## Le Double Voyage 00 # prologue 2 | Tataouine les Bains & Saint Jean la Mecque via Mexico…

Le voyage déverticalisé de Frida

Je t’avertis tout de suite Blaise , je ne vais pas te suivre, je vais simplement raconter ce qui me passe par la tête !

D’où le titre.

Ces destinations sont imaginaires,

c’est le son des mots qui fait le travelling avant dans ton cerveau.

Tu écris que tu joues avec les mots. Tu joues bêtement avec les mots.

Les paysages réels ne t’intéressent guère en littérature.

Tu t’y perds , tu t’y ennuies, sauf peut-être dans le grand Meaulnes.

Mais ce n’est pas certain

Les villes sont grises, lépreuses, attristantes et polluées

Les grands édifices te font peur les couloirs souterrains te dépriment

Les maisons délabrées, désertées ou négligées te désolent

Les jardins abandonnés te donnent des pulsions de débroussaillage

Les routes sont défoncées ou trop lisses les chemins sont balafrés

Les voies ferrées te renvoient irrémédiablement à la Shoah

Tu ne cherches pas le dépaysement.

Tu n’as jamais cherché l’exotisme.

Tu n’as pas besoin d’exotisme.

Tu fuis l’idée même d’exotisme.

Gauguin n’était pas heureux. Van Gogh non plus tu me diras.

Mais il n’est pas allé très loin.

Les listes de villes ou de merveilles de la Terre ,

les énumérations, les décomptes ne te fascinent pas.

C’est ce que pensent les gens qui t’attire, quelle que soit leur provenance.

Tu as gardé la curiosité de la rencontre et le sens de l’hospitalité

Mais tu préfères être en capacité d’accueil désormais

Ce n’est pas toujours commode. Tu vieillis. Tu deviens craintive et vacillante.

Rendre visite à des inconnu.e.s qui ne t’ont rien demandé te gêne aujourd’hui,

et tu voudrais comprendre pourquoi.

Tu penses à Joe Bousquet, à Matisse, à Frida et à toutes ces personnes clouées au lit ou au fauteuil, celles et ceux qui ne peuvent plus prendre le train justement, ou ne l’ont jamais pris. Les assigné.e.s à résidence, les rêveurs et les rêveuses que les circonstances ont encouragé. Tu te sens comme eux. Puisque les noms des destinations existent , il va falloir en faire quelque chose. Peut-être rien. Tu réfléchis.

Tu es celle qui veut rester là où elle est. Immobile et contemplative.

Les livres sont tes tapis volants. Tu n’as pas peur de dire que ça te suffit.

La femme qui dort

Les arpèges de mes nuits

sont pensées

sont images

nébuleuses

sans âge

éphémères

bannies

Tant pis !

A propos de Marie-Thérèse Peyrin

L'entame des jours, est un chantier d'écriture que je mène depuis de nombreuses années. Je n'avais au départ aucune idée préconçue de la forme littéraire que je souhaitais lui donner : poésie ou prose, journal, récit ou roman... Je me suis mise à écrire au fil des mois sur plusieurs supports numériques ou papier. J'ai inclus, dans mes travaux la mise en place du blog de La Cause des Causeuses dès 2007, mais j'ai fréquenté internet et ses premiers forums de discussion en ligne dès fin 2004. J'avais l'intuition que le numérique et l 'écriture sur clavier allaient m'encourager à perfectionner ma pratique et m'ouvrir à des rencontres décisives. Je n'ai pas été déçue, et si je suis plus sélective avec les années, je garde le goût des découvertes inattendues et des promesses qu'elles recèlent encore. J'ai commencé à écrire alors que j'exerçais encore mon activité professionnelle à l'hôpital psy. dans une fonction d'encadrement infirmier, qui me pesait mais me passionnait autant que la lecture et la fréquentation d'oeuvres dont celle de Charles JULIET qui a sans doute déterminé le déclic de ma persévérance. Persévérance sans ambition aucune, mon sentiment étant qu'il ne faut pas "vouloir", le "vouloir pour pouvoir"... Ecrire pour se faire une place au soleil ou sous les projecteurs n'est pas mon propos. J'ai l'humilité d'affirmer que ne pas consacrer tout son temps à l'écriture, et seulement au moment de la retraite, est la marque d'une trajectoire d'écrivain.e ou de poète(sse) passablement tronquée. Je ne regrette rien. Ecrire est un métier, un "artisanat" disent certains, et j'aime observer autour de moi ceux et celles qui s'y consacrent, même à retardement. Ecrire c'est libérer du sentiment et des pensées embusqués, c'est permettre au corps de trouver ses mots et sa voix singulière. On ne le fait pas uniquement pour soi, on laisse venir les autres pour donner la réplique, à la manière des tremblements de "taire"... Soulever l'écorce ne me fait pas peur dans ce contexte. Ecrire ,c'est chercher comment le faire encore mieux... L'entame des jours, c'est le sentiment profond que ce qui est entamé ne peut pas être recommencé, il faut aller au bout du festin avec gourmandise et modération. Savourer le jour présent est un vieil adage, et il n'est pas sans fondement.

10 commentaires à propos de “## Le Double Voyage 00 # prologue 2 | Tataouine les Bains & Saint Jean la Mecque via Mexico…”

  1. Au moins c’est clair, c’est beau comme un voyage, impertinent et libre, un peu triste aussi, un rappel pour rester lucide.

    • Merci pour votre commentaire. Oui, pour moi, le voyage représente des mouvements qui contiennent tout de nos émotions, l’ennui autant que la révélation, la tristesse et la joie, l’inquiétude autant que la curiosité. Partir c’est mourir un peu nous dit-on. Alors revenir, c’est un peu ressuciter à chaque fois. Ne jamais partir prive de bien des sensations, reste à savoir celles que nous aimons éviter ou renouveler.

    • Merci pour cette appréciation qui souligne l’antagonisme apparent entre l’impertinence et la tristesse , la liberté que j’espère lucide navigue entre les deux. C’est l’écriture qui permet de donner le cap.

  2. Ce sont bien les mots qui donnent mouvement à la caméra. Et le film est empreint d’étrangeté et de poésie. Beau moment.

    • Ou Jean-Luc, c’est très juste. Il me semble bien que je pars des mots quand j’écris ( de mon amour des mots sous la langue qui passent par dessus… ) et que les images viennent après, elles sont innombrables et encombrantes à l’échelle d’une vie de presque 66 ans ! Le fait de prendre le temps d’étiqueter , à la manière des mercières, me ralentit et me donne le goût des écrins soyeux , la dentelle autour ( pas trop pour que ça ne fasse pas trop « fille »… Je rigole en vous disant cela.Merci pour votre avis.

  3. Que vous lire m’a fait du bien ! Et votre texte si beau. Puis si longue votre biographie et si précieuse aussi. Grand intérêt, merci, Marie-Thérèse.

    • J’aime bien que le fait d’écrire fasse plaisir aux personnes qui lisent, surtout si ça entraîne une possibilité de dialogue. Il y a eu une petite précision que j’ai donnée pendant le zoom à François Bon lundi, je ne fais pas de différence entre l’écriture et la lecture, ni de clivage entre auteur.e et e-lecteurs ou lectrices. Le passage de frontière est pour moi permanent. Je lis ce que je vis, et je vis dans l’idée d’écrire mieux ce qui me parait lisible pour d’autres.Contrairement à ce qui se prétend parfois dans les tribunes littéraires. Si je ne pense pas aux destinataires au moment où j’écris; je m’inquiète de la lisibilité et de la compréhension possible de ce que je propose. Comme je ne me considère pas du tout comme quelqu’un qui se prétend écrivain, je me sens encore libre des mes mouvements. Ma vie d’avant ( active) est maintenant une ressource inépuisable de pensées et de souvenirs que je considère un peu comme des graines à germer sur un bout de coton mouillé. Les mettre à la lumière et au chaud , ici par exemple, mais ce peut-être ailleurs ( j’écris beaucoup aux gens que j’aime ou apprécire) ,me paraît intéressant. Le lien ne vient pas du rien et rien ne vaut le lien pour humaniser la littérature. C’est ma conviction profonde, sans aucun prosélytisme méthodologique.C’est le potentiel de chacun.e qui peut être accueilli et encouragé, sans hiérarchie intempestive; sans ostracisme projectif , sans crainte excessive . Pourtant les mots tuent ou font tuer…Sur les réseaux sociaux c’est ce qu’on voit. Je pense ce soir à Lucas , cet adolescent collégien de 13 ans ! Victime de harcèlement homophobe qui a mis fin à ses jours. Je trouve cela monstrueux et il faut des mots pour combattre ce genre de dérive abominable.

  4. « C’est ce que pensent les gens qui t’attire », car on « est que du lien ». Merci pour ce texte libre et touffu!

  5. Rétroliens : ## Double Voyage | Index | Carnet individuel provisoire – le Tiers Livre | écrire, publier, explorer