Fibres

Sur les dalles d’un bitume bosselé, de gris et de grès, le rectangle chamarré, posé dans l’alignement du mobilier cent fois repositionné, apporte la touche finale à cet espace de tranquillité, tranquillité arrachée au tourbillon des pensées se heurtant aux parois d’un esprit bouillonnant qui peine chaque nuit à se taire dans le silence des étoiles, dans le noir du sommeil qui se dérobe encore et encore, ce tapis de turquoise, de pétrole où poser ses pieds nus est une caresse antidote aux turpitudes de journées trop pleines, accélérées dans le flux et dans les flots, dans le ressac et sur les ondes de ces vies débordantes, assourdissantes, et sous la plante de ses pieds, la douceur tiède accumulée au soleil lorsque les rayons relâchent enfin cette chaleur de coton; les fibres aux couleurs des oiseaux de Junon consolent alors des mots de trop, des mots qui ont manqué, des paroles retenues dans la pudeur, de la tendresse tapie dans la paume de ses mains, des regards dérobés, d’un visage incliné, de la silhouette de sa nuque penchée.

2 commentaires à propos de “Fibres”

  1. Merci Annick
    j’aime les lire à voix haute, c’est sûr, déjà dans l’écriture je les entends