# nouvelles| Marie-Thérèse Peyrin| Volontiers

# 00 Sensations d’écriture | Sensations de lecture

Martha nous parle

 – J’ai recompté hier matin. Des espaces d’amoncellement de livres Il y en a vingt-et-un chez nous et seulement trois espaces d’écriture interchangeables selon le calme rendu possible par la solitude voulue.

L’écriture sur le clavier de l’ordinateur tolère la présence de quelqu’un de familier, à condition que ce ne soit pas derrière mon dos.

Lire sur l’écran du P.C n’est jamais une sensation agréable, la lumière, les reflets et les contrastes agressent mes rétines, dès lors, je suis obligée d’augmenter la taille des caractères pour rendre le travail moins fastidieux et fatigant. Au bout d’une heure, une pause plus ou moins longue est nécessaire.

J’en profite pour partir éplucher des légumes ou préparer un repas dans la pièce dédiée, à côté.

L’écriture sur la table de la salle à manger est l’écriture qui réclame des livres autour et des documents, elle s’étale comme une tache d’huile. C’est celle que je préfère mais il faut débarrasser et nettoyer la table à huit couverts de ses copeaux de papier à chaque fois, quand un autre usage impérieux se profile. J’ai la sensation d’être sur un radeau au milieu de l’océan dans une embarcation en bois rudimentaire ( l’arche de Noé biblique ?) qui sent la cire ou le goudron et le sel marin. Par-dessus, la nappe en tissu tapissier violet sombre et grenat, recouverte d’une toile en plastic transparente est comme une voile à plat. Les livres sont comme des poissons volants et fuyants qu’il faut surveiller du coin de l’œil pour qu’ils ne retombent pas comme des saumons dans une chute d’eau.

L’écriture sur un coin de table à la cuisine, le dos tourné proche de la grande baie vitrée est une écriture nomade sur des papiers volants, griffonnés, parfois des emballages de pain Wasa découpés en rectangle. Les notes éparses relient les moments de lecture aux moments d’écriture. La sensation de précarité et de désinvolture est de mise.

La sensation de décousu et de perte possible des éléments d’écriture est une donnée de départ et elle n’est plus du tout angoissante. Le temps trépidant s’est arrêté. Rien n’est urgent. Rien n’est attendu de l’extérieur. Sensation de liberté et de confort dans l’écriture et la lecture. Contrairement à Lydie Salvayre ou d’autres, je n’écris jamais au lit. Par contre, je lis au lit tous les soirs, calée sur le côté droit et sous la lampe, avant de m’endormir, cela remplace les somnifères. Lorsque le livre tombe, je le ramasse, je lui mets son marque page et j’éteins.

Martha ne sait pas en déclarant tout cela qu’elle va remonter le temps et reconstituer tout un itinéraire de lectrice. Elle le fait volontiers. Elle dira que c’est le moment.

# 01 Approche | Ranger ses livres | Usage des pans de mur | Bibliothèques

Evidemment on ne range pas les livres sur des fils d’étendage

Martin Bartlesky et sa sœur Martha se reparlent de leurs souvenirs. Ils se sont retrouvés un jour dautomne dans la maison de leurs enfances, nostalgiques et plantés comme deux idiots sentinelles imprévues devant la bibliothèque laissée désœuvrée depuis la mort des parents. Que faire de tous ces livres ? Faut-il les garder ? Faut-il les jeter ? Faut-il les donner ? Tu en veux ? Moi je n’ai pas la place… Mais ça on ne peut pas le jeter… Tu es bien d’accord ? C’est toute sa vie et ses goûts sur ces étagères : les classiques dans des éditions bon marché, les cartes routières, les numéros de Géo, les encyclopédies, les livres d’histoire, les livres d’œnologie, les livres drôles des humoristes vus à la télé. . Aucun livre de valeur, il a consacré tout son salaire à élever leurs six enfants. Et pourtant il n’a pas renoncé à se cultiver, à entrer dans le monde entier avec sa tête pensive et parfois taciturne. Il tenait beaucoup à cette profusion de livres que la retraite lui avait permis d’amplifier et de fréquenter. Il lisait tout le temps, même avec la cataracte. A la fin il faisait même semblant pour qu’on ne le dérange pas. Mais il a fini par préférer la contemplation des oiseaux et des arbres. Même le journal et ses papotages en faits divers récurrents ne l’intéressait plus. Les livres ne remplacent pas la vie.

Dans une ancienne chambre d’enfant, Bob avait rangé à peu près tous les livres autrefois dispersés dans la maison. Il les avait installés à côté du petit bureau où il peignait parfois comme sa mère… en autodidacte. Il avait abandonné la peinture à cause de l’allergie à la térébenthine… selon lui, la gouache n’était pas de la vraie peinture ….

Sur deux pans de mur contigus, il avait ordonné les romans, les livres documentaires et les revues . Il avait mis en évidence de vieux volumes achetés dans des brocantes, car il aimait toucher les couvertures en cuir râpé. Il avait même établi une liste par ordre alphabétique avec son écriture en script assez guindée et nerveuse, véritable calligraphie un peu obsessionnelle mais très lisible. Il a fait cet inventaire sur une feuille de classeur à petits carreaux qu’il a glissé un jour entre deux grands livres dans un coin pour ne plus y toucher. Cette liste précieuse est donc restée inachevée… Des livres moins surveillés ont dû disparaître au fl des années et des visites. Mais curieusement, cet aménagement n’ a plus été contesté jusqu’à sa disparition. Il avait installé à côté d’une succession d’étagères style ikéa plusieurs bibliothèques accolées, sans portes, un mètre environ de largeur chacune, quarante centimètres de profondeur, beaucoup plus solides et ouvragées que celles blanches, imitation pin. un peu trop dépareillées. Les nouvelles en bois plein, couleur chêne clair. Il les avait toutes arrimées entre elles et au mur avec des pattes de fixation métalliques qu’il avait voulu invisibles. En cas de tremblement de terre peut-être , qu’il y aurait eu moins de fatras.

Martin et Martha s’étonnent de la rareté de leurs livres de jeunesse sur les étagères. Mais leur revient l’idée que leur mère avait la manie du grenier. Elle avait l’art consommé d’emballer et de faire disparaître tout ce qui ne servait pas au présent et à la saison concernée. Elle faisait le vide dans les chambres à chaque rentrée scolaire, jetait les choses cassées ou abimées, les bouquins trop cornés ou maculés de chocolat. Martha se souvient des tranches de la bibliothèque rose pour les filles plus petites, et celles de la bibliothèque verte pour les garçons plus grands. Martin en avait sur l’étagère de son lit cosy quand il était préado; on l’avait séparé des deux autres frangins, il ne les supportait pas toujours. Il a besoin de calme disait la mère, il a sale caractère disait le père Il aurait préféré rester fils unique. En tout cas, et légitimement il tenait à l’intégrité de ses livres , à son stock précieux, et à sa tranquillité. Quoi qu’il en soit, la grande majorité parmi les livres dans les collections roses et vertes ont disparu depuis longtemps. Leurs histoires se sont évaporées de leur mémoire, sauf quelques-uns; Elle a connu ceux de la Comtesse de Ségur jusqu’à la nausée, lui a fréquenté Jules Verne et autres pourvoyeurs d’aventures et d’épopées, plaies et bosses, morts tragiques à volonté… Les filles restent à la maison, les garçons partent dans la pampa, c’est connu d’avance. Les rares fois où ils sortent dehors ensemble quelque part, en club des 5 c’est pour faire des bêtises ou se mettre en danger. Les héros de moins d’un mètre cinquante sont toujours les plus attirants en l’absence des parents. L’intrépidité en meute dans un village donne des récits qui eux ,ne s’oublient pas. Pas la peine de vous faire un dessin. Au moins dans les livres; c’est plus ou moins dans la fiction. Peut-être au fond que ça ne compte pas comme dans les journaux de grands qui pullulent de drames et de malversations. Les livres le disent tous : le monde est plein de polissons et de criminels, les poètes écoutés y sont rares. Martin ne lit plus, il a préféré le sport et la musique, le foot et la clarinette, maintenant il joue de la guitare picking. Martha est une bibliothèque ambulante. Elle a toujours des livres dans son sac à dos, qu’elle achète le plus petit et solide possible pour ne pas y fourguer tous les silos de ce que les librairies lui fourguent contre argent comptant. Elle lit à outrance , lui préfère le grand air ou la cave à guitares et l’accompagnement des potes en chanson. Ils ont pourtant fait de la musique ensemble à l’adolescence. Les mélodies à textes iconoclastes et amoureux les attiraient. De Brassens à Barbara, en passant par Brel et Léo Ferré, Hugues Aufray et Greame Allwright, Très peu d’anglais direct, mais les Beatles, Neil Young et Pink Floyd. Les bourgeois c’est comme les cochons…Ami remplis mon verre… Mais où sont les neiges d’antan et Margot la bergère qui donnait la gougoutte à son chat, Gare au Gorille etc. L’auvergnat en boucle et la complainte des filles de joie… L’aigle noir et Göttingen… En fait, toutes les chansons d’outre atlantique traduites par les musiciens en vogue. La horde hippie et ses gilets en poil de chèvre, cigarette roulée au bec, parfum étrange des fumées psychédéliques. L’Amérique et ses rêves d’évasion à portée de mange-disque et de 45 tours rayés. L’argent de poche rarissime est investi sans délai dans la musique au détriment des livres. Les BD luxueuses qui font un carton comme Tintin sont hors de portée des porte-monnaies, on les emprunte difficilement à la bibliothèque de collège anormalement bien rangée et contrôlée. C’est là que naît naturellement l’envie de voler les livres ou de ne pas les rendre. Qui se fige devant les rayons des bibliothèques officielles se procure une sensation de vertige et de frustration absolue. Il faut choisir et rendre à la date inscrite sur le tampon. Le cauchemar des mères de famille et des enfants négligents et désordonnés. A n’en pas douter, les livres sont des trésors convoités à cette belle époque.

# 02 Trouver ses livres | Usage des pans de mur | Librairies

Evidemment on ne se procure pas les livres n’importe où

Le livre est sacré dans cette famille parce qu’il coûte cher et que les enfants ne sont jamais assez soigneux. Ils seraient capables de les déchirer pour se les approprier. La présence des livres déclenche des esclandres et des mises en garde tonitruantes. Les premiers livres sont prêtés à l’école primaire, ils sont rendus à la fin de l’année scolaire. On les couvre avec du papier kraft ou à défaut des restes de papier cadeau. Les premiers livres achetés le sont à trente kilomètres du village à chaque rentrée, on les revend à la suivante sauf si un membre de la fratrie en a besoin dans l’année qui vient. On colle une nouvelle étiquette sur la couverture avec les nom, prénom et classe de l’écolier concerné. Le livre est cher, on nous le serine à longueur de temps, il faut en prendre soin, ou mieux encore le lire en silence, mais au collège, la liste reste toujours trop longue à acheter.Il existe pourtant une certaine fierté et même une curiosité à découvrir ce que les pages d’un livre neuf apportent à la maisonnée, le père en premier. C’est le savoir endimanché pour tous les jours de la semaine hormis le jeudi devenu le mercredi de coupure et le week-end, où la fréquentation est moindre. C’est une enfance où l’on joue constamment dehors pour débarrasser le plancher et on revient lorsque le clocher sonne l’heure des repas. A la puberté, Martha voit ses escapades plus réglementées. Il n’y a pas de livre à la maison pour expliquer ce changement.

Pour elle, plus tard, entrer dans une librairie à A. la petite ville, c’est pénétrer dans l’endroit parfait, le temple attitré du savoir et de la fantaisie. Tout y accroche l’œil et donne immédiatement le tournis. C’est au lycée que l’éveil à lecture plus libre est apparu, mais en pension, les deux premières années du collège ont permis l’accès à une bibliothèque de bonnes sœurs qui les prêtaient volontiers, Martha les prenait deux par deux et en changeait souvent, elle les dévorait pendant l’étude du soir, en les cachant derrière les livres scolaires, les préférant à ses devoirs… les histoires de famille la passionnaient, même les plus sombres et les plus éloignées de son milieu social.

#03 Perdre ses livres | Usage des pans de mur | Maisons

  1. Dans chaque maison se perdent les livres que l’on ne range pas par catégories et par ordre alphabétique. C’est pour cela que l’ordre des bibliothèques avec des méthodes obsessionnelles est tant vanté et inégalable. Dans une bibliothèque municipale il n’existe pas de livre de chevet, ni de livre laissé au hasard dans un coin, sauf lorsque on le considère comme prêt à être exclu des étagères et laissé sur une table pour qui veut le réclamer pour l’emporter. C’est un livre remis à vau l’eau.

2. Perdre un livre est moins grave que perdre un être cher. Perdre le livre d’un être cher est moins grave que perdre le souvenir de sa voix ou de son visage. Perdre la voix d’un être cher est moins grave maintenant qu’on l’enregistre sous toutes sortes de supports audio-visuels. On peut la faire revenir quand on veut, mais on n’a plus accès à ce qu’elle aurait pu dire de nouveau. Perdre la nouveauté du Dire d’un être cher signe irrémédiablement la séparation physique, mais non mentale. Perdre l’usage des mots correspond exactement au moment où l’on perd un être cher.

3.Perdre patience est quelque chose qui arrive à tout un.e chacun.e au contact des autres. Perdre patience est considéré comme une faiblesse de caractère et souvent comme une impolitesse. On admire ceux et celles qui font preuve d’une patience dite infinie. Ils agacent aussi car la patience peut s’ériger comme bouclier des émotions négatives. Perdre patience peut devenir une preuve de sincérité.

4. Perdre pied est une expression que l’on utilise pour dire qu’on ne sent plus le fond de l’eau et que nager devient vital. Perdre pied permet parfois de jouer les Ophélies dans la rivière sans savoir si ça finira bien. Perdre pied se vit à pied d’oeuvre. Advienne que pourra.

5. Perdre la face n’est pas agréable à vivre. Heureusement , ça n’arrive pas tous les quatre matins. C’est l’expérience banale de la vantardise contratriée par la réalité d’un échec.Perdre la face est une expérience Janusienne. Le dire ne garantit pas de savoir faire volte-face ou esquive à temps.

6.Perdre la tête n’arrive que rarement, mais c’est radical. Seuls les canards parviennent à marcher encore un peu cou-coupé. C’est un souvenir de garnements que la mémoire n’a pas effacé. Les filles regardent complètement terrifiées. les garçons se moquent, hautains, vantards leur petite hache dans la main.

7; A tout perdre, on aimerait que ce soit tout d’un coup et sans préavis.Par surprise donc, et pas le temps de cogiter. C’est l’expérience de l’anesthésie générale qui s’en rapproche le mieux. La perte de conscience involontaire est plus traumatisante au réveil que celle qui a été peu ou prou acceptée pour motif médical. Maintenant on endort moins dans les blocs opératoires et la perte de contrôle est moins massive. Mais perdre la sensation d’un membre ou d’une partie du corps endormi est une sensation étrange que la douleur du réveil rend sournoise.

8. Pertes de sang. Les filles et les femmes jeunes doivent s’y soumettre. Certaines l’évitent en devenant anorexiques. Les vieilles femmes en font un signe de malignité matricielle. La perte de sang menstruelle est une expérience dont on parle peu dans la littérature. Certains peintres homme ou femme peignent avec leur sang. On se demande toujours ce que ça peut vouloir signifier. Les pertes de sang dans les guerres sont des ignominies. Pourquoi avez-vous labouré le mal ? Dit-on dans la Bible.

9. Qui perd gagne. Je n’ai jamais compris cette expression. Un bien pour un mal ?

10. Perdre des objets de valeur n’a que la valeur qu’on lui accorde. Sentimentale la plupart du temps. Mais la blessure morale peut déclencher des ouragans de colère. La dépossession brutale est l’un des motifs de mélancolie ou de répression les plus impitoyables. Perdre son sang-froid dans ces moments là peu conduire au crime.

11. A perte de vue , ces gravats dans la Bande de Gaza, d’Ukraine ou d’ailleurs. Comme si le gris poussière des décombres incendiées voulait rivaliser avec le gris des cendres froides d’un feu furieux. La tache rouge ou orange des lambeaux d’habits. Perte de repères, perte de proches, perte d’espoir et perte de confiance en l’humanité. Un.e de perdu.e dix de retrouvé.e.s ? Le décompte est faux, il est mensonger, il se terre dans la honte de pacifistes et la culpabilité des factions qui n’ont pas su empêcher le drame, la perte à perpétuité ? La guerre des drones; la guerre urbaine dématérialisée par les images édulcorées. A perte de vue, on cherche la couleur qui bouge et survit. Sur l’écran on y voit rien. Que des miettes de sinistré.e.s. Perte de sens…

12. Perdre la vie. La belle affaire. Mais ça fait peur, non ? On ne veut pas perdre espoir que ça dure encore un peu… Pouvoir perdre son temps sans y penser ?

A propos de Marie-Thérèse Peyrin

L'entame des jours, est un chantier d'écriture que je mène depuis de nombreuses années. Je n'avais au départ aucune idée préconçue de la forme littéraire que je souhaitais lui donner : poésie ou prose, journal, récit ou roman... Je me suis mise à écrire au fil des mois sur plusieurs supports numériques ou papier. J'ai inclus, dans mes travaux la mise en place du blog de La Cause des Causeuses dès 2007, mais j'ai fréquenté internet et ses premiers forums de discussion en ligne dès fin 2004. J'avais l'intuition que le numérique et l 'écriture sur clavier allaient m'encourager à perfectionner ma pratique et m'ouvrir à des rencontres décisives. Je n'ai pas été déçue, et si je suis plus sélective avec les années, je garde le goût des découvertes inattendues et des promesses qu'elles recèlent encore. J'ai commencé à écrire alors que j'exerçais encore mon activité professionnelle à l'hôpital psy. dans une fonction d'encadrement infirmier, qui me pesait mais me passionnait autant que la lecture et la fréquentation d'oeuvres dont celle de Charles JULIET qui a sans doute déterminé le déclic de ma persévérance. Persévérance sans ambition aucune, mon sentiment étant qu'il ne faut pas "vouloir", le "vouloir pour pouvoir"... Ecrire pour se faire une place au soleil ou sous les projecteurs n'est pas mon propos. J'ai l'humilité d'affirmer que ne pas consacrer tout son temps à l'écriture, et seulement au moment de la retraite, est la marque d'une trajectoire d'écrivain.e ou de poète(sse) passablement tronquée. Je ne regrette rien. Ecrire est un métier, un "artisanat" disent certains, et j'aime observer autour de moi ceux et celles qui s'y consacrent, même à retardement. Ecrire c'est libérer du sentiment et des pensées embusqués, c'est permettre au corps de trouver ses mots et sa voix singulière. On ne le fait pas uniquement pour soi, on laisse venir les autres pour donner la réplique, à la manière des tremblements de "taire"... Soulever l'écorce ne me fait pas peur dans ce contexte. Ecrire ,c'est chercher comment le faire encore mieux... L'entame des jours, c'est le sentiment profond que ce qui est entamé ne peut pas être recommencé, il faut aller au bout du festin avec gourmandise et modération. Savourer le jour présent est un vieil adage, et il n'est pas sans fondement.

14 commentaires à propos de “# nouvelles| Marie-Thérèse Peyrin| Volontiers”

  1. Bravo d’essuyer les plâtres ! Belle entrée en matière. Touchante, cette description de la bibliothèque dans la maison parentale.  » Que faire de tous ces livres ? Faut -il les garder ? Faut-il les jeter ? Faut-il les donner ? Tu en veux ? Moi je n’ai pas la place… » Ces questions, qui ne se les a pas posées dans pareilles circonstances… Il faut les garder mais moi je n’ai pas la place… Merci.

    • Merci pour vos encouragements. Je pars un peu là dedans comme Fanfan la Tulipe, avec la conviction que je tourne autour de la matière et non la manière d’écrire pour l’instant. Le sujet des livres est central dans ma vie passée comme dans ma vie actuelle. La place physique et psychique que prennent les livres est phénoménale, voire monumentale, et je prends conscience avec cette proposition d’écriture qu’il y a beaucoup à explorer, à « exfiltrer  » en quelque sorte. Une sorte de bibliothèque intérieure dans mon crâne qui ne me fait plus douter de la plasticité cérébrale ( mais cette formulation n’est employée que pour faire sourire). Et vous, quand emboîtez-vous mes pas ? Déclenchons une avalanche de bouquins sur la tête de Tiers Livre ! Ce sera bienfait pour lui ! Haro sur la Nouvelle !

      • Tout à fait d’accord avec vous quant à la place physique et psychique des livres qui est phénoménale. C’est pareil pour moi. J’emboîte vos pas dans les jours qui suivent ! En avant pour l’avalanche !

  2. Catherine et Ugo, merci pour l’accueil de ces premiers textes, écrits directement « sur le motif » que représente le site Tiers Livre et son Arrière -Pays de lectures inépuisables comme le sont les paysages de nos vies respectives. Je corrige et modifie les phrases et les tournures au fur et à mesure. C’est le côté « avalanche » d’une écriture sans préparation ni brouillon, mais qui est dans mon crâne depuis longtemps. Je guette plus le large que la tempête de neige ( les mots blancs ?). Les « tremblements de taire » sont toujours de nature tellurique, imprévisibles donc. Et ça apprend à écrire. Ecriture à yeux ouverts et plaisir des mots partageables.

  3. Pendant ma lecture, j’étais à côté de ces deux frères et, comme eux, je passais de la bibliothèque à mes souvenirs de lectures, de musiques, d’expériences. J’aime beaucoup comme le motif de la bibliothèque déborde vers la vie, les vies qui ont divergé et se retrouvent là devant les livres et se dispersent à nouveau en souvenirs parfois partagés, parfois non.

    • Frère et soeur … dans un instant de vie précis…qui s’ajoute aux autres sans qu’il en soit retenu autre chose qu’une image de gêne même pas malheureuse et un sentiment fort de « jamais plus » banal et récurrent. Oui, la bibliothèque ici déborde le sens commun et déplace les sentiments. Merci pour votre passage.

  4. « la bibliothèque laissée désœuvrée depuis la mort des parents. » c’est arrivé un jour d’être à deux devant ses livres, il lisait peu mais les livres d’art qui accompagnaient ses recherches professionnelles s’étaient accumulés : architecture, sculptures, peintures… livres de voyage sans ordre précis et la plupart remplis de repères de papiers avec ou sans annotations. ( « vie en livre) »
    « A la fin il faisait même semblant pour ne pas qu’on le dérange. » Cette image me touche beaucoup; je pense à elle qui faisait semblant de lire, et toujours le même livre, parce qu’elle avait « presque » touché l’oubli irréversible et qu’une part d’elle (minuscule) s’accrochait encore. Le troisième paragraphe pourrait initier une maquette de décor et donner de la matière aux accessoiristes, c’est une vision concrète que j’aurais aimé aborder … « La manie du grenier » peut se retrouver à la cave ou au garage pour la pérennité des livres gare à l’hydrométrie Merci Marie-Thérèse

    • Les situations de confrontation à une bibliothèque ou aux façons de lire qui ne sont pas les nôtres nous renvoient à « l’inquiétante étrangeté  » de notre propre conception du rangement et du dérangement. Chaque lecteur, chaque lectrice peut être observé.e à des étapes différentes de la vie. « Le livre lié à l’hydrométrie aléatoire » naviguant de la cave au grenier est sans doute le plus maltraité chère Nathalie Holt.

      .Bernard Noël disait qu’écrire est un don de temps. A qui donne son temps le lecteur ou la lectrice absorbé.e jusqu’à la lie , jusqu’à l’amnésie chère Nathalie.? J’apprécie le regard théâtral sur mes propositions qui sont des personnages en quête vraisemblance et de chair ordinaires.

  5. Cette avalanche spontanée m’a prise au passage.
    Le détail et sa finesse, la perception immédiate des personnages, et plus personnellement sans doute mais à mon grand plaisir, les références, les grandes idées
    Et enfin, cette sensibilité. “Les livres ne remplacent pas la vie”. La quête de l’essentiel. Un questionnement que je partage dans mon texte, l’impuissance du livre face au temps qui passe? Vous apportez une réponse plus en avant et plus profonde, plus sereine : la contemplation des oiseaux et des arbres avant l’écriture qui est ce par quoi je résous cette tension.

  6. Nous avons pour beaucoup d’entre nous vidé l’appartement des parents et nous sommes confronté à leurs livres, ceux dont nous nous souvenions et les autres avec ce problème qu’en faire ? et si on en garde une part comment répartir… et puis ceux dont on ne se souvenait pas et ce qu’ils nous révèlent de ce qu’ils étaient hors de notre portée

    • Pour cette fratrie vraisemblable, la question est surtout, comment ne pas démanteler la bibliothèque paternelle avant d’en avoir compris la richesse affective beaucoup plus que matérielle. L’avantage à décider de ne rien vider d’emblée est de s’approprier l’esprit de l’amoncellement clairement transmis ( la liste…). Merci Brigitte de votre passage. Que signifie pour vous la révélation de « livres hors de portée »? Voici une piste d’écriture bien attirante.

  7. Belle entrée en matière que cette citation, que Martha, puis Martin et Martha devant la bibliothèque du père , parce que j’ai commencé par la 4, puis ta biographie, très belle aussi. La photo des tous ces livres de la bibliothèque verte avec tout ce que tu en écris. On attend déjà parce que le décor y est et les personnages aussi. La perte du sang dont on parle peu en littérature… Cela me fait penser, me donne une idée pour écrire ma #4 ou pas. Merci, Marie-Thérèse et pour Reggiani aussi. Et j’oubliais : les coins où écrire, superbe ! Et aussi « Bernard Noël disait qu’écrire est un don de temps. A qui donne son temps le lecteur ou la lectrice absorbé.e jusqu’à la lie , jusqu’à l’amnésie ? »

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