transversale #03 | fragments épars 1

C’est l’histoire véridique d’un homme qui ramasse des choses dans les villes la nuit. Tout. Même un crâne. Un homme qui a la bouche cousue comme les poches de son pantalon.


L’homme trouve un crâne humain dans une rue un matin en rentrant de son travail de nuit il est croupier à La Boule (de La Boule au crâne il n’y a qu’un pas franchi par l’homme qui est aussi artiste peintre le jour).

Dans un établissement de jeu qui veille au déroulement normal des parties, reçoit les enjeux et paye les gagnants ... qui lançait la boule . UN CROUPIER. 

C’est une rue très en pente                        

selon une très ancienne légende, saint Denis, premier évêque de Paris, et ses compagnons subirent le martyre de la décapitation.//fr.wikipedia.org/wiki/Rue_des_Martyrs

Les poches cousues- l’ homme avait les poches cousues (il n’a jamais cherché à les crever)

l’homme remonte la rue — en remontant on voit mieux les choses qui trainent sur le sol—, pencher le corps, courber la nuque — en redescendant c’est plutôt le ciel qu’on voit, le nuage. Ou la pierre qui tombe.
Il voit soudain ce crâne humain sur le trottoir et il l’emporte. Le crâne ne lui dit rien, je veux dire qu’il n’évoque rien à l’homme. Il ne pense pas à l’homme ni à la femme derrière le crâne (il fait quand même quelques esquisses , un semblant de visage, puis laisse le crâne sur une étagère).

C’est l’os d’une tête: pas celle de Woyzeck ni de Lenz ni celle d'un barbeau, ni d'un jaguar ni de Yorik. C'est l'os d'une tête ordinaire, d'une tête sans histoire. C'est l'os d'une tête comme passer dans une rue; acheter du pain; avoir peur d'un pigeon qui s'envole.

Il voit l’Os

C'est un crâne  ramassé au coin d'une rue qui devient figurant sur une  scène de théâtre et finit en trois morceaux dans une benne avec les rebuts d'un décor. 

il y a quelque chose de pourri dans cette histoire.

CROUPIR- Rester immobile et subir une décomposition faute d'écoulement.Rester dans un lieu fermé, caché, sans utilité aucune.Subir une décomposition en séjournant dans une eau stagnante, dans des ordures, dans une atmosphère humide.


— Je l’ai mordu au sang il a lâché prise j’ai dévalé l’escalier et couru comme un rasoir ouvert
— Vous travaillez dans un théâtre?
— Non je suis coiffeuse
— J’ai connu un bruiteur. Il ramassait des choses la nuit dans les rues. Il les rapportait dans un caddie. Avec ces rebuts ils fabriquait des sons.
— des song?
— Des bruits
—Vous travaillez dans le cinéma?
— Non. Dans un casino

c’est le début d’un roman traversé de Song ou de scansions en adresse. 
— Qui parle à qui ? C'est un peu lyrique votre affaire  moi je préfère l'histoire de la grand mère qui n'est la grand mère de personne et qui raconte un conte avec la lune.
Des noms passent : Ismaël , Blanche, Marie Marianne et Paul. Anna. Un jour arrive Rachel  elle parle à Nicolaï  ou Anton (qui se souvient de Søren qui marchait au long des voix avec l'appareil photographique?). Elle ne parle pas de son enfant. Ni de celle qui se jeta par-dessus bord. Sa tête avait heurté la proue. 
— je crois que vous vous trompez d'histoire.

Ne restent que des lambeaux.
Des photographies. Quelques toiles derrière une porte (une vanité ?). Dans une pièce où personne n’entre.
Dans cette histoire les images ne disparaissent que si on  (ne) les regarde (pas).
Ou bien elles tournent dans la tête comme la boule sur le plateau de la roulette. Après elles croupissent. Bien entendu on les oublie.

Des histoires comme des têtes réduites qui repoussent la cloison des phrases et qui ont un petit caillou dans la chaussure.

Elle entend le bruit de quelqu'un. Si c'est une scène avec un gibet qu'on cloue? 
Ce qui existe, c’est quelqu’un qui meurt dans une chambre où l’on se partage ses affaires  

C’est une tache à travers les arbres. Ce sont des choses que l’on voit à distance quand on marche avec un petit caillou dans sa chaussure. Et l’agonie d’un chien sur une route un simple chien avec des tâches noires. juste un chien. Scrupulum ça te dit quelque chose.
Elles devenaient cobayes. On jetait les nourrissons contre le mur pour tester la résistance des os.
C’est une mémoire sans souvenirs.

Il faudrait percer un petit trou à son occiput pour voir. On retrouverait peut-être le nom de la rue.

Comment ça se casse ?

CAILLOU: Morceau de pierre de petite ou moyenne dimension, dure, de couleurs variées...TÊTE en particulier crâne chauve (As-tu remarqué seulement que ses cheveux tombent, à Cholet, et qu'on lui voit le CAILLOU)
Chez le ver luisant c'est le mâle qui brille. Elle n'aimait pas ce qui brille 
Être un caillou j'y ai pensé puis me jeter à l'eau 

Le crâne de la rue n’avait subi aucun dommage.

Si tu remplaces (elle qui crie) par (lui qui crie) ça change quoi?

C’est le masque de papier d’un enfant qui serpente à travers champ.

A propos de Nathalie Holt

Rêve de peinture. Quarante ans de scénographie plus loin, écrit pour lire et ne photographie pas que son lit.

10 commentaires à propos de “transversale #03 | fragments épars 1”

  1. Impressionné par vos fragments « épars » et pillés dans vos univers récurrents sur lesquels vous nous laisser voir comme à travers des fissures, brutales, étroites, aléatoires.Je ne sais pas l’exprimer, mais votre écriture Nathalie Holt a quelque chose à voir avec la force de ces plantes saxifrages qui brisent la rocaille ou les pierres des murs et délivrent ces éclats de pierres pointues — des scrupules— des cailloux dans la marche du temps. Merci Nathalie Holt, grand merci.

  2. Chez toi aussi la question des noms, la question du récit… et puis ce petit caillou dans la chaussure qui me parle
    et puis par-dessus la question de l’os qui casse ou non (ma colonne vertébrale connaît bien…) !!

  3. Superbe Nathalie, ces fragments poétiques et imagés.

    Un conte existe sur un homme qui cogne dans un crâne humain dans la rue et qui pour rire l’invite à diner chez lui. Celui-ci lui répond et accepte l’invitation. C’est un conte assez fort. S’il t’intéresse, je te l’enverrai.

    Bonne journée.

  4. C’est extrêmement impressionnant, cette composition en pente, avec comme Sisyphe, la tête en avant, toujours cherchant, trouvant l’inavouable, un delirium tremens, un chaos, et que c’est rudement bien organisé, à faire sourire tout le long, ça apostrophe tout ça, ça fait un grand panier pour la pensée, des pensées qui traînent, et toutes les références chapeau, ça envoie des pensées et des têtes filantes plein la caboche ! Bravo vraiment Nathalie…

  5. apprivoiser crâne, pourriture et masque – et la mort n’est pas loin, avec humour et densité beau pari fort réussi

    • Merci beaucoup Huguette pour la lecture. ( avoir une tête à portée de la main. On ne sait jamais … après ça se complique)