# P10 Le ru de quatre heures

Deuble You et Ciboulette cheminent cahin-cahin, pieds nus dans les rues de Rue, l’un tirant l’autre en laisse dans un tonneau, tandis que le second, portant haut-de-forme et queue de pie, tient une paire de chaussures crasseuse à la main. J’suis sûr qu’on peut se laver ici…on m’a parlé d’un ruisseau à Rue où on pourrait s’laver les arpions…Glougloutement de gorge et raclement de pied dans les caniveaux…non espèce de buse pas un ruisseau à Rue…on a parlé d’un ru à Rue pas de ruisseaux de rue…tu sais ru ou ruisseaux c’est du pareil au même pour moi …C’est ça rendors toi finis ton Somme, moi j’ cherche le caniveau du ru…voix chuintante…le ru passe ptête pas dans c’te rue ou alors c’est pas la bonne heure …faut attendre qu’il pleuve…regarde le ciel.. il fait beau…la météo a dit qu’il aller tomber des torrents d’eau à quat’heures et j’vois rien venir…je t’dis que c’est par là…suis moi et arrête de pleurnicher…mais s’il pleut fort on trouvera rien…plus rien adieu ta rue…plus de ru…et pis s’il pleut trop on se mettra dans l’tonneau…ça doit bien flotter dans un ru en crue… je n’aurais jamais cru ça possible…voix bouillonnante…ferme ton clapet et suis moi…mais j’suis enchaîné à toi et t’arrêtes pas de me ballotter de rue en ru et j’sais toujours pas où tu nous emmènes…on cherche le cours du Mort-Ru…c’est là où va se laver les pieds…non le Mort-Ru c’est pour les godasses…on en trouvera un autre pour les panards car quand on est bien élevé on ne doit pas mélanger les deux… mais t’as dit que le ru est mort donc ça sert à rien de chercher un Ru-Mort … il va pleuvoir tantôt…regarde le ciel…il est quatre heures moins dix…attendons ici que ce ru mort revive au sec et l’abri … non continuons à marcher car ce ru a pignon sur rue et on devrait le trouver facilement quand on le verra… car ce ru est connu de tout le monde…si tout le monde le connaît c’est donc que ce ru tourne au coin de la rue…oui l’homme de la rue y a toujours couru pour s’y baigner…et a accouru en foule accrue, avide et repue de morue salée, en flots ininterrompus pour charrier ces deux malotrus ventrus qu’elle croyait disparus…mais qui ont réapparus, pour une aventure au coin d’une rue avec une fille de rue…regarde moi frétiller ces crétins pitoyables…Etrange théâtre de rue que cette pression de rue sur ces intrus abstrus membrus à la recherche d’un filet de ru incongru..une clameur de rue a ameuté une recrue de la fluviale qui a discouru sur ces coquecigrues jetées au fil de l’eau …depuis Chevilly-Larue, des chevaux tonitruant montés à cru, cols écrus et licols relevés, ruent et se ruent vers nos deux compères… t’occupe pas d’eux et lavons nous les pieds avant d’aller voir les filles…mais t’as dit qu’il faudra trouver un autre ru pour laver nos pompes…oui mais on peut les laver dans un caniveau si on ne trouve pas de ru disponible…drôle d’idée de laver des péniches dans un caniveau mais comme c’est ton idée…puisque nos godillots seront mouillés et qu’on va enlever le pantalon pour aller voir les filles on peut gagner du temps ai on reste les pieds nus ….non il faut pas être négligé à un rendez-vous galant et pour ça il faudrait trouver une fille avec les pieds dans un ru…ça c’est pas possible…on ne trouvera que des filles de rue avec les pieds au sec… regarde le peintre de rue qui peint une toile avec une queue-de-morue…demandons lui s’il a vu l’éducateur de rue et sa bru, une fille bourrue toujours bourrée, qui ont parcouru la grand-rue en long et en large, en camion-grue, pour nous aider à trouver notre ru…je croyais que tu savais où il était…j’ai dit que c’était un ru mort et que jusqu’à présent personne ne l’a vu sauf cet éducateur…c’est ici qu’on attendra notre ru et comme j’suis pas sûr de l’endroit ça fera la rue Michel…on sera à la rue s’il ne pleut pas à l’heure…oui tu as raison…regarde le soleil… il est quatre heures dix.

A propos de Laurent D.

En quête de mots et d'histoires à réinventer

2 commentaires à propos de “# P10 Le ru de quatre heures”

    • effectivement…faire du Bobby Lapointe sur du Tarkos n’avait rien d’évident de prime abord. Merci à vous. Bonne continuation.