#progression #02 | La route, une route, je suis une route,

chantier mobile

sur la route, je suis la route, le tracé, je suis le tracé de la route. La route a tous les tracés, la route, la route seule, la route seule a tous les tracés, la route seule est sans bruit, ne fait pas de bruit, ne fais pas de bruit. Sans bruit, avance, sans bruit, dans tous les sens, je suis la route, seule, la route sans bruit avance seule, le déroulé, le ruban, le ruban de la route se déroule sans bruit, devant moi tout déroulé, tout déroulé tout tracé, tout tracé, tout tracé sur le, à la surface, à la surface la route trace, la surface de la route, le revêtement sans bruit, le revêtement silencieux, le silencieux de la route, je suis le silencieux de la route, je suis. Sans tous les automatismes, la route sans les automatismes, l’automobile ne fait pas de bruit, avance sans un bruit, l’ombre, une ombre, la route blanche. La route blanche. La route blanche dans la nuit, déroulé noir de la route dans le jour, le contre-jour de la route, la contre-nuit, la contre-route, contre la route, contre la nuit la route roule. La route ne roule pas, non, tu m’as bien vue. Regarde-moi dans le blanc de la route. Je suis la route sans un mouvement, sans rouler la route avance sans bouger, sous les étoiles, les étoiles immobiles, les étoiles sans bouger, sans les étoiles, on a la route, sans les constellations on a encore la route, sans visibilité, sans la transparence, le ciel, sous le ciel, sans la voie lactée demeure, il reste le tracé blanc, la longue coulée de la route, devant moi, coulée longue, debout, aux deux bouts, la route aux deux bouts, seule, la route par tous les bouts, par quel bout prendre la route ? La route se prend par le milieu. Le milieu de la route. Je suis le milieu de la route, je ne quitte pas, je ne quitte pas le milieu de la route, la route avance, la route aux deux bouts, derrière moi, debout, devant, la route me mène à bout, par tous les bouts, elle me prend par le tout. Par le tout ? Par les bouts, par le bout, la route mène à tout, à tous les bouts, les bouts de la route, (…)

Le dit. Le dit, le dit, que les choses soient dites, le fait qu’elles soient dites, le fait d’être dites. Les choses, qu’est-ce que cela change qu’elles soient dites ? De dire les choses, de voir les choses et les dire, de mettre un mot, un nom sur les choses, voir, dire, dire pour voir, pour avoir vu, qu’est-ce que cela change, aux choses ? Qu’elles soient dites, est-ce qu’elles prennent la parole, d’être dites, est-ce qu’elles sont changées d’être dites ? Quel sort leur est jeté, sont-elles envoûtées, les choses sont-elles enchantées, du fait du dit ? Les choses dites parlent, les choses dites prennent vie, prennent leur autonomie, elles se disent, prennent la parole, la prennent à qui les dit, les a dites — a eu le malheur de les dire ? Elles s’animent d’être dites, les choses dites prennent un pouvoir, elles gagnent à être dites, une influence, elles gagnent en attraction, une force, elles intriguent, d’être dites, un sort est-il jeté du fait qu’elles soient dites, les choses jetées, sont-elles faussées ? Les choses jetées dans les mots, les mots jetés là, à la figure, à la bouche, les choses dites montent à la bouche, au cerveau, dire les choses jetées, tombées, les choses au sol, les soulever, les prendre en mots, les faire lever, léviter, les suspendre en l’air, en les disant en mots, les choses par terre, écrasées, cassées, crashées crachées, méconnaissables, leur mettre un mot, souffler, les désigner, les monter en grâce, en mots, en neige, les choses dites parlent. Le dit prend vie, se charge, gonfle de vie. La route, d’être dite, prend vie, attention, la route est dangereuse d’avoir pris vie, elle a pris la vie, de lui avoir donner vie dans des mots, sans savoir ce qu’on fait, ce qu’on a fait, de lui avoir donner des phrases, l’avoir alimentée, fait gonfler, lever en phrases, en intentions, de lui attribuer des intentions, prêter une vie, de lui avoir déroulé des phrases dont elle est le sujet, la route, sujet de la phrase, la route se met à conjuguer. La route, les choses, le dit, le sort, le jeté, voilà c’est dit, il fallait que ce le soit, le sort jeté, le fait que ce soit dit, c’est dit, c’est fait, tout le jeté partout, les choses jetées le long des routes, est-ce leur malédiction d’avoir la parole ? Est-ce une malédiction, d’avoir leur parole, une fatalité de la leur donner, de leur imposer la parole, que tout parle, est-ce vivable ? Est-ce une vie ?

(…) par le bout, la route mène à tout, à tous les bouts, les bouts de route, sans impasse ? La route ne fait pas l’impasse ? Faux. La route a toutes les impasses. La route passe partout. Passe-partout. La route est-elle, la route est un mur ? La route qui traverse, défie les murs, le mur de  la route, qu’est-ce que, qu’est-ce ? Qu’est-ce que le mur, si la route est un mur, si la route est un bout ? Non, le milieu. La route est le milieu. Prendre le milieu de la route, garder, garder le milieu de la route, je garde, je suis. Je suis, je garde. Je double, je me rabats. Je monte, je valide. Le transport collectif, le transport, transport collectif  de la route, l’espace, l’espace public, la route ? La route n’est pas l’espace public. N’est pas un espace ? Est une voie de circulation, la route ne peut pas se prendre, la rue, la rue peut-elle se prendre ? La route non. Des manifestations sur la route, manifester, prendre la route, prendre la route n’est pas, n’est pas, prendre la route est fuir, prendre la route n’est pas bloquer, n’est pas bloquer la route, manifester, manifester le milieu de la route ? Revendiquer ? Revendiquer un lieu de vie, un usage, revendiquer un droit, la route comme lieu de vie, la manifester, l’expliciter ? Expliciter le milieu de la route, rendre explicite, l’arrière-plan venant au premier plan, revenant. Comme un revenant ? Comme un lieu de vie ? Un habitat. Un habitat ? Un rond-point. Un rond-point ? Rond-point. L’île aux enfants. Non, les télétubbies, l’herbe, verte, le mamelon du rond-point. La route. Le rond-point est le milieu de la route. Le rond-point est l’habitat de la route ? L’île de la route, une île au milieu de la route, mamelon sur la route. La mamelle, le lait, la voie lactée, la route comme voie lactée, succédané, la route comme manger, manger les kilomètres, paître le mamelon vert, le vert du rond-point, bovin au bord de la route, le téton d’herbe, dévorer la route, fendre l’air, le mur d’air, l’entendre bruire. Bruire, la route bruit, la route seule ne bruit pas, seule, la route bruit avec moi, je fais bruire la route. Mais. C’est moi qui fais du bruit. C’est moi, la route, la route sans moi. La route sans moi ? La route me fuit. La route est partie sans moi. La route est partie sans moi, fuit, la route fuit de partout, partir. La route m’a distancé, la route, qu’est-ce que la route ? Qu’est-ce que j’appelle, la route ? Est ce que la route devient quelqu’un parce que je dis répète, parce que je répète la route, je répète la route, suis la route, est-ce que je fais de quelqu’un, est-ce que j’en fais, est-ce que je, est-ce que je fais quelqu’un de la route? Un fluide, un fluide entre moi et la route une, attirance, l’attraction, attraction terrestre, terrestre me colle à la route, ne quitte pas la route. Ne pas savoir quitter la route. Je ne sais plus quitter la route. Je ne sais pas quitter. Qui es-tu ? Est-ce qu’il y a une vie en dehors de la route ? Est-ce qu’il y a une forme de vie ? À côté ? Tout près ? Plus près, j’avance, sans un mouvement, un chevreuil, la route est arrêtée, est arrêt, est immobilité. L’immobilité, immobile, la route n’est pas, la route n’a pas un geste. L’ombre d’un bruit. Le chevreuil ne m’entend pas, la route avance sans bruit, le chevreuil sur la route, traverse la route, s’attarde sur la route, s’aventure, s’expose, je suis la route, me tourne le dos, me montre, j’avance sans bruit, sans un mouvement, me laisse couler, me laisse glisser, inertie, fonce sur lui, aller vers lui, je suis l’air, courant d’air, le mur du son, le mur de la vitesse, si la vitesse est un mur, grimper au mur, un chevreuil. Un chevreuil traverse la route, ne m’entend pas, ne me sent pas, ne me voit pas, je ne suis pas là, il est pour moi, j’avance, file, là pour personne, ne suis nulle part sur la route, quelque part, nulle part, on est nulle part, la partition. Aurais-je, est-ce que je joue ma partie dans la, dans la partition, aurai-je ma part, aurai-je quelque part, y a-t-il quelque part sur la route, quelque part où, où quoi ? Pas où rouler, on ne roule pas quelque part, on roule, on roule sur la route, on n’est, on n’a nulle part sur la route, quelque part quoi, où aller ? Quelque part où s’arrêter quelque part. Quelque part advient quand on s’arrête sur la route, quand on fait de la route quelque part, part de qui ? Partition, partir, un parti, je joue, joue ma partie ? Joue contre moi. Ma joue contre la route. Je joue avec moi. Joue avec moi dans, je,

4 commentaires à propos de “#progression #02 | La route, une route, je suis une route,”

  1. Très prenante cette route et ses méandres… Plaisir de se laisser embarquer sur la route par la voix de la route…