Vengeance

Hier, j’avais rendez-vous avec mon amie Luce hospitalisée à la cafétéria de la clinique Saint Paul. Je l’attendais tranquillement en tentant de boire un café acre et brulant. Cet espace clos était plutôt rassurant (peu de monde, couleurs pastel du sol au plafond y compris pour les présentoirs à friandises et journaux). Je ronronnais dans une douce chaleur et mon œil paresseux n’accrochait pas grand chose. J’en étais un peu contrariée, sans plus.
L’inconnue est apparue venant de ma droite, a traversé au pas de charge les quelques mètres qui la séparait du buffet, a commandé un Perrier, s’est ravisée non une eau plate celle que vous voulez mais avec un verre en verre pas un gobelet elle a payé en recomptant sa monnaie rendue puis a balayé vite fait la salle du regard et a choisi de s’assoir à une table devant moi. C’était une grande gigue, mince dans un pantalon beige et pull marron. A ses pieds des chaussures plates noires, à son cou et pendant sur sa poitrine une petite pochette contenant probablement ses clefs et son argent. Elle devait avoir la soixantaine et ses cheveux blancs étaient raides et coupés courts. Je ne sais pas pourquoi elle ne m’a pas paru sympathique. Peut-être à cause de son nez qu’elle avait long et fin (alors que le mien est épais et retroussé), de sa manière de se déplacer la tête légèrement penchée en avant et de côté, bras pliés contre son flanc, de sa bouche maquillée rouge comme rouges étaient ses boucles d’oreilles bien visibles. Très soignée mais comme avec application à jouer à Etre. Nicolette (pourquoi pas ce prénom ? Est-ce que je connais une Nicolette ?), le dos droit sur sa chaise, a repositionné son verre au moins quatre à cinq fois sur la table puis a regardé autour d’elle en jaugeant, moue et regard d’aigle, son environnement proche.
Puis Luce est arrivée et mon attention pour Nicolette s’est envolée. Mon amie me confiait ses déconvenues amoureuses, j’en faisais de même et parler nous consolait au moins sur le moment. Je voyais que Nicolette tendait l’oreille et nous écoutait mais l’anonymat d’elle à nous semblait nous protéger de toute réelle intrusion. Au moins jusqu’à ce que mon amie remonte dans sa chambre. A peine était-elle hors de vue que Nicolette sans plus de façon a approché sa chaise de ma table et regardez s’il vous plaît ce qu’il a osé me faire en me collant son téléphone sous le nez. La liste de ses contacts avait été modifiée et à la place des noms ou prénoms existants, on pouvait lire des noms de personnages comme par exemple à la lettre S Spiderman, Spirou, Simpson, Superman,etc…
Rêveuse, j’ai parcouru ses contacts et me suis attardée sur certains. Celui d’Euréka a été un déclic. J’avais trouvé ma vengeance. Il me restait juste à m’emparer du téléphone portable de mon chéri le temps de quelques manipulations.

A propos de Louise George

Diverses professions et celles liées au "livre" comme constantes.