Lieux (jusque-là endormis)

A la maison…

L’appareil dentaire se prenait si souvent dedans… Des nuits et des nuits empêtrée dans le couvre-lit en crochet.

Des années durant, le squelette en plastique phosphorescent était resté suspendu à la poutre unissant les murs en parpaings nus; les nuits d’été d’antan nous faisaient toujours la grimace.

Le lit préféré: angles ronds et pourtour de velours,l’écrin rétro de nos secrets partagés.

Chez M.-N.

Il fallait se hisser, prendre appui sur le bois du lit avec le pied gauche; monter à la nuit..

Pénombre estivale aux heures de sieste; berceuse qui s’ignorait, la conversation des adultes traversaient les reliefs en carrés de la porte vitrée.

Une discussion animée à deux heures du matin. On n’osait pas bouger, cela aurait fait grincer les ressorts du canapé. Tout était grippé.

Chez O. et A.

Face au lit, sur la commode, dignité des obus transformés en vases. Deux couples de jeunes mariés nous observent.

Au fond, tout au fond du lit, il y a la chaleur de la brique enveloppée dans du papier aluminium et du linge. Le souvenir -rêvé?- d’une promesse: On ne dira rien aux parents. (A la maison, on utilisait plutôt la bouillotte en caoutchouc bleu, avec la clef qu’il fallait bien serrer, gage de sécurité.)

Araignée du soir, bonsoir; lumière éteinte; sourire aux lèvres. Un lit lieu de toutes les superstitions. (Celles du matin finissaient sous ma chaussure.)

Parfois dans les conduits, parfois dans le plafond, parfois sur le parquet, un bruit de course gratte l’oreille et agace l’esprit.

Chez moi(s) ou pas

Le lit en mezzanine, château branlant dans un 15 mètres carrés audonien. Une époque heureuse.

Rue Lumeau, sous la moquette bleue, des cafards avaient laissé leurs empreintes.

Au milieu des cartons de déménagement, le lit une place partagé in extremis. De cette nuit, j’ai rapporté un saladier, et un étendoir à vaisselle.

Les plafonds sont très hauts, l’appartement est très grand, le lit est « taillé pour une reine ». Le sable parfois s’invite par les interstices des fenêtres. Etre nulle part.

A propos de O. Elsa

Intéressée par l'écriture, par laquelle le monde redevient si grand, et par les outils de formation, afin de partager cette sensation grisante, notamment avec mes élèves car je suis professeur de français en collège/lycée. J'ai suivi divers ateliers, mais courts, et toujours de façon ponctuelle. J'espère gagner un peu en "discipline" au court de ces trois mois.

4 commentaires à propos de “Lieux (jusque-là endormis)”

  1. Votre écriture est une belle invitation à un monde plus grand que chaque mot construit, échafaude,bricole.
    Invité chez Mr.-N, j’escalade aussi le lit et me blottit silencieusement dans l’attente
    Au plaisir de vous lire

    • Merci Bernadette; oui, j’ai vraiment l’impression d’être en atelier bricolage; sauf que j’avais perdu les outils! Les propositions aident à les dénicher dans les bons tiroirs, sans se décourager.