autobiographies #07 | mes portes.

La porte de ma chambre, blanche, simple, une poignée pas argentée mais couleur argent. un petit trou pour y mettre une clé que je ne saurai trouver et un autre petit trou au dessus de la poignée dans lequel devrait se trouver un clou qui ne cesse de s’enlever et que je ne recherche jamais. Toujours ouverte sauf pour la nuit et son intimité. Et qui me rappelle….

La porte de chambre de mes parents, quasiment la même ( mon dieu ! ) à la différence extrême qu’il y en avait deux. Une pour ma mère et une pour mon père pour toutes les raisons qu’ils aimaient à se raconter. Toujours un frisson avant de frapper et d’entrer….

Les portes de mes enfants – A chaque moment de leurs vies, posters, photos, panneaux d’interdictions d’entrer, mots inscrits à la craie magique que l’on peut effacer. Portes que l’on ouvre sans bruit pour voir s’ils respirent, portes entrouvertes d’où l’on perçoit leurs rires entre amis, portes que l’on frappe avant d’entrer parce que définitivement, ils ont grandi…

Porte de mon premier appartement parisien, tout en haut, de tous les étages, à pied. Porte en bois, poignée noire à tourner, après avoir trouvé la clé dans mon sac bordélique. Seule porte sur le palier, un luxe. Pas de nom, juste une petite sonnette. Pas encore d’interphone ni de caméra pour surveiller. Ceux qui venaient étaient ceux qui étaient invités….

Porte vitrée de la laverie de la rue Paul Bert. Porte vitrée pas toujours très propre avec ses grandes lettres dessinées en bleu sur lesquels on pouvait lire, si je me souviens bien, » laverie libre service. Ouvert 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. » Porte vitrée remplie de buée….

Les portes de tous les castings et auditions vécues. Aucun souvenir, seul le frisson de l’attente, la préparation de la rencontre, le tremblement de l’émotion, l’envie de fuir parfois…

La porte du cabinet médical familial – D’abord l’interphone avec le nom, le couloir à traverser, la porte sombre, lourde, très lourde à pousser, encore une petite allée jusqu’au bureau de la secrétaire, tout sourire, avant d’entrer dans la salle d’attente, sans porte….

Les portes des supermarchés, toujours vitrées, toujours coulissantes, toujours laides, à pleurer…

La porte du dentiste, souvent blanche, propre, aseptisée, pas très aimée. Interphone, code, étiquette, porte en bois de l’immeuble qui s’ouvre automatiquement, cour pavée à traverser, porte à franchir, salle d’attente, l’odeur et le bruit qui font mal à la bouche…

La porte de restaurant d’amis créé dans une maison familiale rachetée, – Entrée par la grille noire toujours ouverte, sauf le dimanche et jour férié, chemin caillouteux, petites marches d’escalier jusqu’au perron, portes vitrées ornées de bordures noires finement entrelacées.

La porte de Barbe bleue, mille fois racontée, mille fois imaginée….

Les portes immenses, touchant le ciel, que je voyais sur mon parcours de vie m’empêchant l’accès. Fermées, inaccessibles, dans lesquelles je ne pouvais entrer…

Et puis, les portes ouvertes, les chaleureuses, les bienvenue chez moi, les débuts d’histoires….

La porte de mon coeur, la porte de ton coeur, les portes de vos coeurs, libres d’accès ?

A propos de Clarence Massiani

J'entre au théâtre dès l'adolescence afin de me donner la parole et dire celle des autres. Je m'aventure au cinéma et à la télévision puis explore l'art de la narration et du collectage de la parole- Depuis 25 ans, je donne corps et voix à tous ces mots à travers des performances, spectacles et écritures littéraires. Publie dans la revue Nectart N°11 en juin 2020 : "l'art de collecter la parole et de rendre visible les invisibles" voir : Cairn, Nectart et son site clarencemassiani.com.

3 commentaires à propos de “autobiographies #07 | mes portes.”

  1. le temps qui passe en portes d’enfants, les portes « trac « , les portes laides à pleurer ou de début d’histoires… Merci Clarence

  2. ouiii, frapper, attendre d’être invité.e à entrer, la porte des enfants à respecter, celle qui reste toujours ouverte… elles se présentent comme un vrai parcours toutes ces portes, merci Clarence.

  3. Une trajectoire qui monte et descend en rythme crescendo, qui rappelle tant de souvenirs personnels comme si le porte à porte menait jusqu’à soi, cet universel de la porte en soi