#photofictions #09 | La Carola (Laveline-devant-Bruyères)

Ils n’en parlent jamais, mais c’est revenu l’autre jour dans la conversation. Marie a dit : on avance. Qui on ? On avance qui ? a demandé Patrick. Ceux de Paris, a dit Marie; eux ils avancent. Le bruit que ça a fait soudain sur la pergola. La pluie. Qui finit toujours par tomber par ici. Il faut qu’elle s’en mêle. La pluie. Te grisaille tout par ici. Un bel automne, ils avaient promis à la télé : tu vois le résultat. C’est rien qu’une averse Patrick. C’est passager c’est ça? c’est la formule magique: on sait où ça commence ces histoires…  Hier aux champignons les enfants s’en sont donné à cœur joie; les cirés jaunes sous les arbres; la rousseur des feuilles mais que c’était beau ! Et pas une goutte avant vingt-deux-heures, on a eu de la chance. C’est rien qu’une averse je te dis Patrick, le premier il pleut, c’est connu. C’est une sorte d’hommage, comme verser de la Carola sur les fleurs pour qu’elles brillent : ces gouttelettes, cette brillance c’est un peu comme un hommage à nos morts; et ce sont des larmes. Tu le sais Patrick qu’il pleut par ici, si c’était l’Amérique ça se saurait. A présent c’est plutôt l’Asie non? Il a garé sa camionnette juste devant: j’ai fait le ravitaillement. Pain de mie, mayo, salamis… il entre et il s’ébroue, les gouttes volent; il a toujours eu quelque-chose de chevalin Marcel : de quoi ça cause encore?  De tout et de rien. Ça cause c’est tout. Il parait qu’ils vont agrandir la succursale de la Mairie et que ça sera prêt pour le Carnaval. Il y a un thème cette année? Oui tête de clown et jeu de massacre! Tais-toi Patrick, pas aujourd’hui Patrick. Fais un effort, on sait que c’est dur. Mais fais un effort…

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A propos de Nathalie Holt

Rêve de peinture. Quarante ans de scénographie plus loin, écrit pour lire et ne photographie pas que son lit.

20 commentaires à propos de “#photofictions #09 | La Carola (Laveline-devant-Bruyères)”

  1. Oh, un grand merci Nathalie, et pour la petite fiction toute en évocation volée à quelques éléments de l’image, et pour l’image qui intègre un bidet que je n’aurais jamais trouvé si j’avais essayé de chercher ! — Mais je ne peux plus reprendre l’image. J’essaierai de l’évoquer.

  2. merci, Nathalie.. possible ajouter en post-scriptum au texte les mots-clés présents sous l’image choisie ? je compte les insérer dans le livre pour que chaque lecteur puisse remonter la piste…

  3. J’adore l’aspect fragmentaire, morceau de timbre-poste. L’imagination coule hors du cadre, c’est plein de fuites. J’ai pas réussi ça, faudra que je m’y remettes.

  4. Jeu de massacre est la locution qui m’est venue à la photo, Très chouette texte qui fuit en effet de partout, on n’a pas trop envie de colmater, plutôt que ça s’épande, que ça s’épanche. Et j’aime bien « ça grisaille tout »

  5. merci, François (je vais ajouter) , Jean-Luc (j’ai essayé d’aller vite), Perle, Ugo pour votre passage

    • je suis tombée sur elle ou bien c’est l’inverse à quelques km de Lépanges-sur-Vologne il y aurait matière à développement

  6. (je suis un peu azimuté cinéma je reconnais) mais j’ai pensé à César (pour Patrick) et Rosalie (pour Marie) et voilà que Marcel (David) entre dans l’épicerie… ce doit être à cause de l’image – ce genre de remémorances…

    • … du Sautet donc et quel casting! Merci Piero ( je croyais faire dans La Vologne mais sans Duras )

  7. Le malaise ressenti à la vision de cette photo et vite partie plus loin et ce que toi tu en fais ! Et l’humour en sus. Adoré ce style si particulier de dialogues phrases courtes qui s’échangent qui pleuvent et la pluie en sus. Tant de présence à partir de si peu il semblerait… Admirative.