Vers un écrire-film #04 | Baille, bée

Baille, bée un visage de bonze soudain alentissant sa volte, bée la chair qui découpe le gouffre de la bouche, baille bée en gosier obscur les yeux s’exorbitant noirs, noir le gouffre béant de la bouche, là béante, là cri muet ravalé en noire béance, noirs la bouche le gosier les yeux, volte alentie puis cessée dans le corps instantané, bée la chair sans lallation, c’est lui, il danse l’arrêt, glissé vers le figement, c’est sa danse, le corps se tend autour de la bouche, le visage danse la catastrophe silencieuse qui s’installe en deçà, les yeux s’exorbitant à l’unisson de la bouche, et soudain tout le corps bée, corps troué, c’est sa danse, tout le corps enveloppe la béance, la chair et ses plis et ses rides et la sueur qui perle font un sac à la béance, les yeux étaient d’abord clos puis ils ont béé, qu’est-ce donc qui peut ainsi étirer la peau et laisser voir ce qui en soi noir s’agite, qu’est-ce donc ce qui peut alentir la volte et la doucement figer en muette suppliciation, qu’est-ce que ce corps blanc gravide, et baille et bée l’enfant vieillard, qu’est-ce donc qui peut autant le méduser pour qu’il bée ainsi, et le danse, il sait ce qu’il a laissé monter en lui, ce qu’il a laissé l’assaillir, le traverser : l’intense, le silencieux insupportable ; la béance peu à peu se clôt, la bouche rétrécit, la tension déshabite les traits, c’est un reflux du vide, c’est un reflux sur le vide, l’explosion sans bruit se dissipe en ondes plus calmes, infime tremblé de la soie sismographe, O. cèle le vide, scelle la bouche, visage ocellé d’yeux noirs qui tâtent l’espace alentour, pionniers que le corps suit bientôt, il danse le vide, danse le noir, baille et bée la tunique de soie blanche sur le corps de O.

A propos de Bruno Lecat

Amoureux des signes dans tous leurs états.

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