Les lits où je n’avais pas prévu de dormir.

C’était assurément une sensation de culpabilité qui m’avait fait bondir. J’ai dormi ? Elle, elle s’excusait de m’avoir réveillé, c’est bien normal dans votre état, vous devez vous reposer. Oui, c‘était bien normal dans mon état…

La lourdeur de mon corps enfoncé dans les coussins de ce canapé alors que mon esprit prend lentement conscience que ces cris-là me sont destinés. Et mon corps qui se fait de plus en plus lourd, comme refusant de répondre à mon cerveau, tentant de me renfoncer un peu plus dans les doux labyrinthes du sommeil.

La tendre lumière bleue d’une veilleuse qui caresse ton corps afin que je puisse te voir, te surveiller et qui se déchire sur chaque tranchant du mobilier de la pièce, table, chaise, respirateur, prises, néons éteints, barrières, machine reliées à ton petit corps.

Être au plus près du sol sur un matelas de fortune, dans un coin de la pièce pour ne pas gêner le passage. Sentir l’odeur du détergeant qui a nettoyé ce sol. Voir les grains de poussières déjà présents. Être et se sentir au plus bas.

Cet espèce de rire qui sort et qui ne sort pas de se regarder dans ce lit à trois, ce lit où on n’est pas censés dormir, où ça ne se fait pas mais ce lit qui nous est prêté, offert, ce lit qui nous accueille comme des bras qui nous enlacent et nous bercent et nous veillent et nous embrassent au réveil comme aurait voulu le faire sa propriétaire mais cela ne se fait pas.

Ce lit si grand et pourtant on si cogne, on s’y gêne sans comprendre pourquoi.

Le froid de l’eau devenue glaciale dans la baignoire à l’étage du duplex du premier étage du un rue du Commandant Rolland. La dureté de l’acrylique alors que des petits poissons sur le rideau de douche tentent de faire croire qu’il s’agit-là du plus bel endroit au monde.

Être si serrés à deux dans ce si petit lit alors que d’autres lits sont disponibles dans la pièce. Ne pas avoir envie de se séparer de peur de se perdre dans ce monastère si grand, si froid.

L’épaisseur des coussins, le moelleux du sommier, la chaleur de la couette et du radiateur en fonte contre lequel est appuyé le lit. L’impression d’être au cœur même de la chaleur et du bonheur.

A propos de Annabelle Léna

Auteure, autrice, et pourquoi pas auteuse! A force d'écrire et de faire écrire, comme une envie de me laisser guider cet été et de participer à une aventure commune. https://annabellelena.fr/

2 commentaires à propos de “Les lits où je n’avais pas prévu de dormir.”

  1. Les lits où je n’avais pas prévu de dormir : belle entrée en matière qui élargit nos horizons. Je n’avais pas prévu d’en parler 😉

  2. Merci! 😀
    Je ne suis pas une grande vadrouilleuse alors j’ai cherché longtemps quel axe choisir…… 😀
    Le risque est de ne raconter que les lits d’hôpitaux ou les soirées alcoolisées! 😀