#techniques #04 | Le tutu rose

Ce que c’est que d’atterrir – Elle parle avec un homme. Elle a le cheveu frisé. Elle dit souvent je t’aime, c’est plein et ça coule. Le poids des années, parfois c’est poudreux, parfois c’est liquide. Je lui tends mon carnet. Elle prend mon stylo et dessine. Elle a fait des portraits tout le week-end à Montreuil, elle n’a pas le temps de travailler, de vraiment travailler la peinture. Elle n’a pas le temps de travailler parce qu’elle travaille trop. Elle a un léger strabisme. Elle dit « regarde-moi ». Elle dit je m’aime. Elle dit, qu’est-ce que je pourrais bien faire de moi, si je n’étais pas là. Elle griffonne dans le carnet, elle lève les yeux et griffonne à nouveau. Elle recommande un café. Je ne me souviens plus de son visage.

Ce que c’est que le vertige – Ils sont en groupe autour de lui. Ils le connaissent. Ils se regardent et leur oeil est brillant. Il est petit. Il semble que c’est jour de fête. Lui aussi sourit. Ils fêtent quelque chose. Il a des baskets. Il a l’air content. Ils sont autour. Il y a des hommes et des femmes avec des âges différents. Il parle avec aisance avec un peu de trouble, mais il y a aussi, de l’aisance dans le trouble, le trouble et l’aisance de celui qui s’en va et qui regarde un peu les choses de loin désormais. Ils l’ont vêtu d’un tutu rose et ils rient. Et il rit aussi.

Ce que c’est que d’aimer – Il a un chapeau de paille – ce n’est pas un borsalino – des lunettes noires, un pantalon de coton sombre, une longue veste de trois quarts. Il est debout, il regarde la rue de Belleville plonger vers Jourdain. Il fume à côté de la jeune femme blonde. Il a peut-être cinquante ans. Il est vêtu comme au saut du lit. Dans l’échancrure en V de son T shirt, de courts poils frisottent. Le pantalon est serré à la taille par une petite cordelette au-dessus laquelle s’affaisse un ventre bombé. Il fait l’effet d’être chez lui. Il ne revendique pas. Il n’obtient pas. Il a.

A propos de Marion T.

Après tout : et pourquoi pas ?