##le double voyage #04 | faire étape

On fait étape. C’est ce qu’on dit. Combien de fois fait-on étape ? En général, une fois suffit, une nuitée, la coupure du trajet en deux, scie circulaire dans l’épaisseur moite d’une soirée d’été ou lourde, orageuse d’une nuit déjà tombée (si tôt) sur nos épaules. C’est sur nos yeux que ça tombe le plus vite, c’est ce qui nous pousse à nous arrêter. Avant l’étape, ou l’escale, il y a les pauses que la fatigue rend nécessaires. On fait cette halte, on ne reste pas. On est déjà reparti, tu vois ?

On fait étape, c’est dit.
Nous passerons la nuit dans cet hôtel, cet airbnb, cette chambre d’hôte. Nous poserons le strict nécessaire de notre bagage. Nous marcherons pour délasser les muscles, pour assouplir le squelette. Nous nous économiserons. Nous ferons le tour du propriétaire, le tour du pâté de maison, le tour de la parcelle, du jardinet, du parc paysager, du champ d’à-côté, du sentier de forêt qui d’ici, semble si près. Nous humerons l’air tiède de la quiétude et du repos. Nous mangerons de bon appétit, de ceux que creuse la route. Nous dormirons ou nous rêvasserons, insomniaques, à notre destination finale.

On fait étape, a fortiori : citius, altius, fortius.
Nous passeronsla nuit dans ce cargo, à bord de ce monstre d’acier, ses bastingages qui nous garderont des déroutes. Nous poserons le strict nécessaire de ce que nous avons emmené d’énergie et de bonne humeur et nous garderons le reste pour les jours suivants mais nous n’économiserons pas notre joie, nous ne raboterons pas l’enthousiasme.
Nous marcherons pour engranger des souvenirs, pour caresser les comètes dans le sens de la queue, cette traînée de lumière nous portera chance. Nous humerons l’air des grandes aventures. Nous mangerons toutes les promesses. Nous dormirons avec nos fantômes, nous y serons en bonne compagnie. Nous ferons le tour de nos rêves emboîtés les uns dans les autres, nos espoirs gigognes à portée de vue. Nous passerons la nuit à guetter les empreintes de pas, à arpenter les kilomètres qui nous séparent du ciel.

A propos de Perle Vallens

Au cœur d’une Provence d’adoption, Perle Vallens écrit et photographie (https://perlevallens.photo). La poésie se tisse de mots et d’images, les uns nourrissant les autres. Ecrire c’est explorer l’intime et le monde, porter sa voix pour toucher. Publie récits, nouvelles et poésie en revues littéraires et ouvrages collectifs. Lauréate du Prix de la Nouvelle Erotique 2021 (au diable vauvert) et autrice d'un livre de photographie sur l'enfance, Que jeunesse se passe (éd J.Flament), d'un recueil de prose poétique aux éditions Tarmac, ceux qui m'aiment. Touche à tout, pratique encore le caviardage, le cut up (image et/ou son), met en voix (sur soundcloud Perle Vallens ou podcasts poétiques), crée des vidéo-poèmes et montages photo-vidéo (chaîne youtube Perle Vallens)...

5 commentaires à propos de “##le double voyage #04 | faire étape”

  1. J’ai beaucoup aimé « l’impossible retour », ce qui aurait pu être et l’écriture sur le fil réel, rêve. Et ici la belle façon de décliner faire étape, on s’y retrouve (regret de n’avoir jamais passé la nuit sur un cargo).