qu’est ce qu’elle saute ! Il tente de l’attacher, difficilement, lui crie dessus, l’attrape par le cou, ça y est c’est fait. La chienne tire sur la corde, il ouvre la porte et elle file, mais est stoppée au cou. Voilà, elle est à vous ! La chienne se met à courir. Course folle à travers champs, agrippées à la corde. Course folle à travers champs, course folle et câlin dans l’herbe, longuement. 46 – Dans le gîte, un soir, la propriétaire arrive, petite chemisette de nuit, jambes nues, deux bières à la main, la clope au bec « ça te dirait une petite bière ? » « euh pourquoi pas ? » Elles s’installent autour de la table et la propriétaire parle, trop. Elle boit la bière, ne sait pas comment lui dire qu’il faut qu’elle dorme. 47 – Ce jour-là, l’église sonne. Le plein soleil tombe sur le PMU où elle est assise parmi les tables. Premiers rayons de printemps, les visages tournés vers eux. De nouveau, la cloche sonne et de l’église, les premiers invités sortent. Costumes noirs ou bleus pour les hommes, petites robes et talons pour les femmes, tenues roses pour les demoiselles d’honneurs, chapeaux et rires virevoltant dans le vent que l’on rattrape, allègrement. Elle va arriver, elle va arriver ! Placement des corps en deux rangées devant le perron, des enfants s’échappent pour aller s’arroser à la petite fontaine; Revenez là, dépêchez-vous ! Tous attendent, excités. Les voilà ! Jets de riz, pétales de roses, sur les jeunes mariés, rouges et heureux. Et ça s’embrasse, ça se prend dans les bras. Au PMU, les clients, devant leurs demis, les regardent. Quelques sourires échangés, les bourgeois se marient ! Mais ça aimerait bien aller danser avec eux, une petite danse aux bras de la mariée, pour fêter, fêter le bonheur, fêter l’amour…48 – Voilà, c’est simple, vous allez vous placer chacun à une extrémité et vous vous approchez l’un de l’autre. Toi, tu l’aimes alors tu lui dit : « Toute la journée, je ne pense qu’à toi !  » et toi, tu ne l’aimes pas, donc tu lui réponds ce que tu veux mais tu ne l’aimes pas, compris. Tous deux acquiescent en hochant la tête. Ils s’approchent et il dit :  » Tout la journée, je ne pense qu’à toi  » et elle de répondre :  » Moi aussi « . Euh, c’était bien, très bien même, mais toi tu ne l’aimes pas d’accord, tu ne l’aimes pas. On recommence. Et ils recommencent en se prenant dans les bras à la fin. Elle se tourne vers les éducateurs qui lui avouent,  » ils sont en couple ». Rires de compréhension. Bon, ici c’est du théâtre, tu dois faire semblant. Bien sûr que tu l’aimes, mais tu fais croire que non. Ils recommencent, et elle entend dire  » Non je t’aime pas » et le silence. Les deux jeunes pleurent en se regardant. Mais non, bien sûr que vous vous aimez, c’était pour de faux, allez embrassez-vous ! Les autres jeunes de l’IME applaudissent, vive le théâtre ! 49 – Un soir, appel téléphonique en pleurs, envie de rentrer, envie de retrouver sa famille. 50 – Un soir, envie de boire un verre mais tout est fermé. Seul le carrefour market clignote. Boissons bues dans la voiture en plein parking. 51 – Promenade du soir sous le ciel orangé, orageux, menaçant, premières gouttes de pluies, grondement du tonnerre, rien où s’abriter, il drache, comme on dit dans le pays. 52 – Toute la nuit, elle écoute les chiens de l’autre côté de la nationale pleurer. N’a qu’une envie, aller les délivrer et enfermer le propriétaire, mais elle reste au chaud et tente de s’endormir. 53 – Réunion en plénière de tous les maires, power point, chiffres donnés, projets échangés, Oui mais nos agriculteurs, Oui, mais nos écoles, Oui mais nos infrastructures, Oui mais comment on fait, on n’a pas les masques, Oui, mais ils nous prennent tout à la ville, Oui, mais nos vaches, Oui, mais les caméras de surveillance, il en faut, Oui mais….54 – Visite de l’ancienne filature, ancienne dynamiterie, ancien silo à grains, anciennes usines, panneaux sortie d’usine à moitié effacé, ancien, ancien et pleins d’anciens dans le coin. 55 – ça y est le MC Donald est arrivé ! Le MC Donald est arrivé, euphorie dans toutes les bouches. 56 – Les projecteurs sont allumés, le micro est posé sur son pied, le pupitre attend les textes, les chaises sont alignées comme au cabaret, le petit bar à vins improvisé, resplendit, les fleurs, dans le grand vase, fleurit, une douce musique d’ambiance, la liste des réservations est prête, les coeurs battent, d’impatience, d’appréhension et de joie aussi. CE SOIR, ON VA LIRE !

Codicille : Après avoir écrit tout cela, j'ai réalisé que je n'avais pas bien lu/saisi la consigne - qu'il aurait fallu être plus "fictionnelle", enfin, il me semble.Je tâcherai de recommencer mais pour ce jour, je vous le partage. Bon dimanche.

A propos de Clarence Massiani

J'entre au théâtre dès l'adolescence afin de me donner la parole et dire celle des autres. Je m'aventure au cinéma et à la télévision puis explore l'art de la narration et du collectage de la parole- Depuis 25 ans, je donne corps et voix à tous ces mots à travers des performances, spectacles et écritures littéraires. Publie dans la revue Nectart N°11 en juin 2020 : "l'art de collecter la parole et de rendre visible les invisibles" voir : Cairn, Nectart et son site clarencemassiani.com.

8 commentaires à propos de “#P12 – DIAPOSITIVES”

  1. Incroyable texte! C’est fou ce que la forme en bloc gonfle et fait monde. Ça pourrait continuer à l’infini.
    (d’accord avec FB, j’ai hésité à le lire en voyant le titre)

  2. J’aime beaucoup le côté diapositive du texte, en très peu de lignes on est pris ( un titre ça se change).

  3. Encore cette étrange ambiance décalée, léger thriller, la tension quand on lit, la pulsation monte, et le 11 qui fait monter les larmes, les étapes comme des marches qui s’imbriquent mais l’escalier penche, menace de s’effondrer… Oui toujours cette impression de menace, déséquilibre ambiant, tandis que l’humour gicle en sursauts, donne un effet de réel … Merci Clarence !

  4. C’est moi qui vous remercie Françoise pour votre regard une fois de plus. Ces diapositives, je l’espère, vont être le terreau d’autres histoires.

    J’ai aimé votre ballade américaine dans la L12 ou P12 (je ne sais plus) entre le jazz, le cinéma, cette femme, le Mississippi, etc. Quel voyage !

    A bientôt.