#40 jours #prologue | pas la peine d’aller au Japon *

L’espace est encombré mais familier sédimentation d’objets accumulés ici 40 ans et plus en vie sédentaire Ne plus regarder le plafond ni les angles de mur Pas d’urgence à l’inventaire Pas envie de bazarder Tout ce qui est entré ressortira un jour d’une manière ou d’une autre il ne faut pas savoir à l’avance :

RÉSIDENCE PRINCIPALE

Immeuble collectif dans résidence 6 bâtiments de 4 à 6 étages orientation levant /couchant balcons gris et stores roulants 4 appart. par étage ici sur quatre niveaux de la verdure autour a grandi en même temps que les mômes 4 voisins immédiats quelques mouvements de propriétaires la mort sépare ou autre chose la couleur des murs a changé lie de vin puis rose parme hall d’entrée modifié des miroirs partout des boîtes aux lettres compactées mochetés consensuelles format agréé aucune trace d’art dans la co-proprio ascenseur étroit et lent bouton RC cassé ressort retient encore le mécanisme ça ne va pas durer la concierge est au jus la quatrième peut-être depuis la construction toutes sont dans les têtes leurs malheurs et leurs enfants aussi ici on dit bonjour et on s’entraide si besoin on relève le courrier mais on vit chacun chez soi – le confinement a un peu déplacé les regards mais on ne voit rien ou guère davantage il y a parfois des fêtes , des bouchons qui sautent et des langues de sorcières :

FRANCHISSEMENT DES SEUILS

Un drôle d’immeuble en face les pies et les autres oiseaux y guettent l’horizon Triangle métallique lie de vin lui aussi fronton d’immeuble à deux étages une cour rectangulaire herbeuse en deux sections inégales un grand arbre blanc décharné silhouette blanche grâcieuse un mur de mâchefer sépare loin en transversale d’une avenue à l’autre :

AU BOUT DE LA VILLE LA BANLIEUE

Usine Duranton rasée mort d’une entreprise limite entre arrondissement et banlieue-Jamais visitée Avant barrière pivotante Grandes lettres bleues délavées- Tristesse silence Mouvements d’ouvriers discrets Un beau jour ils sortent Piquet de grève – braseros et banderoles On s’est parlé :

LIQUIDATION

Bosquet vers la MAJO rempli de cabanes de fortune Migrants qui s’organisent – se cachent derrière de maigres buissons- hommes et femmes – tout petits et gamins aux mains sales – enfants empêtrés dans l’épaisseur de vêtements – double pantalon- triple pull- chaussettes flageolantes -poulbots rieurs mais l’automne sous la pluie ça grimace :

ÉVACUATION

* Pas la peine d’aller au Japon est un titre de recueil de Gabriel LE GAL paru en 2006

A propos de Marie-Thérèse Peyrin

L'entame des jours, est un chantier d'écriture que je mène depuis de nombreuses années. Je n'avais au départ aucune idée préconçue de la forme littéraire que je souhaitais lui donner : poésie ou prose, journal, récit ou roman... Je me suis mise à écrire au fil des mois sur plusieurs supports numériques ou papier. J'ai inclus, dans mes travaux la mise en place du blog de La Cause des Causeuses dès 2007, mais j'ai fréquenté internet et ses premiers forums de discussion en ligne dès fin 2004. J'avais l'intuition que le numérique et l 'écriture sur clavier allaient m'encourager à perfectionner ma pratique et m'ouvrir à des rencontres décisives. Je n'ai pas été déçue, et si je suis plus sélective avec les années, je garde le goût des découvertes inattendues et des promesses qu'elles recèlent encore. J'ai commencé à écrire alors que j'exerçais encore mon activité professionnelle à l'hôpital psy. dans une fonction d'encadrement infirmier, qui me pesait mais me passionnait autant que la lecture et la fréquentation d'oeuvres dont celle de Charles JULIET qui a sans doute déterminé le déclic de ma persévérance. Persévérance sans ambition aucune, mon sentiment étant qu'il ne faut pas "vouloir", le "vouloir pour pouvoir"... Ecrire pour se faire une place au soleil ou sous les projecteurs n'est pas mon propos. J'ai l'humilité d'affirmer que ne pas consacrer tout son temps à l'écriture, et seulement au moment de la retraite, est la marque d'une trajectoire d'écrivain.e ou de poète(sse) passablement tronquée. Je ne regrette rien. Ecrire est un métier, un "artisanat" disent certains, et j'aime observer autour de moi ceux et celles qui s'y consacrent, même à retardement. Ecrire c'est libérer du sentiment et des pensées embusqués, c'est permettre au corps de trouver ses mots et sa voix singulière. On ne le fait pas uniquement pour soi, on laisse venir les autres pour donner la réplique, à la manière des tremblements de "taire"... Soulever l'écorce ne me fait pas peur dans ce contexte. Ecrire ,c'est chercher comment le faire encore mieux... L'entame des jours, c'est le sentiment profond que ce qui est entamé ne peut pas être recommencé, il faut aller au bout du festin avec gourmandise et modération. Savourer le jour présent est un vieil adage, et il n'est pas sans fondement.