#40jours #prologue | décors

Je laisse le marquage au sol poursuivre sa route sur deux voies pour bifurquer vers le panneau du patelin inconnu, bitume visiblement crotté de terre des hais sur les côtés je ne sais plus où je suis entre deux champs mais cette route qui épouse le mouvement ample des vallons qui déroulent une campagne grasse toujours verte des maisons basses avec leur grange des petits corps de fermes jalonnent mon itinéraire et encore plus loin des champs enchevêtrés de bois montueux, un instant photographier mentalement ce paysage pour s’imaginer vivre-là pour une retraite une vita nova, je regarde devant juste à temps la minuscule pancarte qui m’oblige sur la droite je traverse un bois un chemin blanc herbe au milieu je tourne, muret haut de pierres, en face une bâtisse me barre la vue et le passage, le porche est ouvert, mais le chemin fourche à droite encore, et devant, un peu plus loin un logis imposant et délicat, en deux parties, celle qui s’allonge basse à gauche, et à droite deux étages, le tout d’un corps défendant flanqué de deux tours imposantes et rondes de chaque côté, plus loin, à gauche, verticale, une tour isolée au bord des eaux interpelle : domaine de Maria Casarès.

Route qui plonge vers le village qui apparaît, parking, reste de château à flanc de coteau calcaire, poursuite à pied, tout de suite sur la place principale, plusieurs terrasses chaises tables parasols de troquets, continuer naturellement à gauche, tout autour des agences immobilières, pseudo-galerie, vitrines aux verroteries tapageuses, potiers à l’engobe ennuyeuse, au-dessus des ruines de muraille de tour, dessous le calcaire creusé, des grilles, payer l’entrée, une église monolithe, des projecteurs habilement orientés exagèrent les dimensions de la cavité, des sarcophages dans une salle à côté, et comme un trésor, dans l’arrondi qui ressemble à une nef recouverte de mousse verte, un reliquaire encore plus vertigineux vue de la galerie perchée à vingt mètres du sol, la blancheur du bloc finement taillé dans le roc : église Saint-Jean.

Après avoir ouvert mon sac, et m’être fait bippé de haut en bas par le détecteur à métaux des gardiens, j’emprunte tout droit l’entrée du zigzag, le raccourci qui relie le devant à l’arrière du bunker, la sortie c’est l’entrée des artistes et celle du personnel, l’envers du décor, des tuyaux tout le long visibles, on ne s’éternise pas dans le boyau où des portes se dérobent de chaque côté, je pousse une de ces portes, je la reconnais, un numéro ou un chiffre inscrit dessus, des escaliers en béton, lumière fade, descendre, rien n’est indiqué il faut connaître, j’ai un doute, mais dans ce souterrain mal éclairé je pousse encore une porte, à chaque passage se souvenir où aller, je croise des gens qui marchent vite, prendre par ici et puis par-là, le dédale déboussole, puis des voix étouffées, la grande salle, des tables et des chaises, je prends un plateau un verre un couteau une fourchette une petite cuillère une bouteille d’eau une entrée un plat de résistance servi à l’assiette un yaourt je paie et je me dirige vers une table libre : cantine du Palais des Festivals à Cannes.

A propos de Michael Saludo

Vis, écris et travaille à Angoulême. J'anime des ateliers d'écriture en lien avec le cinéma.

4 commentaires à propos de “#40jours #prologue | décors”

    • Merci beaucoup Xavier, je suis vigorifié par ton commentaire… je voulais arriver sur le décor comme en repérage…

  1. Je rejoins Xavier sur sa lecture. On se laisse prendre par la main puis il n’y a plus qu’à se laisser guider, caméra a l’épaule….en un seul grand plan séquence
    Bravo

  2. Tes textes sont des tableaux qui plantent des décors que l’on a envie d’explorer.