#P4 | zenFAANTS !

ah mes enfants ! plutôt aaaHH mes enfants ! C’est quoi ce ton geignard ou de surprise sur le aaaHH ? Et, sur la fin, on dirait que tu es en quête d’approbation et de soutien. Mais au fait, à propos de quoi ? quelle surprise ? Qu’est-ce que tu viens de découvrir qui te met dans un tel état ? Ah non, ça ne s’applique à rien de particulier, ça marche pour tout et surtout pour rien. C’est la vie en général et c’est pour ça que ça s’arrête là. La cause de ce long soupir me reste dans la tête, ne franchit pas la bouche : c’est trop lourd à dire. Mais tu n’as pas d’enfants, tu n’en as jamais voulu, ça t’amusait ces désirs d’enfants. Parfois ça te révoltait. Tu ne t’adresses à personne. Ces enfants, ils n’existent pas, même dans ton désir. Ou alors ? Comme ça, ça reste entre moi et moi. C’est une plainte que je m’adresse à moi. Comme si je disais ah, on est pas aidés ! Qui, on ? Je me lamente de moi sur moi. Moi, j’entends ah mes pauvres enFAANTS ! Si c’était ça la vraie lamentation ? Là, ça prendrait peut-être sens. Ça dirait ah mes enfants déchus, ah mes enfants morts, ah mes enfants non nés. Mais tu n’oses pas le dire. C’est vrai, il y aurait là trop d’effroi, ce serait clair que je m’adresserais à moi seul. Seul face, face à … Cette plainte, elle vient de loin, du fond de l’enfance. A qui parlait-elle, elle, les soirs de solitude de la guerre d’Algérie ? C/Ses pauvres enfants, c’était nous ? c’était sa vie entière ? une longue lignée de femmes et d’enfants dans la solitude, la peur, le souvenir de la guerre ? Le père, petit à petit, loin, devenait fantôme.

Codicille : Je ne connaissais Nathalie Sarraute que comme la mère de Claude Sarraute qui faisait la rigolote sur France Inter il y a quelques années. Hier, j’ai lu Pour un oui, pour un non, c’est court et lumineux, ces deux niveaux de compréhension irréconciliables. Ce petit texte est venu d’une traite et je ne pensais pas que les mots me conduiraient, à l’aveugle, à la presque évidence de la dernière phrase. Merci NS.

A propos de bernard dudoignon

Ne pas laisser filer le temps, ne pas tout perdre, qu'il reste quelque chose. Vanité inouïe.

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