#enfances #03 | descendre vers le ruisseau

sans bruit l’enfant sort de la maison | sans bruit il tourne sur la gauche | l’herbe est verte le terrain pentu | sans bruit l’enfant passe sous la barrière

pétrifié l’enfant s’immobilise | une abeille près de sa tête | l’insecte s’approche de son oreille | l’enfant tremble puis le silence | il attend quelques secondes le silence est certain la peur oubliée | au loin un chien aboie | sur la route devant la maison passe un engin agricole énorme des roues plus haute que l’enfant

l’enfant compte ses pas | l’enfant arrive à une autre barrière celle-ci est ouverte | les vaches ne sont pas là il reste leurs bouses | plaques de merde abritant un univers mystérieux | l’enfant les observe de plus près il appuie son pied nu la boue chaude passe entre ses doigts de pied | de petits trous saupoudrent les plaques de merde de petites mouches entrent et sortent | armé d’une branche l’enfant pique les plaques de bouse qui ont déjà formé une croûte sèche | l’enfant détruit des mondes peuplés de monstres

quelques pas plus loin l’enfant saute | l’enfant court | il descend vers le ruisseau |
un petit pont de bois sommaire passage vers un terrain inaccessible barré par des fils de fer | de l’autre côté des moutons ignorent l’enfant ils arrachent l’herbe d’un mouvement brusque de la tête | une passerelle davantage qu’un pont une grosse branche pour rambarde et deux planches pour tablier | les jambes de l’enfant se balancent dans le vide au-dessus de l’eau fraîche | le soleil est encore haut dans le ciel | autour de l’enfant des libellules d’émeraude et de saphir volètent comme des vaisseaux venus d’ailleurs | sur les flancs du ruisseau des trous de terriers de ragondins autant de grottes hostiles

un autre chien aboie la voix plus rauque | bientôt la fin de la sieste on l’appellera on le cherchera | on le trouvera les poings fermés | des émeraudes et des saphirs serrés dans le creux de la main

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