autobiographies #08 | intérieurisés

le couloir sombre et immense ; la poubelle de jardin verte là fichée dans l’entrée ; et les fenêtres calfeutrées de cartons ; et parfois monsieur dort au salon ; et le petit chat qui fait des pirouette ;l’ enfant qui rit sans trop savoir comment ; et les griffes sur le tapis noir et blanc ; mes enfants, c’est tout pour moi ; les pièces grandes et trop vide ; les petites filles de la chambre borgne ; rideau rouge sombre épais ; les garçons et la décoration ; l’enfant fait le café presque sans se bruler ; les mots qui font comme un ron ron ; et des papiers collés sur le frigidaire ; un programme diététique ; faire à manger pour les enfants, tout le temps, pas le temps, je n’ai pas le temps ; et l’enfant déjà grand mais toujours appelé enfant, c’est le bébé ; c’est un bébé encore ; la marmite sale et immense en étain qui traine là ; madame fait à manger ; madame se fait agresser ; madame ouvre la porte béquille et genouillère ; et son regard en travers ; le salon vide et grand ;  dans le noir calfeutré ; et les portes enlevées parce qu’elles ont bien failli me tuer vous savez ; et puis avant, la cuisine de carreaux jaune ; carreaux même au mur ; pas de chambre pour les parents ;  lit armoire en bois ; murs blancs ; sol blanc à carreaux ; la porte fenêtré qui donne derrière ; terrasse étroite ; cabanon de bois au fond ; la planche de terrain juste au-dessus ; les glycines et les bourdons ; la vue des toits d’en bas ; les tortues qui tombent du ciel ; et puis un jour, les chaises en plastique autour de la grande table ; des gâteaux sucrés sur un plateau et du café ; bruits de voix ; bruits de rire ; les murs des couloirs  blancs ;  repeints tous les trois ans ; le poste d’ordinateur à droite sur le bureau ; le bureau contre le mur ; les casiers bleus en fer ; les petites étiquettes ; le fauteuil violet ; jamais ramené au coin infirmier ; le fauteuil violet pour dormir ; dormir  entre 5 et 6h vite fait ; draps dessus pour protéger le visage ; traces de tous ceux qui s’assoient ; traces imaginaires ; traces dans la tête ;  la petite lumière allumée du bureau ; extérieur nuit  ; quand il y a la lumière on sait que c’est toi; le frigo petit ; jamais nettoyé ; machine à café posée dessus; le sol de carreaux beige sale partout ;  le canapé noir tout neuf de la salle télé ; noir en cuir avec une place pour s’allonger ;  banc de béton ; coussins jamais nettoyés ; nettoyés une fois, il y a eu la gale  ;  boitier rouge pour tout verrouiller ; sur le bureau l’agenda noir épais des rendez-vous toujours ratés; le cahier de liaison comme un cahier d’écolier ; et puis ailleurs, loin ; le balcon de béton ; le village en sable dehors en bas ; le vent qui s’écoule, chaud ;  le lit moustiquaire ; couette rose ; sac de voyage à terre ; empilements d’objets et de carton ; porte fenêtre donnant dehors ; toilette sur le toit ; terrasse d’oiseau et de fientes ; escalier incertains avec étages intermédiaires ; vitrine remplie des objets du cousin mort ; petit hamac recroquevillé avec l’enfant comme une boule au milieu qui dort ; les pales du ventilateur bercent comme un petit moteur ;

A propos de Line

De métier éducatrice auprès d'adolescents en difficulté. Depuis un an animatrice en atelier d'écriture ( DU animateur en atelier d'écriture Université AIx-Marseille 2019-2020) et porosité entre ces deux espaces là qui se mélangent quelque fois, parfois plus que je ne le crois.

2 commentaires à propos de “autobiographies #08 | intérieurisés”

    • Merci pour votre balade dans ces différents endroits et votre retour, où le mot nuit m’a saisi et où j’ai tout relu avec ce prisme là ! merci pour ça, permettre de se relire et de voir que des mots que l’on avait pas peser sont en fait des marqueurs temporels pour le lecteur !