#P7 alalu

C’est une maison en bordure de route avec un très grand jardin un peu livré à lui-même mais pas tout à fait. Sous le toit, au deuxième étage, des petites fenêtres en meurtrière dans lesquelles on s’encastre pour regarder dehors et contempler.

Au loin un tilleul déjà majestueux dépasse l’auvent du bassin. Il est rempli de fleurs blanches et on suppose une odeur prégnante à son pied. A son côté un plaqueminier, un peu à l’écart de l’auvent, explose ses bourgeons. On pourrait croire que ces deux arbres rivalisent à celui qui sera le plus haut. A l’aplomb de l’auvent le bassin est vide. Des jeunes canes poussent en désordre à son pourtour. Si l’on descend le regard un petit arbre s’installe dans un rond de pierre. On ne sait pas encore ce que c’est, on espère un fruitier. Quand le regard glisse légèrement sur la gauche, une grosse boule blanche. C’est un prunier qui promet une belle récolte de mirabelles. Sur la droite, juste après le pont qui enjambe les fossés de la route, un chèvrefeuille, offert par des amis de passage, a été planté en pleine terre.

Le tilleul commence à perdre ses feuilles, doucement, alors que l’automne ne fait pas encore parler de lui. L’arbre à kaki est en pleine maturation. Ses feuilles sont vertes et ses fruits encore petits sont verts eux aussi. Le mirabellier est couvert lui aussi de petits fruits. Le chèvrefeuille prend de l’ampleur aidé par un tuteur qui l’aide à grimper. Il nous a embaumé pendant toute sa floraison qui maintenant se termine. Dans le champ en L, cette année il y a du blé qui commence à dorer. Le bassin a été rempli. Par jour de mistral, la surface se couvre de rides. Quelques feuilles du tilleul se font balader. Il va falloir passer l’épuisette. Les canes repoussent toujours. Il faudrait creuser à quelques soixante centimètres. Un lierre grimpe sur la margelle du puit.

A l’aplomb de la maison il y avait une verveine qui a été déplacée près du prunier sur un ilot où on essaie de faire pousser des fleurs. En ce moment il n’y aurait que les chrysanthèmes. La campagne est rousse. Le tilleul n’a presque plus de feuilles et le plaqueminier commence à se déplumer alors que ces fruits s’orangent tout en grossissant. Le bassin a une eau sombre couverte de feuille. Il faudra le vider pour le nettoyer plus tard. Le blé a été moissonné. Il n’y reste que des piques et ça et là quelques épis rescapés. L’arbre dans le rond de pierre a grandi et c’est un abricotier. Va-t-on déguster ses fruits un jour ? Dans le four cuit une tarte aux mirabelles qui embaument toute la maison. A l’ouest le soleil commence sa parade de fin de jour. Le ciel a rosi pour commencer accrochant des dorures sur les quelques nuages. Ils se parent d’orange et de pourpre et bientôt la nuit sera là.

La lune au bout du champ peut sortir maintenant que le soleil lui a laissé la place. Elle est pleine et rousse posée à fleur de terre. Des étoiles pointent leur éclat deci delà. Quelques maisons éclairées au loin. La chatte se promène à l’affut d’un campagnol ou toute autre proie qui l’amuse. Elle passe dans le halo de la lune qui monte et perd de sa couleur. Dans le silence de la nuit percevoir le bruissement de la vie nocturne. Des petits animaux qui s’affairent, le vent qui fait chanter les arbres, qui caresse les épis, une voiture au loin qui accélère, des rongeurs qui galopent dans le toit, un hululement. Le reflet de la lune sur les arbres donne aux feuilles un aspect argenté.

Une gloriette installée pour le chèvrefeuille lui permet de former une arche. C’est une arche de liane pour l’heure qui rejoint le laurier rose. Seul le cèdre du Liban qui garde le derrière de la maison a toujours sa verdure. Les kakis comme des boules de Noël sur les branches nues rappellent la chaleur. Il y a toujours cette inquiétude devant la nature en sommeil, cette crainte qu’elle ne se réveille plus. Peut être y aura-t-il de la neige. Le prunier a été taillé et semble tout jeune. Des cailloux ont été remis dans la cour. Les derniers ont été emportés par des pluies diluviennes.

A propos de Véronique Hilly

Ça commence par une scolarité (lointaine) où écrire tenait du cauchemar. Il y a quelques années une amie propose un atelier d'écriture et pourquoi pas. J'y ai découvert d'avoir un plaisir immense à écrire. Alors je continue !

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