#40 Jours #16 | dans les bleus

il faudra que je recherche – c’est quelque part ça ne fait aucun doute – une demande ou une réponse un dossier motivation on dit, quelque chose de ce vocabulaire – qu’est-ce que tu cherches qu’est-ce que tu veux – une résidence d’écriture un texte poétique oui, je me souviens au moins du titre – sans y croire une seconde mais surtout parce que ça se déroulait dans une maison française l’institut français culturel ça n’existe plus depuis que le minuscule voleur à talonnettes avec son sourire abject et son karcher leur a coupé les vivres – c’était du côté de la Marsa j’avais trouvé l’idée pertinente (c’est quoi cet adjectif ? bonne aurait suffit) j’avais pris mon plus beau clavier et je m’étais assis face à mon écran pour écrire quelque chose sur E. parce que E. lui, y était resté – le seul de tous si je crois ce qu’on m’en a dit – jusqu’en 74 ou 75 – lors d’un de mes voyages en 73 je l’avais rencontré il était dans son appartement blanc le passage du salon à la salle à manger était en voûte au mur il y avait de ces objets sculptés en cuivre qu’on trouve dans les souks – aussi parce qu’il y avait dans le cahier 44-45 la mention d’une visite de E. à Mulhouse vers la mi-quarante-cinq – je ne sais plus – j’y suis passé une fois avec mon ami A. on allait (il m’invitait) à un restaurant de poissons à Bizerte – il y a cette composante du poisson dans ce pays cette ville par là – les jeunes années, le M du TGM je me serais retrouvé dans une ville inconnue pour la plupart peuplée de personnes pour lesquelles le pays d’où je viens n’est qu’une fiction – ou alors ils et elles le considèrent comme colon et coupable d’exactions et de tortures – moins que chez le voisin c’est vrai – E. était section française de l’internationale ouvrière on disait comme ça – j’aime assez en parler et m’en souvenir et son cabinet noire dans les étages de la rue de je ne sais quoi – il y a quelque part aussi ici l’événement de l’arrestation de son frère (mon grand-père) dans ce cabinet-même fin 43 – mais écrire là-bas dans cette maison blanche aux volets bleus clairs, il y avait une image de la maison, en descendant l’avenue après le pont et la station-service ils (ou elles ?) ont construit un mur, quelques marches mènent à la suite de la voie, qui est devenue une impasse – la route donne sur une entrée du palais – les rochers ont disparu – il n’y a plus de plage – les troncs des arbres sont peints chaulés jusqu’à mi-hauteur – écrire écrire là-bas où n’importe qui viendra me demander alors vous écrivez ? mais il parlera arabe tu sais bien – je me souviens encore de cette autre ville derrière le cap, on marchait tous les deux on faisait des courses c’était en 12 on a croisé deux salafistes qui se sont caché le regard parce que tu étais épaules nues : pour se protéger de cette vision satanique (petit sans doute mais quand même) ils avaient mis devant leurs yeux leur tapis de prière, écrire sur cette époque-là des allers retours avec leurs vingt ans, leur départ définitif, avec le « laisse Jako, laisse » ce moment-là de leurs vies et de la mienne ces moments-là ces gens-là: tout le monde parlait (aussi) arabe imagine-toi – j’imagine le verre de café la chaleur plombée la poussière des rues la friture de poissons et cette odeur-là j’ai pris des résolutions ces temps-ci – je consulte l’institut nationale des langues et civilisations orientales car parler la langue est la moindre des politesses – je n’en connais que les gros mots on riait alors de ces accents qui raclaient la gorge – on riait bronzés et presque nus descendant l’avenue – il faudra que je recherche

A propos de Piero Cohen-Hadria

(c'est plus facile avec les liens) la bio ça peut-être là : https://www.tierslivre.net/revue/spip.php?article625#nb10 et le site plutôt là : https://www.pendantleweekend.net/ les (*) réfèrent à des entrées (ou étiquettes) du blog pendant le week-end

3 commentaires à propos de “#40 Jours #16 | dans les bleus”

  1. beaucoup aimé là où tu m’as embarquée, avec ce tiret qui remplace avantageusement le point et débarrasse de la majuscule
    parfois c’est bien de revenir au point, mais pour lire comme ça, sur écran, passer d’un texte à l’autre, ça retient l’attention, ça glisse
    merci Piero
    (non, je ne t’ai pas oublié… ahah mais pas assez de temps pour lire tout le monde)

    • je suis content que ce texte t’ait plu – on n’a pas le temps de tout lire, non plus que de tout commenter -mais c’est comme ça on se sait là- merci à toi (et pour tes « souvent surprise »s –

  2. Rétroliens : # 40 Jours # 32 | dessinées – Tiers Livre | les 40 jours