## Double voyage # prologue 1 | Les voyages forment la jeunesse | du vécu reconstruit

PREMIER VOYAGE



Tu te souviens…

Genève autour de la fontaine.

Vous aviez sorti vos brosses à dents et

partagé en riant la belle pâte

dentifrice striée rouge et blanche.

315 kilomètres grosso modo en car depuis Aubenas en Ardèche.


Vous aviez dormi dans un monastère près de Fribourg, mais au réveil soudain trop de confiture, trop de beurre, trop de pain et manque de temps pour tout engloutir sans s’étrangler.

FONTAINE DE GENEVE
ABBAYE DE FRIBOURG


Vous avez repris un bahut roulant dans un chahut monstre. Impression d’Eldorado de vie facile et charmante. Sont-ils tous riches et généreux avec les étrangers dans ce pays ? Pour un franc suisse, il en fallait deux français ! Sentiment d’arnaque.


Des journaux disponibles dans les coins de rue, une boite sans cadenas juste à côté pour les payer… Motif d’étonnement …Licornes d’abondance, totale confiance, impensable en France…


Des maisons et des jardins bien proprets, bien peignés symétriques à souhait, élégance opulence et rigueur, un certain ennui aussi, trop parfait. Vous auriez aimé tous les emporter en photos ou dans vos sacs à dos, mais la pellicule est chère…

Vous préférez faire les imbéciles vous mettre en file indienne devant une cabine téléphonique et faire semblant de vous impatienter avec force grimace, affoler la supposée placidité Suisse , imiter (mal) son accent de protestation, pouffer et vite détaler comme une volée de moineaux devant un pas nerveux.


En petite meute, vous aimiez dérégler avec vos adolescences l’humeur de vos accompagnateurs, les défier pour les faire craquer a minima. Hypocritement les gruger, les embobiner et les semer à la sauvette.


Belle jeunesse insolente, reprenant l’air sérieux au moindre rappel à l’ordre et pouffant dès qu’ils avaient eu le dos tourné, détectant leurs angoisses. Vous vous laissiez recompter sans arrêt… On n’est pas des moutons M’sieur ! On ne veut pas vous perdre de vue !


Goguenardise… C’est l’âge bête, diriez-vous aujourd’hui. vous êtes pourtant en Terminale. Ce voyage d’il y a presque cinquante ans est une récompense collective, il a coûté des palabres et des sous dans nos familles. Certain.e.s élèves n’avaient pas pu payer.


21 déluré.e.s de Lycée lâché.e.s dans un très très chic paysage. Un bled prospère de chez prospères. Le premier périple d’envergure que vous effectuez en dehors de l’hexagone , pour la plupart, dans le cadre du célèbre Tiers-Temps pédagogique à visée culturelle, sauf pour une venue d’Argentine, de Montevidéo, totalement bilingue et qui nous fascine par son aisance avec les profs qui la redoutent. Elle est pourtant gentille et nonchalante mais elle est plus mature que nous. Elle nous raconte l’Amérique du Sud. Sa scolarité privilégiée dans le Lycée que dirige son père. Elle en profite pour draguer le jeune séminariste sud-américain qui a intégré notre classe avec timidité. Elle nous fait rêver, elle nous fait oser le taquiner un peu.

Avec les profs, vous prenez l’air blasé mais l’aventure vous excite considérablement. La mixité non surveillée est épatante, car vous sentez la quille, la gaudriole à portée d’oreilles ou de regards, vous vous tenez quand même à peu près décemment.


L’avenir vous ouvre soudain les bras. Le goût et l’exploit du passage de frontières vous mettent les mots à la bouche, vous vous éprenez de nouveaux sons de voix et d’un vocabulaire qui vous intrigue. Comment apprendre l’Allemand en trois jours et deux nuits ? Pas le temps d’avaler ça non plus…


Et c’est la douche froide du retour, la geignarde et sentimentale séparation au bout du séjour. La superbe illusion groupale qui s’effondre… Nous nous sommes tant marré…


Mais quelqu’un d’un peu rabat-joie a résumé la situation : Certes tu veux voyager ? Mais passe ton bac d’abord !


Souvenir de potaches. Début de liberté. Rien à voir avec l’exil forcé.Les voyages qu’on a fait nous ont …déplacés… Qu’en reste-t-il ?

A propos de Marie-Thérèse Peyrin

L'entame des jours, est un chantier d'écriture que je mène depuis de nombreuses années. Je n'avais au départ aucune idée préconçue de la forme littéraire que je souhaitais lui donner : poésie ou prose, journal, récit ou roman... Je me suis mise à écrire au fil des mois sur plusieurs supports numériques ou papier. J'ai inclus, dans mes travaux la mise en place du blog de La Cause des Causeuses dès 2007, mais j'ai fréquenté internet et ses premiers forums de discussion en ligne dès fin 2004. J'avais l'intuition que le numérique et l 'écriture sur clavier allaient m'encourager à perfectionner ma pratique et m'ouvrir à des rencontres décisives. Je n'ai pas été déçue, et si je suis plus sélective avec les années, je garde le goût des découvertes inattendues et des promesses qu'elles recèlent encore. J'ai commencé à écrire alors que j'exerçais encore mon activité professionnelle à l'hôpital psy. dans une fonction d'encadrement infirmier, qui me pesait mais me passionnait autant que la lecture et la fréquentation d'oeuvres dont celle de Charles JULIET qui a sans doute déterminé le déclic de ma persévérance. Persévérance sans ambition aucune, mon sentiment étant qu'il ne faut pas "vouloir", le "vouloir pour pouvoir"... Ecrire pour se faire une place au soleil ou sous les projecteurs n'est pas mon propos. J'ai l'humilité d'affirmer que ne pas consacrer tout son temps à l'écriture, et seulement au moment de la retraite, est la marque d'une trajectoire d'écrivain.e ou de poète(sse) passablement tronquée. Je ne regrette rien. Ecrire est un métier, un "artisanat" disent certains, et j'aime observer autour de moi ceux et celles qui s'y consacrent, même à retardement. Ecrire c'est libérer du sentiment et des pensées embusqués, c'est permettre au corps de trouver ses mots et sa voix singulière. On ne le fait pas uniquement pour soi, on laisse venir les autres pour donner la réplique, à la manière des tremblements de "taire"... Soulever l'écorce ne me fait pas peur dans ce contexte. Ecrire ,c'est chercher comment le faire encore mieux... L'entame des jours, c'est le sentiment profond que ce qui est entamé ne peut pas être recommencé, il faut aller au bout du festin avec gourmandise et modération. Savourer le jour présent est un vieil adage, et il n'est pas sans fondement.

2 commentaires à propos de “## Double voyage # prologue 1 | Les voyages forment la jeunesse | du vécu reconstruit”

  1. En échos! Petit compagnonnage de route…Un léger parallèle avec mes mouvements, l’Ardèche berceau familial, plus Annonay qu’Aubenas, vie à Lyon puis emménagement vers Genève… Un petit air de rêver à la Suisse d’Henri Calet…

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