Sous la neige

Enfouis les abris pourfendus, enfouis dans l’impossibilité d’un réel. Sous l’épaisse et gluante couche de l’oubli, existent quelques éparpillements d’enceintes plus ou moins colorées, plus ou moins prégnantes dans l’immensité du non-lieu.
Il n’y a pas eu de guerre, il n’y a pas eu de soldats fiers et braves. Pourtant les murs sont tombés. Des trouées immenses, vacantes s’affichent.

De l’une d’elles,
Arrivent confusément et baignés dans une lumière blanche, l’orangé teinté de rouge des géraniums sur le bord de la fenêtre, la planche à repasser prête à servir au milieu de la pièce, la terrasse qui surplombe la ville… il faut prendre un ascenseur ouvragé, y déposer dans une boîte à cet effet la pièce pour qu’il accepte de nous propulser six étages au-dessous, marcher dans le gigantesque hall de granit brun en donnant la main et sortir dans la rue étroite et sinueuse.

De l’une d’elles,
Une tête de taureau en rotin sort de nulle part, des persiennes d’humeur folâtre couchées à moitié sur le sol s’entremêlent, dans la salle d’eau sur le tapis de bain le vernis à ongles est débouché pour le pied déjà cambré… la gardienne offre une tartine de confiture.

De l’une d’elles,
Un salon où l’on dort et des cousins, deux garçons, pour comparer l’amour… Plus loin, un balcon où l’on voit le Sacré Coeur et pour le 14 juillet son feu d’artifice… Pour la soif, une autre fois, un gâteau d’anniversaire.

De l’une d’elles,
Un besoin de famille dans un village déserté par ses habitants et par l’eau courante mais un chat-grimpeur de cimes d’arbres, une route locative pour un temps vibrant de printemps, d’automne, d’hiver… une odeur de bois et de bébé.

La neige -nébuleuse partenaire- n’aura consenti à ne garder que ces traces-là. Où se sont enfuies les maisons des séjours de l’enfance ? Elles étaient en nombre pourtant. Bien plus que dix, bien plus. Et que regardent les photographies muettes dans leur cadre désuet ? Des maisons disséminées ne reste qu’une vapeur lente, des brins de nuages. Ils survolent le désert et jamais ne se laissent happer. Impossibilité pour l’image de se fixer. Non-lieu.

A propos de Louise George

Diverses professions et celles liées au "livre" comme constantes.

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