les chiens n’aboient plus

les chiens n’aboient plus                 ils sont devenus vieux aussi

ils n’aboient plus que             quand       tu ouvres la porte     et         que tu entres

avant       ils entendaient la voiture arriver             de loin

ils aboyaient                 le père gueulait      OH!       les chiens     OH!

la mère criait aussi             oh ça va            et un ton en dessous    pour elle même     il me fatigue cet homme     à toujours crier                 il me fatigue

les chiens n’aboient plus que quand tu ouvres la porte

ils sont devenus sourds

ça va papa?           non ça va pas

c’est ton traitement?                              non
              (tout doucement, presque pour lui)             c’est pas mon traitement

qu’est-ce qu’il y a ?             rien

les chiens n’aboient plus trop      ou alors tard       quand tu es déjà     entré

ça va maman ?      non ça va pas

qu’est-ce qu’il y a ?                        rien

elle porte la main à sa poitrine              pleine de tristesse

le café refroidit       le petit-déjeuner est servi              comme toujours

les chiens sont       dans les pattes

les leurs se raidissent               l’un se traîne sur l’arrière-train qu’il n’arrive plus à redresser que parfois         quand il aboie, il aboie comme ça     les pattes de devant dressées       le corps paralysé secoué par les aboiements

il se traîne sur l’arrière-train             mais il est encore là      dans les pattes

à se dire que c’est là qu’il voudrait mourir

                                    au pied des maîtres

6 commentaires à propos de “les chiens n’aboient plus”

  1. Une histoire de chiens qui parle aussi de leurs compagnons de vie – une vraie bulle ! triste bien sur l’arrière-train – et pas que – qui vieillit… mais si authentique ici avec aussi toutes nos contradictions…

  2. Ce n’est pas vraiment gai, certes mais une tristesse simple directe sans fard ; Cela m’a touchée

  3. on dit les chiens      mais ce n’est pas dédain        c’est lien entre groupes       fraternité dans l’âge       et vraie com-passion

  4. J’aime, et d’abord beaucoup le titre, intrigant. Et ce basculement intérieur du père qui n’est pas dans le visible, la vieillesse, mais dans « les chiens n’aboient plus »: tout y est, le lien d’une vie avec les chiens, le temps, la transformation de la scène de base du quotidien, sans doute mille fois répétée, de l’arrivée de quelqu’un.
    ça me fait écrire, tiens!

  5. J’aime beaucoup ce texte sobre et beau sur ce qui s’éloigne et s’absente doucement, par petites touches.