#L7 | Les dessous de l’écriture

© Marlen Sauvage

Strate 1 – Ce qui est écrit

Un homme retourne après de longues années dans un lieu de sa jeunesse (pour retrouver peut-être quelque chose de son ancienne vitalité ?). Tout passe par le corps, l’herbe mouillée dans laquelle il  plonge ses pieds, le regard alentour et la connexion à la nature, mais il ne reste qu’un escalier témoin de son passé.

Strate 2 – Comment ça s’est écrit, et avec quoi peut-être

Au moment de la première proposition, je séjournais seule depuis la veille dans une maison amie, en pleine nature, et c’est là que mon personnage a débarqué. J’ai découvert le lieu avec lui, observé ce que je n’avais pas encore observé, des arbres, de l’environnement proche, des oiseaux, d’une maison vue de l’extérieur, d’une fontaine, d’un puits obus (j’ai découvert cette particularité et le nom de ce puits à cette occasion !). 

Dans mes souvenirs d’enfant de trois ans, je descendais un escalier pour me rendre dans la cave avec ma grand-mère paternelle et y chercher les boules de charbon dont nous remplissions un seau de métal. J’ai toujours cru à ce souvenir. Il paraît pourtant que dans la maison de mes trois ans, il n’y avait ni cave, ni charbon. Je conserve quand même mon souvenir, il est vivant pour moi. Tant pis si la maison n’est pas la bonne, et si la cuisinière n’est pas celle de ma grand-mère !

Quand je dis « escaliers », je pense « Escher », à ses constructions impossibles… quand je dis escaliers, je les pense sans fin… Un rêve d’escaliers m’a longtemps poursuivie dans mon enfance et adolescence, je les grimpais à toute allure, poursuivie par des nazis qui avaient incendié la maison, la famille, la forêt alentour, et je parvenais enfin tout en haut d’une bâtisse à un balcon sans rambarde d’où la seule issue pour moi était de sauter. Et invariablement, je me réveillais là.

Enfin, j’ai l’esprit de l’escalier, j’ai besoin de temps pour écrire, c’est tout.

Strate 3 – Les motifs, les pierres d’attente, ce qui pourrait s’écrire…

Le thème de l’escalier, seul vestige du passé tel que l’a connu le personnage, est revenu me chercher. J’ai pas mal écrit sur les escaliers, pas seulement dans les ateliers de François ! Un escalier, ça se monte et ça se descend, il appelle la lumière ou l’obscurité, nous emmène dans deux directions, peut-être dans deux dimensions. Il relie Terre et Ciel, comme l’arbre… Sur les pyramides égyptiennes les marches symbolisent la transition entre la vie et la mort… une transformation… Une ascension ou une régression… Je pourrais jouer sur ce symbole de l’escalier, seul vestige du passé de mon personnage (avec une petite construction toutefois, si je me relis !), sans tomber dans des analyses pseudo-psychologiques, mais comme trame d’une personnalité peut-être…Franchement, je m’amuse en écrivant tout cela, car je n’ai aucune idée de ce vers quoi je vais, ni si j’irai au bout de cette histoire, mais enfin, j’ai le souvenir d’une nouvelle écrite avec François, partant dans tous les sens et dont finalement, une histoire a surgi, que je relis encore avec plaisir !

Strate 4 – Comment poursuivre et les conditions de l’écriture

Je fais confiance à l’écriture déambulatoire ! Si je m’arrête sur l’escalier, c’est parce que c’est un thème récurrent, je l’ai déjà dit. Donc je vais creuser l’idée (peut-être, si je ne l’oublie pas en route) pour créer mon personnage. Je lui ai déjà imaginé une vie, une ébauche de vie, avec les fragments qui ont suivi. J’ai ouvert un carnet d’écriture dès le début de cet atelier, ou plus exactement dès que j’ai commencé à être poursuivie par mon personnage. Je note ce qui me traverse, sans idée préconçue. Je n’aime pas la linéarité d’une histoire, j’aime les fragments pour ce qu’ils permettent de passer des pans de vie sous silence et bien que je ne sache encore si c’est ce que revêtiront les silences…

Je travaille avec des dictionnaires, de définitions, de symboles, des analogies… J’écris dans mon lit, le matin, tôt, quand tout dort encore dans le quartier, ou le soir, tard, directement sur l’ordinateur, à partir de mes notes et avec les bruits du quartier ! 

Strate 1 – Ce qui est écrit

Ce qui traverse l’esprit de l’homme dans ce lieu qu’il ne reconnaîtra pas finalement, c’est le souvenir de noces projetées et non réalisées. « Un rythme, une musique, un chant, les vendangeurs au pied des ceps mordorés, le chœur des serpettes et des sécateurs, le déhanchement des porteurs de grappes déversant leur hotte dans la benne voisine, les rencontres dansantes au détour d’une allée, les bousculades sur les terrasses escarpées, les retrouvailles couleur de sang, les baies écrasées filant entre les doigts, l’ivresse, l’extase, le jus de la terre, le vin des noces et du désespoir. »

Strate 2 – Comment ça s’est écrit, et avec quoi peut-être

C’est la vigne voisine de la maison (la vraie maison où j’habitais au moment de la première proposition, donc) qui m’a inspiré l’anecdote des vendanges… La phrase est venue telle quelle. Et une jeune femme non encore identifiée a croisé le regard de mon personnage. Je ne sais rien d’elle. Pourquoi le vin des noces et du désespoir, je n’en sais fichtre rien. Mais forcément, en me relisant, j’ai pensé que sans doute, il y avait eu une rencontre, une idylle et ces mots m’ont suggéré que la fin n’avait pas été idyllique justement. 

Strate 3 – Les motifs, les pierres d’attente, ce qui pourrait s’écrire…

Je vais donc imaginer une rencontre…

Strate 4 – Comment poursuivre et les conditions de l’écriture

Un fragment sur la rencontre, sans intention de tomber dans quelque chose de trop romancé. 

Strate 1 – Ce qui est écrit 

Le grand frère (mon personnage) a été banni de la famille, on ne sait pourquoi encore ; un frère cadet qualifié de « revanchard » a relevé le défi de l’aîné de bâtir une maison où il n’y avait qu’une grange ; et le benjamin a été interné en hôpital psychiatrique.

Strate 2 – Comment ça s’est écrit, et avec quoi peut-être

C’est la proposition des voix qui a suggéré le bannissement du personnage. J’ignorais bien pourquoi il revenait là, dans ce lieu, et n’avais aucune idée de personnages secondaires. Je dois aimer les grandes fratries. Il y a au moins 2 frères et une sœur ! Dans ma sentimenthèque, il manque Les frères Karamazov, les  sœurs Brontë, une référence à Sylvie Germain aussi ! (Je le réalise ici)

Strate 3 – Les motifs, les pierres d’attente, ce qui pourrait s’écrire…

Comme la petite sœur m’apprend que son frère a disparu jusque dans les conversations familiales, il fallait bien que je trouve une raison…  Je l’ai trouvée (voir plus loin). 

Strate 4 – Comment poursuivre et les conditions de l’écriture

Je vais m’appuyer sur quelques fantômes familiaux… pour tenter d’être au plus juste de ce qu’une « disparition » peut être vécue comme un abandon.

Strate 1 – Ce qui est écrit 

Dans une construction qui a survécu, s’est dénoué un autre drame, lequel ?

Strate 2 – Comment ça s’est écrit, et avec quoi peut-être

Je ne sais pas si je garderai cette idée (venue au fil de l’écriture) d’un autre drame, je crains quand même que ça fasse beaucoup ! Peur du sordide !

Strate 3 – Les motifs, les pierres d’attente, ce qui pourrait s’écrire…

Mais enfin, la vie est pleine de drames ! 

Strate 4 – Comment poursuivre et les conditions de l’écriture

Aucune idée encore, à creuser.

Strate 1 – Ce qui est écrit 

Retour dans le passé de l’homme, réfugié dans une grange après un délit de fuite, et le désordre qui le traverse.

Strate 2 – Comment ça s’est écrit, et avec quoi peut-être

Là, je dois dire que j’étais dans une actualité bouleversante. La nouvelle de la mort d’un ami, retrouvé une nuit sur le bord d’une route, heurté par un véhicule qui avait fui. J’ai écrit la proposition « Tarkos » #P2, à partir de ce que je venais d’apprendre, qui m’avait empêchée de dormir… un fait divers, certes, qui me touchait de très près.

Strate 3 – Les motifs, les pierres d’attente, ce qui pourrait s’écrire…

J’ai imaginé que mon personnage était l’auteur de ce double délit. Qui est l’homme mort, pourquoi, dans quelles circonstances ? Je n’en sais encore rien.

Strate 4 – Comment poursuivre et les conditions de l’écriture

J’ai commencé à m’informer sur les raisons d’un non-lieu… finalement, je n’ai pas très envie que mon personnage soit responsable de cette histoire de fuite ! J’ai replongé dans l’affaire Grégory qui s’est déroulée dans les années 80, parce que c’est l’époque où se passe le drame de mon personnage… J’ai épluché la procédure du procès, je ne sais pas si je m’en servirai ni comment, mais enfin j’avais besoin d’informations tangibles…

A propos de Marlen Sauvage

Journaliste longtemps. Puis dans l'édition. Puis animatrice d'ateliers après une formation Elisabeth Bing et DUAAE à Montpellier. J'anime encore quelques stages d'écriture, ai contribué aléatoirement au site des Cosaques des frontières, publié quelques livres – fictions et biofictions – participé à plusieurs ouvrages collectifs. Mon blog les ateliers du déluge.

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