#P8 | Les mains du magicien

Elle se souvient de ces mains, de ces doigts, de cette pogne serrée et desserrée, de ces doigts pliés et repliés à volonté. Elle avait quoi ? Quatre ou cinq ans ? Guère plus et pas beaucoup moins. Elle se souvient bien de cette main et de ces doigts puissants. C’était la main du magicien. Il était venu faire des numéros à l’école maternelle, tout un spectacle pour les enfants de Saint-Avit-les-Monts. Il avait montré beaucoup de merveilles, des tours merveilleux qui en mettent plein les yeux et les oreilles des petits enfants, de ces enfants qui sont un jour devenus grands sans trop se poser de questions sur la façon dont on poussait. Le magicien était venu avec son chapeau et avait fait apparaître et disparaître des lapins, des tourterelles et des colombes. Il avait fait des miracles. Il l’avait complètement époustouflée et émerveillée. Il lui en avait mis plein les mirettes, comme s’il avait jeté un sort sur ses yeux gris-bleus. Elle s’était laissée doucement bercer par ces illusions. Elle avait gardé les yeux écarquillés sur la baguette magique et le chapeau du magicien ouvert à doubles tours. A la fin de la représentation, il était venu la voir, elle la petite fille aux yeux éblouis par les colombes et les petits lapins blancs. Il avait fait des gestes avec sa main et conté une petite histoire, il avait chanté une petite ritournelle de son pays que l’on racontait aux enfants. Elle ne se souvenait pas vraiment des paroles mais elle se souvenait bien de la pogne et des doigts. Elle croit les revoir encore chaque jour dans des vidéos d’une minute qui rebondissent toute la journée dans son esprit. A cette époque, il lui avait dit :  » tu retiendras bien ça plus tard dans ta petite caboche ?  » Oui, elle se souvient bien de ces doigts et de cette pogne qui avait rebondi sur son crâne. Elle s’était bien mis ça dans le crâne évidemment. Des images et des sensations qu’elle avait bien imprimées. Mais quand exactement ? A 50 ans, elle ne se souvenait pas précisément mais ça rebondissait beaucoup dans sa tête. Ça avait même fini par frapper son esprit. Et son esprit était toujours là, à son âge d’adulte dépassée, toujours le même qu’à quatre ou cinq ans à croire toujours ce que lui disent les adultes, même ceux qui ne sont plus là pour raconter des histoires. Elle se plonge dans des livres de petites ou de grandes histoires toujours avec la même délectation en se berçant d’illusions. Parfois, il y a des petits lapins dedans. Des petits lapins qui durent longtemps en se wonderisant.

A propos de Elise Dellas

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