#photofictions #01 | Aurait pu être la dernière

Prise rapide, à la volée; de celles qui pourraient aisément être effacée, sauf à être partagée sur les réseaux peut-être avec l’amie végane, ou encore pour l’infime clin d’oeil à Tove Janssen. On cherche déjà l’ombre dans les rues d’Athènes ce matin du 19 Juillet 2019, après rapide traversée  de la place Monàstiraki luisante on s’empoussière dans les rues alentours, changement de trottoir pour éviter de passer sous les échafaudages, non par superstition mais juste qu’en levant la tête, l’oeil stoppe le mouvement du corps devant l’aspect fragile des structures surplombantes, impression de mikado géant. Vertige inversé.

De l’autre trottoir, cadrer à la va-vite, jaune ton sur ton, appeler les autres, les inciter à traverser aussi, rires, railleries de mère-poule ; essayer de trouver ce qui vaudrait le coup de voir de ce côté-ci, inventer des détails que seul révèle le recul… encore une énième photo de street art, collecte citadine de graffiti. Il y a même l’envol du pigeon flou. Passer son chemin, suivre le pas des plus pressés des autres membres de la famille, restés du côté balcons qui, vus d’ici ont encore plus l’air d’être prêts à s’effondrer ; en route vers le musée des illusions. 

Pas de prise de vue sur la « passerelle vertige » dans la première salle visitée, on tangue intérieurement, sauf à fermer les yeux. Détonation, tremblements; assourdis, hébétés, il faut tout de même suivre le plan d’évacuation sans savoir l’origine, retour de cette impression d’édifice ébranlé , un immeuble proche soufflé? Sensations inédites. Attroupés dans la rue, bouffée de plein air, à scruter entre ciel et terre, passée la torpeur collective, des smartphones ressurgissent du fond des sacs et poches, et le mot qui commence à circuler sur toutes les lèvres et donnera le ton et nom à l’album de vacances: before and alter the earthquake.

Magnitude 5.1, peu de dégâts matériels si ce n’est coupures électriques ou téléphoniques, aucune victime à déplorer.

Retour sur nos pas, rembobiner le fil, pour ne pas songer aux répliques: l’échafaudage a tenu mais des gravats jonchent le trottoir dessous, le coupé jaune est gris de poussière , constellé de petites pierres, la voiture en créneau derrière a le toit qui ploie sous un roc. Pas la force de figer l’après…

A propos de sophie grail

Après une grande vingtaine d’années en région lyonnaise, vis depuis bientôt une petite entre Léman, vallée verte et blanches montagnes... sans renier racines ardéchoises et tête en terres corses, balinaises ou cévenoles... dévoreuse ou passeuse de livres, clame haut et fort les mots des autres ( accompagne aussi depuis quinze ans les élèves de CM2 à jouer avec les leurs et en apprivoiser d’autres) sans jamais trop extérioriser les miens (sauf en labyrinthiques cérémonies secrètes). Alors sourire de me livrer en tiers-livre sans pseudo ni hétéronyme ... (Interviens discrètement sur Facebook via Sophie Sopibali)

Un commentaire à propos de “#photofictions #01 | Aurait pu être la dernière”

  1. Bonjour sophie
    Avant le tremblement de terre.
    L’envol du pigeon donne la suspension de l’instant.
    Merci pour ce texte et pour cette image.