dans cette nuit peut-être

… les flocons bleus du gyrophare sur les murs les éclats jaunes des phares lorsqu’ils croisent, la chaleur asphyxiante sous la couverture serrée, les sangles qui écrasent le ventre compriment la poitrine emprisonnent-serpent les chevilles les poignets, le ronron du moteur à l’arrêt (clin d’œil vertical des feux ?), le crescendo pour repartir, les petits paliers paisibles et indifférents des changements de vitesse, une conversation pâle et quasi inaudible (derrière sa tête on parle tranquille comme si elle qui serait pas là ou alors devenue un de ces colis en carton qu’on trimballe et des fois on les jette de bras en mains et des fois ça tombe cogne et ça casse, d’ailleurs la voix de silhouette d’au-dessus-d’à-côté : -bientôt-arriver-rester-quille-quiétez-pas- …cuper-de-vous), le chuchotis-splash des roues quand c’est mouillé, aussi le mordillement gravier dans le virage tourne sec juste avant le nouveau stop-ronron portière-bang (l’entrée ?) / la barrière / (grincement, orange clignotant, la voix fatiguée : encore toi ce soir ? vazituconnais ! … rage !) Elle pense alors c’est là quand ça repart à rouler – pas très longtemps, minute ou moins, au ralenti, secousses devant-derrière des dos d’âne ? (voit quand l’arrière-grand secouait la salade la ligne des miettes d’eau écarquillées larges par terre sur les pierres chaudes devant la maison ) – une deuxième fois le moteur à l’arrêt, d’un coup net (imagine l’acide du rasoir au poignet) le couperet du silence et le froid – le haillon relevé d’un coup sec (imagine le bleu-noir arcade et  œil), le frottement métallique du brancard sur les rails, le claquement des roues dépliées en longues pattes d’araignée suspendue, la secousse de taper dans l’obscur d’un coup, d’un coup les milliers d’étoiles, le claquement des étoiles derrière les yeux, la fraîcheur des étoiles, la gifle du froid tout le dessus du visage, d’un coup la force des mains qui poussent d’un coup l’ombre du dos devant – avance ouvre les portes d’un coup ( quand le brancard a cogné ça a claqué dur avec un petit écho contre le mur, un bruit sec ); avec ça elle glisse coule dans un cauchemar la pente de sa vie elle flotte nauséeuse dans le couloir les néons crament à intervalles barreaux d’échelle la rivière blanche du plafond (ses carrés à petits trous noirs réguliers – la géométrie longue du flux lui passe dessus – imagine cri-mâche-ferraille la rame de métro – imagine colle-sueur-moiteur le poids de l’homme – imagine …) il y a plein de voix autour dans les taches, blanches également, indiquent que c’est par là ouvrent d’autres portes lourdes et froides, derrière ça sent une pénombre d’hygiénique maintenant que la nuit d’étoiles est partie. Elle demande où elle est, secoue la tête, essaie en vain de soulever le buste, pense c’est la morgue ici déchirant ses chiffons de vue en minuscules lambeaux éparpillés entre les fantômes pâles. Les confettis de carreaux et l’inox gris c’est d’un coup rentré en poussière au dedans d’elle comme les tables des morts et leurs mues glacées polies dans l’odeur d’antiseptique…

16 commentaires à propos de “dans cette nuit peut-être”

  1. Coup de poing. J’ai remplacé « elle » par « il » (qui n’est pas revenu malgré les gyrophares bleus)

  2. Emue par votre texte et les commentaires .On lit « dans cette nuit peut-être » avec ce qui s’est passé plusieurs fois dans notre vie longue. Vous avez si bien dit.

    • merci Simone. Et oui la vie nous bouscule de bien des manières. Ecriture et lecture des textes un peu en dents de scie suite à de nombreux visiteurs cet été mais je ne manquerai pas d’aller faire un tour dans vos écrits.

  3. Les fragments de discours sont comme des ponctuations…C’est riche, ciselé…Hâte de lire la suite

    • merci du passage et pardon du retard à répondre et suivre le rythme. Été chargé mais vais essayer de moyenner les moyens ! Et d’aller vous lire ainsi que quelques autres ! Tous, n’en rêve même pas !