autobiographies #11 | robes

C’est en nylon, ce doit être en nylon, nouvelle matière, moderne, marque du progrès qui tarde dans les placards de la cuisine – l’ancien matériel est si solide – quelques cintres dans la garde-robe. C’est tout. C’est du nylon, lisse, doux, fin, nylon qui colle un peu aux poils, nylon noir, chaud, transpirant – donne au corps une odeur rance – au-dessous des genoux, longues manches, petites fleurs, col Claudine ? peut-être, ou Véronique, mais en dentelle blanche, un peu, cousue sur le nylon. C’est une robe, ce doit être une robe, au-dessous du genou, manches longues, une robe noire à petites fleurs blanches, col Monique ou Claudine ou Thérèse, elle n’en sait rien. La robe est assise, sur une chaise en bois, les jambes de côté, les genoux à la même hauteur, liseré de dentelle blanche, au-dessous. C’est une robe, ce doit être une robe, un peu massive, monts et bosses, cagneux les genoux peut-être, taille et seins épais, assise, sur une chaise, les genoux en biais, le creux en pli entre les cuisses, les pans échappent de chaque côté, oreilles de chien, pas coincées sous les cuisses. La petite, c’est en coton, ce doit être en coton, liseré rouge et dentelle blanche, petites fleurs blanches aussi. C’est une petite robe, debout à côté de l’assise, tenue collée contre la cuisse gauche. C’est en coton, ce doit être en coton, manches à mi-bras, épaules légèrement bouffantes. La petite robe pousse, de ses petite manches mi-bras, sur la cuisse gauche de la grande robe en nylon. Elle pousse, elle exerce une tension inverse à celle qui la tient collée. Petite robe au-dessus des genoux, au-dessus de chaussures montantes, clouées au sol, et qui poussent ainsi que les bras. Pour se décoller. La tête tirée vers loin.   

A propos de Helene Gosselin

Un peu de sociologie de l'imaginaire, quelques années de journalisme à Montpellier. Mise au vert en Lozère. Venue ici par un heureux concours de circonstances. M'y accroche. Dévide, fouille, cherche sous les doigts.