transversales #02 | écumes

© Lisa Diez, Canet-Plage, 2018
Écume : amas de mousse blanchâtre plus ou moins impur, qui se forme à la surface d’un liquide agité.

Comme souvent le flic traine un tas de blessures qui génèrent chez lui addictions, éclats de colère, de chagrin, débordements, destructions, sabotages, nuits blanches. Bien sûr, c’est lui qu’on choisit pour la mission délicate. Tenu par le fil de l’enquête, il n’est qu’intuitions, sensibilités, et ses casseroles le rattrapent aux moments charnières — il est si doué qu’il doit être freiné pour maintenir la tension dramatique. Peu importe l’histoire, on a peur pour lui, on a peur qu’il claque.

2022. On propose un job à la jeune femme: prête-plume (nègre ne se dit plus). On vante son style léger, enlevé, l’intelligence devinée. On lui parle d’une star appelée auteur qui a eu une révélation de type quantique, sujet du livre (produit ne se dit pas). Son identité ne lui sera révélée qu’après signature d’un accord de confidentialité. En attendant, on lui décrit le staff en présence, fourmilière de communicants et rédacteurs pendus à ses lèvres, à sa vie tumultueuse qui complique l’affaire: il faut la relancer mille fois, l’attendre longtemps, excuser ses lapins, écouter ses déprimes, ses colères. L’un d’eux l’enregistrera quand elle daignera parler de son « bébé », sans omettre de consigner les éléments de langage non verbal, un autre proposera plusieurs plans et un calibrage, un autre encore fixera la date de sortie et l’agenda, une star amie rédigera l’introduction. Ce matériel touffu sera envoyé à celle qui écrit, tout en bas de la chaine, et qu’on n’appellera pas auteur.

Des chiens discutent et commentent, sur un bateau, la vie d’hommes qui ne semblent pas concernés. 

Elles font n’importe quoi pour vivre leurs fantasmes, puis elles réalisent un documentaire presque à charge contre les algorithmes et le grand capital sans jamais questionner leur propre folie. 

Au départ, la célébrité ou la mort. À la fin, les deux.

Cet homme au bout d’un bras de fleuve, au fond d’un amas de forêts noires, se laisse retourner comme un gant par le cours sinistre du monde, se vomit lui-même et vomit l’Histoire.

Elle a rencontré un ours et les limites de sa propre culture. Elle a rencontré un ours et cherche ses contours que l’ours a dévoré. Elle a rencontré un ours et s’est perdue dedans lui. Elle a rencontré un ours qui a mangé ses mots et sa mâchoire.

A propos de Lisa DIEZ

Chercheuse polyvalente, sorte d'artiste tout-terrain. Valises posées depuis 5 ans dans les arts de la scène. Passages par la peinture, la réalisation documentaire, la photo, la médiation artistique… et l’écriture, soutien fidèle de ces nombreuses traversées. Deux sites : www.soinartistique.fr (Collectif ALS) et www.atelierdiez.com (vrac et chantiers).

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