Carnet #40 Poursuivre le chemin … |AN|

Chère Eléonore

Ainsi tu t’interroges sur le pourquoi et le comment de l’écriture … sur le pourquoi, je ne saurai te répondre… par contre sur le comment, il y aurait beaucoup à dire. L’écriture est une pratique artistique comme les autres, dessin, peinture, sculpture, musique, chant, … des pratiques qui requièrent une pratique assidue… de bons pédagogues… un environnement encourageant aussi, ça aide vraiment beaucoup.

Des outils fidèles et choisis avec soin, pour naviguer quel que soit l’endroit où l’on se trouve… ne pas laisser échapper ce que nous observons, entendons, nous interpelle, mérite arrêt sur image, mots clés, verbatims… Noter avec méthode, s’entrainer à noter ( se faire une petite grille d’observation ou une petite liste des points importants)… flux du dehors, mémoire(s), faire appel à tous ses sens ( comme une palette des couleurs ). Cultiver l’attention à l’environnement qui nous offre mille sujets d’inspiration. Et parfois nous soulage des relations trop frontales ou désagréables.   

Tu peux en effet t’entrainer « à dresser » des portraits, un peu sur le mode des caricatures de Daumier. Quels traits exagérer, moquer un peu ? Les gens me trouvent souriante, ils ne savent pas que je suis en train d’enrichie ma galerie de portraits… qui reste dans mon ordinateur évidemment.

Mais attention, l’écriture est une chose sérieuse. Elle sollicite parfois en nous des endroits dont nous ne savions pas encore grand-chose. Des dialogues intérieurs suivront, surtout ne pas les mettre de côté.

Créer des univers à partir de quelques indices. On peut partir de personnages, d’ interactions, de paysages, d’évènements… ou l’inverse. Ou bien partir d’un contexte connu, ou soigneusement documenté par nos soins. Ou inventer un monde imaginaire dans lequel se déroulera la narration… Du dessin à l’écriture, aller et retour. Ou en d’autres termes, visualiser, comme les grands sportifs. Gagner en précision et en richesse.  

Et aussi faire des « paysages » (ne pas hésiter à prendre un format A3) avec des collages, des photos, des bouts de textes et inventer les chemins qui relient, posent  des énigmes à résoudre.   

Composer avec l’infini variété des nuances possibles, comme en musique. Quelle est la tonalité majeure par ex ? les variations au fil de l’écriture…  En prendre conscience.

Ou bien encore se pencher du côté de sa propre intériorité , les livres de son enfance, les souvenirs qui émergent…

Chère Eléonore, je crois que je me disperse un peu

Ecrire continûment, chaque jour, un peu, voir beaucoup. L’entrainement délie l’écriture. Les mots, les phrases, la syntaxe viennent plus facilement … On ose différemment aussi.

Faire un travail sur les littératures qui ne sont pas écrites dans notre langue maternelle . Par exemple les prix Nobel de littérature Thomas Tranströrmer, suédois ; Olga Tokarczuk, polonaise ; Imré Kertész , hongrois, pour n’en citer que 2 ou 3.  Des auteurs qui nous sont devenus accessibles parce que traduits. Nous ouvrent sur des contextes, des écritures que nous n’aurions pu découvrir sans les traductions, sans la reconnaissance littéraire qui les met en lumière. Une mise en perspective de notre vision du monde social…

Je m’égare encore un peu dans la littérature Mais écrire même une ligne, même un petit paragraphe, n’est- ce pas s’inscrire dans une lignée extraordinaire ?

Pour ne pas se perdre, recours à la méthode (on finit par l’oublier , c’est bon signe)

Le signe que la pratique de l’écriture est bien engrammée ( mais attention les rituels ne doivent pas fermer nos horizons ! )

Ecrire chaque jour

Classer, dater

Ne rien s’interdire

Se relire, développer, aller au bout de ce qui vient

Ecrire, relire, réécrire , en rythme et le garder.  

Elaguer, élaguer … Pas de mollesse, du vif !

Je crains que cette lettre ne te soit ni d’un grand réconfort, ni d’une grande aide.  Aussi il serait plus simple que tu fasses comme tu le souhaites.

Et organisons-nous un WE écriture, à la campagne, du côté de chez Balzac ou bien du côté de chez George Sand. La nature y est charmante et propice à l’écriture. Nul doute que nos écrits pourront s’y développer avec bonheur. A très bientôt

Avec toute mon affection,

A.  

A propos de Annick Nay

Des bords de Loire aux bords de Seine, Annick Nay vit actuellement à Paris. A toujours aimé écrire au gré des saisons et de ses pérégrinations … ECRIRE quelquefois, souvent, pas du tout ECRIRE inspirée, aspirée par une urgence ECRIRE des brèves, des textes longs, (soupir), comment savoir ? ECRIRE quand l’écriture fuit ECRIRE au rythme de ses insomnies ECRIRE explorer , persévérer ( se dit-elle)