#photofictions #02 | texture

Comment passer dans l’extrême proche de la réalité crue à l’abstraction et revenir presque par hasard sur de la figuration autre. Aller vers toujours plus de détail en choisissant une parcelle plutôt que le tout de l’objet.
Comment amenuiser le champ et rester collé au fragment qui pourra faire sens éloigné. Chercher le plan du serré en conquérant le gros plan en se battant avec le plan large.
Comment redonner de l’espace par le nouveau cadre qui réélargit les perspectives. Transformer le banal en prenant n’importe quoi comme objet et en le transfigurant.
Comment rentrer avec détermination dans le motif pour en extraire de nouveaux axes de force. Détacher sa vision globale en trouvant le point de fission du regard.
Comment préciser le cadre au plus juste et laisser faire le travail de l’œil. Traverser le miroir du viseur pour obtenir la bascule vers l’abstrait.
Comment ouvrir à d’autres horizons après coup figuratifs et à nouveau représentant. S’approcher encore pour faire éclater le sens et recréer du délire aux proportions réinventées.
Comment fabriquer des images concrètes en en supprimant la source et en en coupant l’attaque. Créer de nouvelles figures de lumière à partir d’un état banal de la lumière.
Comment faire jaillir des joyaux hors de leur situation initiale de rebuts. S’accrocher de toute la force du regard à la géométrie des lignes ou des taches.
Comment s’appuyer sur des textures pour mettre en relief des imaginations neuves. Jouer des reflets et des blocs de noir et des traits de blanc et des masses mouvantes des gris.
Comment être à l’affût et profiter de toute occasion pour ne pas sortir de l’extrême proche. Entrelacer des bribes de réel avec des effets foudroyants de clair-obscur.

Un plan. Avec repère orthonormé. Figures aux coordonnées complexes. Dynamique diagonale. Un vol arrêté. Une fuite hors champ. Zones. Multiplicités pointillistes. Cadre aléatoire. Découpe nette. Du gris profond presque noir au gris clair presque beige. Plaques. Feuilletage. Épaisseur fine. Glaçage. Vernis. Deux surfaces superposées. Une fixe l’autre changeante. Inscriptions foncées. Traces mouvantes. Tableau. Abstraction agitée. Effacement de la source. Coupure de l’attaque des motifs. Taches sans cesse recréées. Métamorphose continue. Fixée. Pas de gravure. Un dépôt. Comme de l’encre. Fluide. Vitesse. Graffitis humides. Structures répétées et variations. Texture.

A propos de Fil Berger

Fil Berger, je, donc, compose les textes qu’il écrit avec des artefacts sonores et graphiques et ses pièces musicales avec des artefacts d’écriture et graphiques. Le tout cherche, donc, une manière d’alchimie modeste située entre ces disciplines. Il a publié des livres d’artiste avec le plasticien Joël Leick chez Æncrages et Dumerchez. Quelques revues comme Paysages écrits, Traction Brabant ont retenu des textes. Il a travaillé et composé des pièces musicales documentées sur CD. Il a partagé pendant plus de vingt ans des moments de création avec des chorégraphes, des plasticiens, des auteurs, des improvisateurs et des compositeurs. Il a animé des ateliers d’écriture et de partitions graphiques avec des personnes de toutes sortes. Fil Berger, je, donc, est un improvisateur qui compose et performe en forgeant ses propres outils, ses champs lexicaux, ses instruments, sa présence au monde en les mettant sans cesse en variation continue. Son travail est la recherche de convergences multiples entre... l’idée et la pratique du « baroque » et... la pratique et l’idée de l’insurrection « œuvrière » autonome.

26 commentaires à propos de “#photofictions #02 | texture”

  1. Bonjour Fil,
    oui tes questionnements sont poétiques et emmènent loin… Ils s’appliquent aussi à l’écriture bien sûr et donnent à penser, à creuser. Merci !

    • Bonsoir Muriel
      Merci beaucoup pour ton message. Il me fait très plaisir et je suis vraiment content que mes textes marchent.

  2. Tout à fait d’accord avec les autres. — Voilà un ensemble de questions auxquels je vais penser pour les prochains texte. (Sans essayer d’y répondre.) Il n’est pas impossible, même, que j’en cite une ou deux. celle-ci par exemple, au milieu : « Comment ouvrir à d’autres horizons après coup figuratifs et à nouveau représentant. S’approcher encore pour faire éclater le sens et recréer du délire aux proportions réinventées. » (J’en étais pas loin avec la référence à Pere Ubu, mais ce n’était de moi…) — Merci.

  3. Liège, écorce, dentelle et comment mes questionnements m’éloignent de ton extrême proche ! mais tu as raison, ne sortons pas de l’extrême proche qui offre tout un monde

    • Merci beaucoup Catherine pour ton message !
      Oui, François a trouvé un concept avec « l’extrême proche »…

  4. la litanie des questions qui ouvrent à voir, enregistrer, arrêter … comprendre au plus proche dans la lumière … « Créer de nouvelles figures de lumière à partir d’un état banal de la lumière »
    merci pour ces ouvertures en amont ou aval de nos images

    • Merci beaucoup Françoise pour ton retour ! Je suis vraiment content que tu aies aimé ces textes.
      À très bientôt !

  5. … un vaste tour des possibles pour traiter cet « extrême proche », la partie finale en serait l’ultime extrême proche, merci pour ces ouvertures, Fil !

  6. en te lisant, une marche – une glisse en avant – comme dans le rêve – un saute aux yeux et aux sens – inouï. (du fluide et de l’abrupt – du flou et de l’accroche. sans fin.)

  7. Belle suite d’interrogations ! Et quand on interroge, on fait déjà ! Merci, Fil, pour ce partage !

    • Merci beaucoup Helena pour ton message !
      Oui, ce cycle pose vraiment beaucoup de questions intéressantes.

  8. J’aime beaucoup Fil le balancement entre abstrait et figuratif l’accent mis sur la texture dans votre texte ce dont s’occupe la photo comme la peinture le dessin et l’écriture et nous sommes proches dans nos recherches ou peut-etre seulement nos expirations à l’écrit…J’aime aussi la suite des infinitifs et des comment qui semblent indiquer votre attachement à une manière peut-etre aussi à son urgence…A bientot!

    • Merci beaucoup sandrine pour ce retour qui me fait très plaisir !
      Ce cycle avec la photo est passionnant et les échanges très intéressants et riches. Encore merci.

  9. Salut Fil,
    je me retrouve ici par mille détours et une logique implacable, et tout concorde, voilà l’histoire : François Bon publie un post de retour Facebook, impliquant Bergounioux et Bourdais, le mot Laporello y figure, l’image et le mot font une connexion pour moi : Bergounioux Joël Leyck – je repense à la venue de JL en Haut Jura, je repense aussi au texte offert de Bergounioux que Joël aurait dû mettre en vie aux Forges de Syam, aux déceptions (usine fermée et devenue inaccessible, et lui si malade cet automne-là), je cherche et fouille Internet, et cela me ramène sur ton texte, pourquoi celui- là plutôt qu’un autre puisque tu mentionnes Joël Leyck dans ta bio ? mais je lis le texte comme s’il se referait à lui, et les questions sur les images lui / vous vont parfaitement, puis je cherche mieux et lis ta bio, en bref : j’adore cette suite d’idée qui m’a amenée ici ! le texte est à encadrer, et s’il n’en reste qu’un du cycle, pour moi, c’est celui-ci ( ne rougis pas j’ai pas tout lu) je veux dire qu’il propose tant de matière à penser texte / image attitude de voir /attitude d’ecrire que ça en fait un petit guidé permanent. À vite comme on a dit !

    • Un très grand merci à toi Catherine ! Je suis vraiment très heureux et touché par ton beau compliment. Je me souviens d’avoir écrit ces textes en les travaillant plus que d’autres. Le rapprochement avec Joël Leick me semble tout à fait justifié en effet.
      Encore une fois merci !