#L8 – Jean-Paul Goux — Voix de la prose

Moi c’est P’tevoix et c’est moi qui vais chanter, pousser ma voix sur les chemins de traverse qu’IL souhaite ou souhaiterait emprunter.

« Nous étions jeunes et larges d’épaules…[1] » que ne l’ai-je entendu le fredonner cet air quand il était jeune, quand il rêvait de voyager, déjà l’Irlande, IL en rêvait.

Il avait commencé sa quête des où, une quête qui jamais ne se finirait P’tevoix le savait, car elle était toujours avec lui. Elle l’aidait à fabriquer tous les voyages dont il imaginait les destinations en suivant le parcours d’un certain B. L. depuis si longtemps.

Elle avait rêvé pour lui de Charleroi, « ville portes clouées/maisons à vendre, abandonnées… la mort rôde sans merci… un mur en brique/des kilomètres de voies ferrées. »[2] Mais, Il avait trouvé cela trop loin. Les kilomètres, IL n’en voulait plus. IL en avait tellement fait dans sa tête. Il était « toujours en jet-lag/seul avec toutes les plaies ouvertes/du monde entier »[3]

P’tevoix savait que l’hexagone pourrait lui suffire pour un temps, le temps de la reconstruction, sa reconstruction après… mais il ne fallait pas qu’ils y pensent, elle P’tevoix et lui. Ils ne faisaient qu’un. Des « vieilles courtisanes/leurs amants/le casino/une fillette au bord de l’eau[4] », des clichés, des images, des tableaux qu’il a admirés, des histoires qu’il a écrites, balbutiées, laissées inachevées. IL les situait le plus souvent là. IL n’y était jamais allé, mais IL avait de l’imagination. Faut dire que je l’aidais beaucoup, sans me vanter, je ne suis pas comme cela.

Un jour, j’ai dû lui emboiter le pas très vite, car IL avait une envie de train, de voyage au long cours — « la poésie est là Verlaine ressuscité… solitude solaire »[5]. Après, IL a voulu retourner là-bas dans sa ville « où la rue artérielle limite le décor… hauts-fourneaux… cheminées d’usine… »[6]  puis tout d’un coup, Il voulut «le ciel de Paris… cette ville de bandit… capitale de douleur »[7], la ville de « François Villon perdu dans la nuit… des hauts de Belleville… un accordéon en joue le refrain »[8], puis il a eu des rêves.

Moi P’tevoix, je lui ai pris la main et des grands voyages nous avons fait.

Il y a eu Kingston «c’est vraiment tropical le reggae dans la rue… »[9],

Puis New York en un mois d’octobre, « l’obsession d’écrire[10] » l’a pris, Il a rempli des carnets, en a oublié dans une chambre d’hôtel ou un motel, moi-même P’tevoix ne sait plus très bien.

Puis IL vit des « femmes voilées, dévoilées… les cloches sonnent… ». IL y resta plus d’un « samedi soir à Beyrouth… solitaire »[11]. Le temps passait, il ne comptait plus les heures. Ses nuits étaient agitées et je n’arrivais pas à le rassurer pourtant j’essayais.

Puis Saïgon le tenta. Mais là, je ne pouvais pas. J’avais peur d’y étouffer. « la jungle verte/bruit des insectes/palmiers géants… »[12] mais IL m’y traina de force. Nous étions indissociables.

Et encore San Salvador, où IL a « oublié le nom de cette île perdue… le sable blanc… les secrets planqués… la nuit ». [13] Je crois que là-bas IL a rencontré quelqu’une dont IL n’a rien voulu me dire. Comme si soudain, Il n’avait plus besoin de moi.

Après il y a eu Santiago…

Et Vegas… et…

IL ne voulait plus rentrer, moi P’tevoix je n’en pouvais plus. Cela tourbillonnait trop. IL allait trop vite.

Un jour, je voulus tout arrêter.

IL me supplia, mais non on rentre lui ai-je dit.

Nous sommes rentrés à Paris, je crois, je n’en suis même pas sûre et depuis IL cherche d’autres Où…

Mais en vrai de vrai comme certains pourraient dire les ai-je vraiment faits avec lui tous ces voyages. A-t-IL pris ces bateaux, trains, avions ?

Avons-nous voyagé ou seulement rêvé ?

Soudain, j’ai peur, moi P’tevoix.


[1] On the road again – Bernard Lavilliers

[2] Charleroi — Bernard Lavilliers

[3] Jet-lag — Bernard Lavilliers

[4] La promenade des Anglais — Bernard Lavilliers

[5] Le buffet de la gare de Metz — Bernard Lavilliers

[6] Saint-Étienne — Bernard Lavilliers

[7] Paris — Bernard Lavilliers

[8] Paris la grise — Bernard Lavilliers

[9] Kingston — Bernard Lavilliers

[10] Octobre à New York — Bernard Lavilliers

[11] Samedi soir à Beyrouth — Bernard Lavilliers

[12] Saïgon — Bernard Lavilliers

[13] San Salvador — Bernard Lavilliers

A propos de Danielle Masson

L'Ouest de la France quitté depuis plus de 20 ans ... déjà ... pour la Provence Suivre les traces du bon Roi René écrire, faire écrire, partager les mots essayer mais parfois dur, dur !!! joyeuse, enthousiaste à vous lire y apprends tellement